Une École qui prend ses responsabilités

Fort de 2 099 890 élèves répartis
dans ses 7600 établissements,
et de son poids dans le paysage éducatif français, l’enseignement catholique
est conscient de ses responsabilités.
C’est le message qu’a voulu faire passer
Pascal Balmand, le secrétaire général
de l’enseignement catholique dans sa conférence de presse de rentrée,
le jeudi 4 octobre 2018.
Dans un contexte complexifié par les suppressions de postes annoncées et la mise en œuvre de la réforme du lycée, il entend plus que jamais participer au service public d’éducation, notamment auprès des publics les plus fragiles, en proposant une école différente et non parallèle.

Sobriété budgétaire et devoir de prospective

Les effectifs de la rentrée 2018 – à consolider début décembre suite aux résultats de l’enquête lourde- révèlent que la progression de l’enseignement catholique (0,1%) enregistre un tassement après quatre années de forte hausse. En cause, un ralentissement de la courbe démographique, mais aussi les arbitrages budgétaires qui n’ont prévu aucune création de postes pour cette rentrée et en suppriment 550 pour la prochaine. Dans ce contexte, de nombreux chefs d’établissement ont dû refuser un part croissante des demandes d’inscription. « Nous voulons maintenir notre maillage territorial en préservant les zones en déprise démographique, même si cela limite nos capacités à répondre à la demande dans les espaces en expansion », explique Pascal Balmand qui entend aussi garder le cap de l’engagement en faveur de l’accueil de tous.

Mais, le secrétaire général l’assure, ce défi arithmétique -rapporté aux 130 000 professeurs de l’enseignement catholique- est compliqué mais pas impossible à relever. Il rappelle tout d’abord qu’il y a, dans le réforme du lycée, un gisement d’économies possibles qui compensera l’effet des suppressions de postes, en plus des heures supplémentaires, dans une proportion encore inconnue à ce jour.
Surtout, il repère des marges de manœuvre dans la capacité d’innovation éducative de l’enseignement catholique. Exemple à Clermont-Ferrand où, pour la première fois, une dizaine de petits collèges de l’enseignement catholique ont été autorisés à n’ouvrir que trois classes au lieu des quatre réglementaires : « Ce type de sobriété budgétaire ne pénalise pas les élèves. Cela permet de moduler l’offre pédagogique en fonction des besoins, certains pouvant effectuer leur collège en trois ans, d’autres en cinq ans. »

Enfin, pour assumer ses responsabilités dans un contexte de contrainte budgétaire, l’Enseignement catholique se saisit résolument du dossier de son modèle économique et de sa présence territoriale. Il engage sur ces questions « une vaste démarche prospective fondée sur une logique ascendante (…) Le tout « dans le souci prioritaire du service que nous rendons et que nous voulons rendre à la société et au pays ».

Éducation prioritaire :
l’enseignement catholique
dans les starting-blocks

Sans préjuger du résultat de la réflexion amorcée par le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer sur la politique d’éducation prioritaire, Pascal Balmand s’est réjoui de ce qu’elle devrait « permettre à l’École catholique de devenir chaque jour un peu plus une école pour tous ». En vigueur jusqu’alors, la logique de zonage territorial, binaire, ne pouvait en effet s’appliquer à l’enseignement catholique qui souhaitait pourtant de longue date participer à cet effort éducatif renforcé. En revanche, la piste envisagée « d’une allocation de moyens spécifiques et supplémentaires, mesurée établissement par établissement, en fonction du public accueilli, rendrait possible l’association de nos établissements à cette politique ». De quoi renforcer, aux yeux de Pascal Balmand, « la vocation de l’École catholique, qui est de proposer une école différente, et non de constituer une école parallèle. »

 

Une progression de 0,1%, qui suit l'évolution démographique

Par rapport à la rentrée scolaire 2017, l’enseignement catholique enregistre cette année une progression globale de 2 576 élèves (+ 0,1%), qui correspond schématiquement à une hausse de 5 000 élèves dans le 2nd degré et à une baisse de 2 500 élèves dans le 1er degré, alors que les établissements agricoles perdent 752 élèves (- 1,6%). Voilà qui contraste fortement avec les progressions de 15000 élèves enregistrées plusieurs années de suite mais épouse parfaitement les évolutions démographiques des populations d’âge scolaire : - 0,3% dans le 1er degré là où la DEPP prévoyait – 0,4%, et + 0,4% dans le 2nd degré là où la DEPP prévoyait + 0,5%.

Dans ce cadre budgétaire contraint, à la rentrée 2018, une centaine de postes ont fait l’objet d’un redéploiement interne : 47 emplois ont été alloués au Plan Réussite éducative pour tous (accueil d’élèves allophones, école inclusive, ouverture en zone défavorisée) et 53 postes accompagnent l’évolution démographique.

Réforme du lycée

Individualisation des parcours, autonomie des établissements, modularité et optimisation des enseignements… Pascal Balmand estime que l’esprit des réformes et notamment de celle du lycée, se nourrit « d’un libéralisme tempéré » par le souci de mieux accompagner –aide à l’orientation, accompagnement personnalisé-. Il souhaite donc que l’enseignement catholique la mette en œuvre à la lumière de son projet spécifique, en s’appuyant sur la notion de communauté.

L’accent mis sur la personnalisation des parcours et sur l’accompagnement de chacun, chers à l’enseignement catholique doivent aller de pair avec « une attention prioritaire aux plus fragiles comme au travail collaboratif. » Tandis que la responsabilisation des établissements et l’appel à leurs initiatives doit s’exercer « dans un esprit de réseau et de concertation ».

Ainsi, évoquant le travail en cours sur l’élaboration d’offres de spécialités les plus ajustées aux besoins des élèves, Pascal Balmand, a rappelé qu’elles relèveront de l’arbitrage des chefs d’établissement et de leur capacité à travailler en réseau.
Il a aussi invité les acteurs de l’Enseignement catholique à s’inspirer de Loread, un système d’enseignement à distance inventé par l’enseignement catholique lorrain et qui fait ses preuves depuis plus de 12 ans. Ce, notamment en milieu rural, où l’exercice est complexifié par l’éloignement géographique.
Par ailleurs, il ne voit aucune opposition de principe aux partenariats entre établissements publics et privés qui sont actuellement discutés dans plusieurs régions.

 

… et de la voie professionnelle

Dans l’attente de bases avérées et fiables pour se prononcer sur la réforme du lycée professionnel, Pascal Balmand a néanmoins rappelé le prix tout particulier que l’enseignement catholique attache aux diverses formes d’enseignement professionnel qui ouvrent des voies de réussite et d’excellence à celles et ceux moins à leur aise dans les parcours traditionnels. Des états généraux de ces formations, que l’Enseignement catholique organise dès cette automne jusqu'au printemps 2019, valoriseront leurs initiatives et dessineront les perspectives ouvertes par la loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel.

Tout en pointant à nouveau l’impératif de régulation requis pour accompagner des fonctionnements qui favoriseront des mécanismes concurrentiels, il a fait remarquer que l’Enseignement catholique ne partira pas désavantagé : Ses lycées professionnels développent en effet déjà largement l’apprentissage tandis que la mixité des parcours et des publics correspondent à son souci de personnaliser les trajectoires.

L’École catholique partenaire

« En matière éducative, je suis favorable à l’initiative mais pas à la concurrence. » Pascal Balmand s’est vigoureusement inscrit en faux contre l’accusation d’une école catholique qui viendrait concurrencer le public.

Ayant été lui-même élève puis professeur dans le public puis dans le privé, il a plaidé pour une école sereinement plurielle, rappelant que 40% des jeunes passent par les établissements catholiques et que leurs allers-retours dans les deux sens témoignent d’une heureuse complémentarité.

C’est pourquoi il en appelle à une véritable culture du partenariat –qui pourrait inclure des collaborations public-privé sur la réforme du lycée.

Il a aussi salué « la qualité du travail mené avec la représentation nationale » et « le travail de concertation avec le ministre de l’Éducation nationale » qui a permis des avancées sur différents dossiers. Il a notamment  évoqué celui, important, des suppléants de l’enseignement privé dont les écarts de rémunération avec leurs collègues de l’enseignement public se retrouvent enfin réduits.

En revanche, Pascal Balmand a déploré que dans certaines académies, « le souci d’administrer l’emporte sur l’encouragement aux initiatives », contrariant « cet esprit de responsabilisation des acteurs que toutes les réformes ministérielles entendent pourtant développer depuis plus de dix ans au moins… »

Pire encore, l’Enseignement catholique sert encore de variable d’ajustement comme en attestent certaines interpellations de terrain -qui seront vérifiées prochainement- concernant d’éventuelles inéquités relatives à l’attribution des IMP (indemnités pour mission particulière) dans certaines Académies, ou plus encore à la gestion dans certains départements des emplois d’auxiliaires de vie scolaire pour les élèves à besoins éducatifs particuliers.

« Il ne s’agit pas de demander de quelconques privilèges ou passe-droits mais simplement le respect de la loi et des principes constitutionnels », a conclu Pascal Balmand rappelant que le rapport de la Cour des comptes 2018 épingle de nombreuses irrégularités concernant le calcul et le versement des forfaits ainsi que des entorses nombreuses au principe de parité ».

 

Responsabilité et pilotage : l’impératif de concertation

«  Approfondir notre capacité d’éducation à l’engagement et à la prise de responsabilité, implique aussi de travailler à nos propres manières d’exercer la responsabilité », a posé Pascal Balmand pour qui l’exigence d’une mise en œuvre des réformes en réseau va de pair avec la généralisation d’une culture de la concertation au sein même de chaque établissement : «  On ne peut pas demander aux acteurs de s’engager et les considérer comme de simples exécutants. C’est du non-négociable car cela rejoint notre enracinement dans la doctrine sociale de l’Église », a-t-il affirmé, suggérant qu’il suffisait parfois de formaliser un dialogue déjà présent mais implicite.

Comment chacun porte-t-il au quotidien une part de responsabilité dans tout ce que vivent les uns et les autres ?  Comment le fait de reconnaître et d’encourager la responsabilité d’autrui le fait-il grandir et me fait-il grandir moi aussi ? Autant de questions qui seront travaillées , du 4 au 9 février 2019, lors d’une Semaine du Réenchantement dédiée à la responsabilité partagée.

« Tous les acteurs de nos communautés éducatives en seront partie prenante, des élèves aux parents en passant par les membres du personnel, les professeurs et les bénévoles. Ce temps fort permettra aussi de montrer en quoi la culture de la synodalité qui traverse toute l’histoire de l’Eglise peut favoriser entre nous une communion par laquelle chacun de nos établissements soit vraiment, comme nous y appelle le pape François, une maison commune » .

 

Devoir de protection

Prendre nos responsabilités, c’est d’abord affirmer qu’il n’est pas d’éducation possible sans sécurité, et pas de sécurité sans protection.

C’est la raison pour laquelle nous avons publié en juin dernier un Programme de Protection des Publics Fragiles, intitulé « De la lutte contre la maltraitance à la bienveillance éducative ». Il vise à outiller les chefs d’établissement et les équipes face à toutes les formes d’atteinte à la personne, de la pédophilie au harcèlement en passant par les divers visages de la violence psychologique, verbale ou physique.

 

 

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