L’Enseignement agricole : agile mais fragile
Devant la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat le 7 mai, le ministre Didier Guillaume a fait un premier bilan des conséquences de la crise liée à l’épidémie de Covid-19 sur l’enseignement technique agricole. Si les pertes sont lourdes, le ministre voit aussi dans la robustesse et l’agilité dont a témoigné le secteur face à la crise l’opportunité de valoriser les formations qu’il propose.
Aurélie Sobocinski
« Ça n’a pas été simple mais les missions essentielles de l’enseignement agricole pendant cette crise ont été tenues. Mobile et agile, il a su s’adapter et c’est un atout pour l’agriculture et l’alimentation, à un moment où la chaîne alimentaire n’a jamais été autant au cœur des discussions de nos concitoyens. »
Auditionné par la commission du Sénat le 7 mai dernier, le ministre de l’agriculture Didier Guillaume s’est voulu rassurant et engageant pour l’avenir.
Selon les estimations de la DGER (direction générale de l’enseignement et de la Recherche) du ministère, plus de 95% des jeunes ont pu continuer leur formation pendant cette période grâce à la mobilisation des équipes. Didier Guillaume a apporté toutefois peu d’éléments alors que le projet de circulaire du ministère précisant les conditions de la reprise le 2 juin dans les lycées de l’enseignement agricole présenté au CNEA en fin de semaine dernière (le conseil national de l’Enseignement agricole, équivalent du CSE pour l’Education Nationale) faisait l’objet de vives critiques tant du côté des syndicats enseignants que des associations de parents d’élèves.
L’impact de la crise liée au Covid-19 est en effet particulièrement lourd pour l’enseignement agricole, déjà fragilisé par la baisse douloureuse de ses effectifs -à peine enrayée à la rentrée dernière-, et qui a dû maintenir à flot ces dernières semaines les exploitations de ses établissements. Le coût estimé de l’épisode pandémique -enseignement agricole privé et public confondus- s’élève ainsi à une centaine de millions d’euros selon le ministère, dont 15M€ environ pour le réseau du Cneap. « L’inquiétude est grande pour l’avenir », confirme Philippe Poussin, le secrétaire général du Cneap, tout en saluant la mobilisation et la très grande inventivité des acteurs de son réseau.
En ligne de mire : le renouvellement du recrutement pour la rentrée de septembre. En l’absence d’un 3 e trimestre en présentiel généralement dédié à l’accompagnement à l’orientation des jeunes dans les collèges vers les différentes voies du lycée et malgré le développement de journées portes ouvertes virtuelles novatrices, les craintes sont grandes d’une décrue des effectifs. « La crise du Covid-19 ne doit pas arrêter la dynamique réformatrice de ce ministère ! », a soutenu Didier Guillaume devant les sénateurs, prêt à relancer la grande campagne de communication « L’aventure du vivant » qui promeut avec succès depuis 2019 l’enseignement agricole comme un primo choix auprès des familles.
« Le déconfinement sera réussi s’il est progressif et travaillé en relation étroite tant avec les ministères partenaires pour le cadre général qu’en interne avec l’ensemble des établissements et des organisations syndicales s’agissant de nos spécificités », a ajouté Didier Guillaume.
Une FAQ commune a ainsi été mise en place avec les ministères de l’Education nationale et l’Enseignement supérieur et la Recherche. Parmi ces spécificités qui nourrissent l’inquiétude des équipes dans le cadre de la reprise : l’internat. « Alors que l’enseignement agricole compte 50% d’internes parmi ses élèves, comment les loger dans le respect des nouvelles contraintes sanitaires, que ce soit en juin ou à la rentrée de septembre? », s’interroge Philippe Poussin. Autre enjeu, la question des transports scolaires, alors que le périmètre de ces établissements situés en zone rurale est particulièrement large… Sans oublier la question des stages, essentiels dans l’enseignement professionnel, dont le ministre a envisagé le report voire l’interdiction -sans confirmation pour l’heure.
Côté Cneap, l’annonce de la reprise est abordée avec une grande prudence : « A ce stade, le poids des contraintes de sécurité sanitaire est tel que l’on se demande s’il faut ouvrir nos établissements le 2 juin ou pas», indique Philippe Poussin. « En dehors du passage des oraux du bac français et de la signature par les élèves de leur livret scolaire, il n’y a pas d’obligation pour eux d’être présents physiquement dans l’école en cette fin d’année à partir du moment où ils continuent à être accompagnés à distance de façon satisfaisante », insiste le secrétaire général du Cneap.
Pour le réseau, le cœur du sujet, c’est la préparation de la rentrée de septembre et le retour des équipes à partir du 2 juin afin de travailler ensemble aux scénarios possibles d’une rentrée apaisée dans chaque établissement avec le soutien tant du niveau régional que national via notamment le lancement de campagnes de communication ciblées.
Le témoignage d'Anthony
La circulaire de reprise
Réouverture des établissements agricoles le 2 juin : des conditions moins drastiques sur les stages et les internats
Dans la circulaire nationale publiée le 15 mai par le ministère de l’agriculture détaillant le plan de réouverture des établissements dans l’enseignement agricole le 2 juin prochain, deux « bonnes nouvelles » sont au rendez-vous, selon Philippe Poussin, secrétaire général du Cneap. La première concerne les stages en entreprise : après en avoir envisagé l’interdiction pour les élèves mineurs, le ministère les a finalement autorisés dans le respect des conditions sanitaires en vigueur aux élèves plus de 16 ans -soit aux lycéens des classes de 1e et de Tale, où s’effectuent principalement les périodes de formation en entreprise.
Autre élément particulièrement attendu par les établissements du réseau : l’occupation par chambre n’est plus limitée à un apprenant comme initialement évoqué, mais est finalement conditionnée à la surface des lieux à raison d’un périmètre de 4m2 par élève accueilli. Reste à chaque établissement désormais, la liberté de réaccueillir ou non des élèves en fonction de l’ensemble de ses contraintes. « Une grande majorité le fera mais de manière allégée, progressive et sur un nombre de jours au final très restreint puisque la remontée des notes des élèves est prévue d’ici au 12 juin », conclut Philippe Poussin.
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