Papeete : une réouverture sous haute surveillance
L'enseignement catholique de Polynésie française a dû adapter à ses vingt-deux établissements le protocole sanitaire imposé par les ministères de l’Éducation nationale et de la Santé. Un casse-tête pour les chefs d’établissement contraints de surveiller tous azimut pour faire respecter « gestes barrières » et « distanciation sociale ».
Esther Cunéo (correspondante à Papeete)
Adapter le protocole sanitaire à l'école ? « Faisable mais compliqué », s'accordent à dire les professeurs de Polynésie. « Surtout la gestion de la cohue le matin devant le portail, ce qu'il faut absolument éviter », souligne Emmanuel Anestides, le directeur diocésain de Papeete. Comme partout en France, les établissements polynésiens ont dû s’approprier les contraintes des « gestes barrières » et de la « distanciation sociale ». Pas question pour autant de privilégier l’enseignement à distance, « sauf pour les élèves qui ne peuvent pas se déplacer ou identifiés comme personnes à risque », précise le directeur diocésain. Tous les autres ont été invités à reprendre le chemin de l'école pour que leurs parents puissent reprendre celui du travail. « C’est notre façon à nous de contribuer à la reprise économique », explique Emmanuel Anestides. Et pour leur permettre de faire une journée continue, la direction diocésaine a fait le pari d’honorer les repas des demi-pensionnaires. Mais en trois services, au lieu de deux d'habitude.
« Les familles hésitent malgré tout à nous confier leurs enfants, ce qu'on peut comprendre, mais les professeurs ne pourront pas assurer à la fois le présentiel et le distanciel, ajoute Emmanuel Anestides. Le confinement a été très efficace, maintenant il faut revenir à une vie normale ! » Avec seulement soixante personnes contaminées par le Covid 19, et aucun décès à déplorer, la Polynésie figure sur le territoire national aux rangs des bons élèves face à la gestion de la crise sanitaire. A ce jour, plus aucune personne ne présente de signes de la maladie.
Marquage au sol
« Autant le confinement est relativement simple puisqu’on arrête tout, autant le redémarrage est compliqué », poursuit le directeur diocésain. Les consignes sanitaires se révèlent difficiles à appliquer, notamment dans le premier degré où la socialisation passe souvent par le contact. Une vigilance de tous les instants est nécessaire, « à l'arrivée, pendant les cours, la récré, la cantine, la sortie…, énumère Tina Mara, directrice de l'école Saint-Paul - Sainte-Thérèse, à Papeete. On s’en est sorti, mais nos bâtiments ne sont pas faits pour accueillir les enfants dans ces conditions. (…) Il faut tout le temps les surveiller quand ils vont aux toilettes, quand ils font des pauses. » Plus de récré donc mais des activités, deux fois par jour, « en mode EPS » ou « jeux individuels ». « C’est une charge de travail supplémentaire », résume Tina Mara.
Dans la cour, le marquage au sol fluorescent montre le chemin dès le portail. Pas le temps de flâner avec les copains. A leur arrivée, les élèves sont directement conduits dans leur classe, et leur température contrôlée. Dans des salles désormais « à moitié remplies », les élèves sont assis en quinconce : quinze par classe, comme le veut le protocole. « On a divisé les classes en deux groupes, qui font une semaine complète sur quinze jours », résume Emmanuel Anestides.
Au lycée professionnel Don-Bosco, à Papeete, où les cours ont repris, Marie Constant a dû condamner les accès entre le rez-de-chaussée et le premier étage, pour que ceux du haut ne soient jamais en contact avec ceux du bas.
Après huit semaines de confinement, les enfants retrouvent donc une école sous haute surveillance. La question d'un éventuel retard scolaire de certains élèves se pose également. En dehors des plus autonomes, peu d’entre eux ont vraiment profité de la continuité pédagogique. « C'est normal, ils ont besoin d’un cadre », note Emmanuel Anestides. L’enseignement en distanciel sur les deux mois de confinement fera d'ailleurs l’objet d’une évaluation, dont les autorités tiendront compte pour la prochaine rentrée.
Tous ces efforts ne suffisent pas à convaincre toutes les familles. Seuls 20 % des écoliers du public ont répondu présent sur toute la Polynésie la semaine du 11 mai - jour de reprise, « sur le principe du volontariat », des maternelles (section des grands seulement) et des primaires. Dans l’enseignement catholique en revanche, les écoles affichent un taux de présence de 70 % à 80 %, et les collèges de 60 à 70 %. Preuve que le message adressé aux parents par les chefs d’établissement est bien passé !