OIEC : éduquer pour changer le monde
Quelque 450 personnes venues de tous les continents ont participé au congrès de l’OIEC, qui s’est déroulé à Marseille du 1er au 3 décembre 2022.
Beaucoup d’autres ont suivi quotidiennement ces journées en streaming.
Réflexion, rencontres et partages d’expérience étaient au programme.
À noter qu'Hervé Lecomte, directeur diocésain du Havre, succède à Philippe Richard au poste de secrétaire général de l'OIEC.
Mireille Broussous
L’enseignement catholique dans le monde
61,4 millions d’élèves scolarisés dans les établissements catholiques dans le monde dont :
7,5 en maternelle
34,6 en école primaire
19,3 dans le secondaire
+ 6,6 millions d’étudiants dans l’enseignement supérieur catholique
(Global catholic education report 2023)
Deux ans de travail. C’est le temps qu’il a fallu à l’équipe de l’OIEC (Office international de l’enseignement catholique) et à ses partenaires pour préparer son congrès, qui s’est tenu dans le Palais du Pharo à Marseille, du 1er au 3 décembre derniers. 450 personnes étaient invitées, parmi lesquelles de nombreux responsables nationaux de l’enseignement catholique venus du monde entier. « Certains se sont vu refuser un visa par la France et ne peuvent intervenir lors des tables rondes comme cela était prévu », regrette Philippe Richard, le secrétaire général, qui vient de passer la main à Hervé Lecomte. En effet, le directeur du lycée La Providence à Fécamp (76), également directeur diocésain du Havre et promoteur du projet international Planet Fraternity, a été élu au poste de secrétaire général lors du conseil d’administration de l’OIEC qui s’est tenu le 29 novembre. Le père Jawad Alamat, secrétaire général des écoles catholiques en Tunisie, remplace quant à lui l’américain Paul Barber à la présidence de l’organisation internationale.
Que le congrès se déroule à Marseille n’est pas anodin. « Il s’agit d’une ville cosmopolite où la culture du dialogue est forte », rappelle son directeur diocésain, Jacques Le Loup. L’idée que cette ville soit le creuset des cultures méditerranéennes a permis à Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique, de rebondir sur la « fraternité inclusive ». « L’entre-soi peut paraître rassurant mais il ne fait que fracturer davantage la société et nuit aux plus fragiles », a-t-il souligné. Il doit être combattu et, en la matière, les adultes jouent un rôle déterminant. « Les jeunes sont naturellement ouverts à l’altérité. N’éteignons pas chez eux la flamme de la fraternité. Nous avons tant à apprendre les uns des autres… », a poursuivi le secrétaire général. Paul Barber voit aussi dans ce congrès, qui permet de fêter les soixante-dix ans de l’OIEC, l’occasion de recharger les batteries pour avancer dans la construction solidaire du « projet éducatif mondial ».
« Garder sa puissance d’indignation »
Car tel est l’un des objectifs fondamentaux de ce rassemblement international dont le thème n’est autre que: « L’École catholique comme un corps d’espérance pour changer le monde ». Le père jésuite Luis Fernando Klein a commenté avec conviction, en direct de de São Paulo, le modèle de Pacte éducatif global proposé par le pape François. La critique papale du monde contemporain est radicale. Elle cible la déconstruction de l’humanisme, l’intolérance vis-à-vis des personnes différentes, l’obsession de la consommation, la soumission à la technologie, le manque d’intérêt pour la transcendance… Le pape voit dans l’éducation un antidote à l’individualisme, au repli sur soi et à la destruction de la « maison commune ». Mais de quelle éducation parle-t-il ? De quelle École ? D’une École qui doit se transformer. « Elle ne doit pas se contenter de transmettre des connaissances à une élite, mais mettre l’humain au centre, créer une culture de la rencontre avec l’autre, valoriser la conscience critique pour maintenir vivant le sentiment de révolte vis-à-vis de la pauvreté. Éduquer, c’est travailler en profondeur pour le bien-être de l’humanité », commente Luis Fernando Klein.
La pauvreté était au centre de nombreuses interventions. Comme de celle du cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille. « Il faut écouter les clameurs de la terre et des pauvres et garder sa puissance d’indignation. Je le demande à l’École catholique », s’est-il exclamé. Fin connaisseur du monde méditerranéen et de sa ville, il sait que les familles des milieux populaires ne réclament qu’une chose, que leurs enfants aient « plus de chance qu’eux dans la vie ». « Il faut prendre en compte ce souci des parents et que l’École donne aux enfants la possibilité de grandir », insiste-t-il. L’École catholique doit faire attention à la façon dont elle se présente. « Elle ne doit pas dire : nous sommes les meilleurs. Elle doit assumer ses forces, ses faiblesses, ses vulnérabilités et s’efforcer de progresser. Les défis qu’elle doit affronter dépassent largement le cadre scolaire. Nous sommes bien placés à Marseille pour savoir que les disparités économiques constituent un challenge, tout comme leur corollaire les flux migratoires », affirme-t-il. Il n’a pas hésité à enfoncer le clou, pointant qu’« il serait bon que les catholiques se convertissent à la catholicité… ».
Un contexte éducatif multireligieux
Au-delà de ces réflexions, des témoignages très riches de chefs d’établissement et de responsables nationaux de l’enseignement catholique de dizaines de pays se sont succédé, en visio ou sur la scène du congrès. En ouverture de la table ronde « Éduquer à la fraternité universelle dans un contexte éducatif multireligieux », un reportage a été diffusé dans lequel s’expriment des membres de l’équipe pédagogique du collège La Salle Daher du Caire. « Que les enseignants soient musulmans ou chrétiens, ils font tous partie d’une même communauté éducative », fait remarquer une enseignante. Quant aux anciens élèves musulmans interviewés, ils ont le sentiment d’y avoir appris la tolérance vis-à-vis des autres religions. Au Niger, dans les écoles catholiques, aucune distinction n’est faite entre élèves chrétiens et musulmans et ce d’autant plus que la catéchèse est enseignée en dehors des établissements. Dans ce pays, le dialogue islamo-chrétien, dont il a été beaucoup question durant ces journées, ne cesse jamais et pour cause : « il n’existe pas de quartiers chrétiens et de quartiers musulmans. Nous vivons tous ensemble. Les chrétiens se réjouissent des fêtes musulmanes et l’inverse est vrai. Les baptêmes, les mariages, nous les vivons ensemble », explique Assane Alamine, responsable de l’enseignement catholique du pays. En Inde, seuls 2 % des habitants sont catholiques (80 % de la population est hindouiste) mais les écoles catholiques sont très prisées. « Beaucoup de responsables, politiques ou autres, y ont étudié. Nous n’essayons pas de convertir qui que ce soit. Nous sommes très laïcs dans notre enseignement », note le père Maria Charles. L’enseignement catholique indien se concentre aussi sur les migrants qui viennent des pays voisins et pour lesquels il crée des programmes ad hoc.
Formation à la citoyenneté
Ce congrès a aussi permis d’apprendre beaucoup sur la réalité géopolitique et les spécificités éducatives des écoles d’Afrique subsaharienne, comme celles du Tchad, du Bénin ou de Djibouti. Entre inondations et disparitions – entre autres d’enseignants - suite aux manifestations du 20 octobre, le Tchad vit une situation difficile. L’histoire de cette nation est marquée par les conflits, la méfiance s’implante aussi en milieu scolaire. Dans ce pays, le rôle de l’École est fondamental. Établissements publics et privés se sont mis d’accord pour développer un programme de formation à la citoyenneté, qui vise non seulement les jeunes mais aussi les enseignants et les parents. Les écoles forment ainsi des élèves pour qu’ils deviennent ambassadeurs de paix dans leur classe. Au Bénin, les préoccupations sont tout autre. Une école catholique agroécologique baptisée Laudato si’ vient d’être créée. On y cultive des légumes mais aussi l’Artémisia (ou Armoise), une plante qui permet de lutter contre le paludisme. On y enseigne ainsi une sobriété heureuse… À Djibouti, les écoles catholiques se concentrent sur les plus pauvres. Des centres d’alphabétisation ont vu le jour, destinés aux jeunes migrants, enfants abandonnés venant d’Éthiopie et de Somalie. Quatre écoles accueillent pendant trois ans 750 élèves qui sont ensuite en mesure de rejoindre les écoles publiques. Beaucoup s’en sortent bien et poursuivent leurs études à l’université. En partenariat avec l’association Méditerranée sans handicap, les écoles catholiques invitent aussi les familles à mieux prendre en charge les enfants handicapés, trop souvent cachés dans les maisons. Et ça marche, ont assuré les responsables de l’enseignement catholique de Djibouti lors de ce congrès, qui décidément permet d’expliciter et mettre en valeur le travail de fond réalisé sur le terrain dans un esprit de grande générosité.
Hervé Lecomte prend la tête de l'OIEC
Hervé Lecomte, directeur du lycée La Providence à Fécamp (76), également directeur diocésain du Havre et promoteur du projet international Planet Fraternity, a été élu au poste de secrétaire général de l'OIEC, lors de son conseil d'administration, le 29 novembre. Il succède au français Philippe Richard et fonctionnera en tandem avec un nouveau président: Le père Jawad Alamat, secrétaire général des écoles catholiques en Tunisie, qui remplace quant à lui l’américain Paul Barber.
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