Coronavirus : l’Oise aux avant-postes

Face à l’épidémie de Covid-19, deux établissements de l’Oise, proches mais hors des clusters, se sont organisés pour assurer la continuité pédagogique, avant même la fermeture nationale des établissements scolaires. Récit croisé de leur parcours.

                                                                                                                                                                                                                                                                     François Husson

 

©Sacre-Coeur Breteuil

L’institut Saint-Joseph-du-Moncel, à Pont-Sainte-Maxence, est à 15 km de Creil. « Nous sommes en dehors des clusters, mais plus d’une centaine d’élèves y vivent. À la rentrée des vacances d’hiver, on a dû gérer leur absence grâce à des outils comme École directe. Les élèves présents photographiaient aussi les cours pour leurs camarades. On a ainsi pris de l’avance et quand tout a été fermé, nous avions déjà réfléchi au bon usage de l’Espace numérique de travail », explique Philippe Chodorge, le chef d’établissement de ce grand ensemble scolaire qui accueille 1350 élèves, de la maternelle au BTS.

Même situation à l’école-collège Sacré-Cœur, à Breteuil, entre Amiens et Creil, petit établissement rural de 330 élèves doté d’un internat Une dizaine d’enfants des clusters manquaient à la rentrée et sept élèves parisiens n’avaient pu rejoindre l’établissement, bloqués quelques heures en plein cluster, à la gare de Creil, sans correspondance pour rejoindre Breteuil. « Nous avons décidé de ne pas les accueillir pour ne pas mettre en danger les autres enfants, explique Hélène Cart, coordinatrice de l’établissement. Dans les clusters, les parents étaient déjà sensibilisés et ont compris, mais deux familles parisiennes ont eu du mal à l’accepter. Toutefois, la suite nous a donné raison… La première semaine, on a envoyé par courrier aux élèves absents les photocopies de tous les cours, École directe ne servant que de cahier de texte. »

 

Une formation express
aux outils numériques

Les choses se sont accélérées la deuxième semaine, avec la fermeture de tous les établissements de l’Oise face à la propagation du virus. Organisé en cellule de crise, le Sacré-Cœur a pris deux décisions : permettre aux élèves et enseignants de venir récupérer leurs affaires et organiser une réunion des équipes, dans le respect des règles strictes de distanciation sociale. « Ce n’était pas une obligation, commente Hélène Cart, mais quasiment tous les personnels étaient là. Nous sommes un établissement familial, accueillant des élèves en difficulté, les liens sont forts entre nous. Certains enseignants n’utilisaient pas les outils informatiques, notre référent numérique les a formés. En repartant, tout le monde savait envoyer un fichier, poster un tuto, mettre un cours en ligne… » L’équipe de direction de Philippe Chodorge, elle, a passé le premier week-end à tester tous les outils disponibles pour assurer la continuité pédagogique, avant de communiquer avec familles et enseignants.

« On a décidé qui écrit à qui et pour quoi, et quelles sont les personnes ressources. On a créé aussi des chaînes YouTube pour y mettre des tutos, et utilisé la plateforme du Cned pour la classe virtuelle. » Le chef d’établissement a imposé par ailleurs une communication très contrôlée, en demandant à ses adjoints de n’envoyer que deux mails collectifs par semaine. « Il ne faut communiquer ni trop ni pas assez, définir et dire à quelle fréquence on s’adresse et à qui. En revanche, j’ai passé trois jours à répondre individuellement à 900 messages de parents et de personnels, mais cela a permis de rassurer les personnes. »

S’inscrire dans un temps long

 

 « Depuis, on essaie de faire vivre le caractère propre de l’établissement en nous limitant pas à l’enseignement, note Philippe Chodorge. On s’est inscrit dans un temps long, on se doutait que ce ne serait pas pour quinze jours ! » Une semaine avant   l’ensemble du territoire, les deux collèges mettent donc en place les modalités pour assurer une continuité pédagogique. Le   Sacré-Cœur « virtualise » sa pastorale, envoyant textes, prières et jeux aux familles, et Saint-Joseph-du-Moncel la prolonge via   un blog créé pour l’occasion.

©Sacre-Coeur Breteuil

Les chefs d’établissement incitent élèves et professeurs à respecter les emplois du temps et à gérer aussi leur droit à la déconnexion. Les visioconférences se déroulent aux heures prévues, et l’ENT tourne à plein régime.
Quinze jours plus tard, des ajustements sur le rythme de travail s’avèrent nécessaires.

 « Nous proposons désormais des quiz plutôt que des interrogations, il faut tempérer l’exigence scolaire, prévient Philippe Chodorge. Certains professeurs et élèves en font trop. Ils veulent boucler le programme, courir un sprint alors que nous sommes dans un marathon. » Même constat au Sacré-Cœur, où Hélène Cart pointe les difficultés de « dosage » de certains   enseignants. « Le rythme des cours s’accélère, car il n’y a pas les temps de questions/réponses, d’échanges… Par défaut, les professeurs ont tendance à rajouter des exercices. »

 

« La cour et les classes se sont vidées de toute vie, mais le travail ne manque pas ! Les parents apprennent à connaître leurs enfants et les enfants apprennent à rester en famille. Voyages et loisirs ne sont plus synonymes d’une vie réussie. Prendrons-nous le temps de faire un voyage intérieur à la rencontre de nous-mêmes, à la rencontre de l’autre et mettre du sens dans nos vies ? »

Hélène Cart, coordinatrice de l’école Collège Sacré-Cœur, à Breteuil, dans l’Oise, l’un des premiers départements touchés par la crise sanitaire.

L’accueil des enfants
de personnels soignants

Saint-Joseph-du-Moncel, à Pont-Sainte-Maxence (60), accueille selon les jours entre cinq et huit enfants de personnels soignants. « Nous sommes un établissement multi-sites, explique son chef d’établissement Philippe Chodorge. Cela permet aux personnes qui reçoivent ces enfants d’être dans un autre bâtiment, sans contact avec les autres équipes. Le plus compliqué, c’est pour les maternelles car il est difficile d’expliquer aux petits qu’il faut maintenir une distance d’un mètre. Il y a de la solidarité... Certains parents proposent de faire de l’accompagnement de nuit pour les enfants des soignants. »

L’école-collège Sacré-Cœur, à Breteuil (60), accueille, pour sa part, six enfants de soignants, tous niveaux confondus. « Pour les week-ends, il n’y a pas de demandes mais on est prêt. La mairie de Breteuil nous a contactés pour mutualiser les gardes du week-end, si besoin. Et je n’exclus pas de mettre à disposition les lits de l’internat », explique Hélène Cart, coordinatrice de l’établissement.

L’accueil des enfants de personnels soignants

Saint-Joseph-du-Moncel, à Pont-Sainte-Maxence (60), accueille selon les jours entre cinq et huit enfants de personnels soignants. « Nous sommes un établissement multi-sites, explique son chef d’établissement Philippe Chodorge. Cela permet aux personnes qui reçoivent ces enfants d’être dans un autre bâtiment, sans contact avec les autres équipes. Le plus compliqué, c’est pour les maternelles car il est difficile d’expliquer aux petits qu’il faut maintenir une distance d’un mètre. Il y a de la solidarité... Certains parents proposent de faire de l’accompagnement de nuit pour les enfants des soignants. »

L’école-collège Sacré-Cœur, à Breteuil (60), accueille, pour sa part, six enfants de soignants, tous niveaux confondus. « Pour les week-ends, il n’y a pas de demandes mais on est prêt. La mairie de Breteuil nous a contactés pour mutualiser les gardes du week-end, si besoin. Et je n’exclus pas de mettre à disposition les lits de l’internat », explique Hélène Cart, coordinatrice de l’établissement.

Les écarts se creusent

 

Les deux établissements doivent aussi lutter pour ne pas perdre certains élèves. Si des familles ont des problèmes techniques (connexion faible, partage de l’ordinateur familial avec un parent en télétravail…), d’autres ne sont tout simplement pas équipées.

« Un tiers des élèves ne sont pas connectés, estime Hélène Cart. Nous voulons maintenir le lien avec ces familles qui cumulent les difficultés. Nous sommes labellisés Internat d’excellence, avec une mission de solidarité. Les professeurs principaux sont donc chargés d’appeler tout
le monde deux fois par semaine », précise Hélène Cart, aussi enseignante en Éducation
morale et civique, qui a photocopié ses cours jusqu’à mai pour les poster à ces familles isolées. Philippe Chodorge estime pour sa part à 10 % les élèves « absents », souvent issus de catégories socioprofessionnelles défavorisées. « Les écarts se creusent entre ceux
qui suivent et les autres, regrette Hélène Cart. Quand les portes de l’établissement rouvriront, il faudra gérer le décalage entre les élèves. J’ai déjà demandé au rectorat une enveloppe supplémentaire de trente heures dans le cadre de Devoirs faits, pour faire de la
remédiation. » L’après-confinement est dans tous les esprits. « On ne sait pas à quoi va ressembler le troisième trimestre, s’interroge Philippe Chodorge. L’enjeu sera de réduire les écarts. » Hélène Cart s’inquiète pour les conseils de classe : « Faut-il faire passer un élève qui risque d’être en difficulté plus tard, ou le faire redoubler à cause du confinement qui l’a empêché de progresser ? »

La crise sanitaire aura cependant permis de modifier les relations entre les acteurs de l’École. Elle souligne le rôle du rôle du chef d’établissement, en première ligne, mais aussi l’importance du rapport entre parents et enseignants. « Des familles s’aperçoivent qu’enseigner est un vrai métier, note Hélène Cart. Le corps enseignant a été malmené, cette crise servira peut-être à revaloriser le métier... » En attendant, chacun se prépare à la réouverture. « J’espère qu’il ne manquera personne à l’appel, confie Hélène Cart. Ce sera un jour exceptionnel. Il ne faudra pas rater ces retrouvailles ! »

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