Suppléances, contrats aidés…
Un enjeu d’équité

« L’École catholique est-elle considérée comme un véritable partenaire ? »
C’est la question posée par Pascal Balmand, secrétaire général de l’enseignement catholique, lors de la conférence de rentrée qu’il a tenue ce mardi 3 octobre 2017.
Dans un discours habité du souci constant du dialogue, condition sine qua non de la confiance, il a énuméré les nombreux dossiers sur lesquels l’enseignement catholique reste en attente de réponses. Il a notamment évoqué la rémunération des professeurs suppléants, la suppression des contrats aidés et la question du financement public des établissements.

« L’École catholique contribue activement à l’action éducative de la Nation. Son existence permet la liberté de choix des familles. Son maillage s’avère précieux pour bien des territoires. Bien que cela soit trop facilement oublié ou insuffisamment pris en compte, elle est source d’économies budgétaires pour l’État comme pour les collectivités publiques. Et surtout, elle développe un travail qui participe réellement de la qualité éducative et pédagogique de notre système scolaire. Elle ne réclame aucun traitement de faveur. Mais elle entend être considérée en juste proportion des services qu’elle rend. » Pascal Balmand, secrétaire général de l’enseignement catholique, a adopté un ton ferme pour présenter à la presse, ce 3 octobre, l’accumulation de dossiers sur lesquels l’enseignement catholique reste en attente de réponses des pouvoirs publics, allant jusqu’à poser une question politique de fond : « Oui ou non, l’Ecole catholique est-elle considérée comme un véritable partenaire ? »

 

Pascal Balmand légitime son interrogation par le fait que certains «  recteurs d’Académie ignorent délibérément la notion de besoin éducatif reconnu ». Exemple à Bouzonville, en Lorraine, où l’administration refuse depuis 2015 l’ouverture d’un lycée général privé alors qu’il n’existe aucun autre établissement à une heure de transport à la ronde : « Qui donc raisonne en termes de concurrence ? L’Enseignement catholique qui cherche à se rendre utile, ou bien une administration qui nous empêche de répondre aux attentes des familles ?... » a-t-il interpellé. « Jean-Michel Blanquer, notre ministre de l’Éducation nationale, plaide en faveur d’une École de la confiance. Je souscris pleinement à son propos, (…) mais j’ajoute qu’il n’est pas de confiance sans dialogue : je suis demandeur de ce dialogue authentique et sincère, à toutes les échelles territoriales » a conclu Pascal Balmand après avoir développé trois importants dossiers demandant une prise en compte urgente des pouvoirs publics.

 

Trois épineux dossiers

 

Les professeurs suppléants

Le traitement perçu par les suppléants du privé est très sensiblement inférieur à celui de leurs homologues du public, avec des écarts qui peuvent atteindre jusqu’à 4 à 600 euros par mois pour une rémunération mensuelle de base à peine supérieure à 1100 euros. Pascal Balmand a souligné « le caractère socialement injuste de cette disparité, qui, par ailleurs, pénalise gravement nos établissements, qui ont plus de mal à recruter des suppléants. » Suite à la protestation de chefs d’établissement de l’enseignement catholique l’hiver dernier et à un courrier adressé par Pascal Balmand au ministère, un groupe de travail a été constitué sur le sujet. Sans avancée notable. « Nos enseignants titulaires acceptent de pallier à ces difficultés de remplacements qui ne pénalisent donc pas trop nos élèves… mais cette inéquité structurelle ne peut continuer. Il en va d’un impératif de justice, et de l’équilibre comme de la pérennité de l’offre éducative dans notre pays. »
Conscient de l’ampleur de la somme nécessaire pour effectuer le rattrapage attendu –estimée à 90 millions d’euros par la Direction des affaires financières du ministère-, Pascal Balmand plaide pour un processus d’harmonisation progressive.

Le dialogue, au service
d’une École l’Alliance

Persuadé qu’ « il en va de la responsabilité éthique et politique de l’École que de former les enfants et les jeunes au dialogue véritable », Pascal Balmand a insisté sur la manière dont les disciplines et les pratiques pédagogiques doivent y contribuer : « par l’usage de la raison et par l’apprentissage de la rigueur intellectuelle ; par le dialogue entre les disciplines ; par le développement des pédagogies coopératives ; par tout ce en quoi l’exercice de la dissertation relève d’une éthique intellectuelle qui forme au débat démocratique ».

Autre forme de dialogue cher à l’Enseignement catholique, celui entre les équipes et les parents, acteurs à part entière de la communauté éducative. Cette notion, forgée en 1967 par les parents d’élèves de l’école libre APEL fête cette année son cinquantième anniversaire et une récente publication du Sgec entend en cette rentrée participer à donner chair à cette vision d’une communauté de dialogue et de concertation.

 

Ouverte à la diversité des élèves, « l’École catholique entend vivre cette pluralité de manière sereine et féconde ». C'est dans cet objectif que le Sgec publie des fiches sur l’éducation au dialogue interculturel et interreligieux dans l’École catholique qui expliquent comme l’institution articule le choix de la diversité et un ancrage ecclésial préservé.

 

Dans le cadre du « Réenchantement de l’École », enfin, la réflexion, la recherche, la mutualisation sont encouragées au sein des équipes et de l’ensemble de l’institution. A cette fin, le Sgec installe en cette rentrée un « Laboratoire National des Initiatives », ainsi présenté par Pascal Balmand: « Destiné à favoriser la rencontre et le dialogue entre universitaires, praticiens du quotidien et formateurs, il soutiendra l’activité des laboratoires déjà mis en place dans divers territoires, et se donnera pour lui-même trois objets de travail spécifiques : d’une part les modes d’exercice de la responsabilité et du pilotage dans l’École catholique, d’autre part la construction et l’accueil de la parole des jeunes dans nos établissements, et enfin la question des savoirs et de leur transmission.»

Les enjeux de financement public

Force est de constater que la loi Debré, qui prévoit que les communautés territoriales versent aux établissements privés sous contrat une contribution équivalente à ce que leur coûte un élève du public, est diversement appliquée selon les territoires. Cet enjeu se pose en cette rentrée avec plus d’acuité encore pour les établissements agricoles privés dont la subvention de fonctionnement prévue par la loi Rocard affiche « un différentiel de 39% » par rapport au coût d’un élève du public. Un état de fait jugé illégitime par Pascal Balmand, surtout au vu du « travail d’animation territoriale que mènent nos établissements. »

Un moratoire
sur les contrats aidés.

« Pour l’Enseignement catholique, ce sont environ 4000 personnes en contrats aidés qui se trouvent du jour au lendemain plongées dans le désarroi le plus total, et des centaines d’établissements qui sont confrontés à des difficultés très considérables… » Sans se prononcer sur la pertinence de la réforme, Pascal Balmand conteste ses délais d’application trop court et souhaiterait un moratoire.

« Par ailleurs, je demande aux préfets de Régions, qui disposent d’une marge de manœuvre, de porter un regard équitable sur les demandes qui leur sont adressées. Ici ou là, le lobbying de tel ou tel groupe de pression semble permettre de préserver certains emplois aidés : il ne serait pas juste que le service éducatif rendu par nos établissements qui, eux, ne sont pas dans une culture de lobbying, ne soit pas pris en compte. »

Entre autres sujets également abordés:

12 436 élèves en plus

Ne s’inscrivant pas « dans une logique de parts de marché », Pascal Balmand, se réjouit toutefois de ce que les effectifs de l’école catholique poursuivent leur très nette progression cette année encore » et « remercie l’engagement de tous ceux et celles dans qui cette vitalité serait impossible ».

La progression concerne essentiellement le second degré tandis que le 1er degré reste stable et que l'enseignement agricole affiche un nouceau recul. Dans l'attente de l'enquête lourde qui permettra une analyse fine de ces chiffres, ils semblent toutefois plus corrélés aux évolutions démographiques. Pascal Balmand réfute une quelconque « fuite liée à la réforme du collège » et l’impact de la possibilité ouverte aux écoles publiques l’été dernier, de revenir sur les rythmes scolaires ne lui semble pas déterminant. En effet, alors que les établissements publics du Grand Ouest n’ont majoritairement pas usé de la possibilité de revenir à la semaine de quatre jours, les effectifs des écoles catholiques affichent en effet une baisse dans ces académies.
Cette vitalité de l’école catholique constitue bien sûr un motif de satisfaction… même si l’annonce, lors du dévoilement du budget 2018 d’une rentrée blanche – sans suppression ni création de postes- s’annonce difficile, dans ce contexte de croissance.
Ce d’autant plus que l’enseignement catholique entend poursuivre ses efforts en matière de mixité sociale et scolaire ou d’accueil des migrants mineurs. Sur les 1000 nouveaux postes créés en cette rentrée 2017, il en redistribue en effet 400 vers des établissements volontaristes en la matière.

 

Les chiffres de la rentrée 2017

En cette rentrée 2017, les établissements catholiques ont accueilli 2 098 066 enfants et jeunes, soit 12 436 élèves
de plus qu’en septembre 2016 (+ 0,6 %). Ininterrompue depuis 2009, l’augmentation des effectifs de l’enseignement catholique atteint ainsi un total de plus de 93 000 élèves en neuf ans.

La progression des effectifs concerne toutes les académies –hormis celle de Dijon- et s’exprime plus fortement dans celles de Guyane, Limoges, Reims, Bordeaux, Nantes et Lyon.
En revanche, cette hausse concerne essentiellement le second degré (+1,1%) alors que le 1er degré, qui a enregistré une forte hausse ces dernières années, affiche une parfaite stabilité et que l’enseignement agricole enregistre un recul de 671 élèves (-1,4%).

 

Sur APB et l’orientation post-bac

Pascal Balmand a vivement regretté que le ministère de l’Enseignement supérieur n’invite pas l’enseignement catholique à la consultation élargie qu’il organise au sujet d’APB et de l’accueil des étudiants en 1er cycle. D’autant que le courrier daté du 21 septembre 2017 dans lequel il fait part de son étonnement à la ministre est resté sans réponse.

Il a profité des questions des journalistes pour rappeler que le logiciel d’affectation post-bac reste un simple outil qui n’est pas responsable des difficultés plus profondes qu’il a révélées : défaut d’anticipation des flux étudiants, lacune en matière d’accompagnement à l’orientation et taux d’échec calamiteux à l’université française, notamment des étudiants en provenance des filières professionnelles et technologiques. Ayant ainsi remis en perspective les enjeux, Pascal Balmand s’est déclaré favorable à une réforme du système qui « développerait l’aide à orientation, des passerelles pour la réorientation, une année propédeutique et même un processus de prérequis à condition qu’il soit indicatif et non pas normatif, le tout en articulant les différents chantiers afin de faire vivre le continuum Bac-3-Bac + 3».

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De la réforme du collège à celle du lycée

Pascal Balmand s’inscrit en faux contre les analyses en termes de « détricotage » de la réforme du collège à laquelle il s’est déclaré globalement favorable dès l’origine. Il salue au contraire les amendements et assouplissements autorisés par le nouveau ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer notamment ceux concernant les langues vivantes et anciennes. « Ces aménagements ont le mérite d’en appeler à l’initiative des équipes. C’est intéressant car cela rejoint la culture de souplesse, de pluralisme et du contrat que défend de longue date l’enseignement catholique, comme le rappelle sa contribution au dernier débat électoral.»

Sommé par la presse de prendre position sur les querelles pédagogiques, Pascal Balmand a aussi renvoyé à ce document qui prône la responsabilisation des acteurs et insisté sur les mérites de la pédagogie différenciée  « qui permet réellement à chaque enfant d’avancer à son rythme et ainsi de s’extraire d’une culture jacobine qui voudrait que chaque élève apprenne la même chose au même moment. »

C'est dans ce souci d'encourager les échanges de pratiques et la réflexion éducative partagée que l'enseignement catholique organise, le 18 mai 2018, une grande journée nationale en Régions autour des questions liées au collège.

Dans ce même esprit, tout à fait conscient de la nécessité de réformer le bac et le lycée, l’enseignement catholique entend participer à la réflexion engagée et sur laquelle une rencontre avec Jean-Marc Huart, le nouveau directeur de l’enseignement scolaire (Dgesco) a déjà eu lieu.

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