Une Éco-école exemplaire
Vivre chaque jour l’éducation au développement durable. C’est le défi que relève l’école Notre-Dame d’Alès (Gard), titulaire depuis six ans du label international « Éco-École ». À la clé, une vraie victoire : l’engagement de tous ses acteurs.
Par Aurélie Sobocinski
À l’école Notre-Dame d’Alès (Gard), la sensibilisation à l’environnement est devenue une habitude, mieux un style de vie. Dans cette institution de 470 élèves sous tutelle des Sœurs de la présentation de Marie, nichée dans le centre-ville, chaque ligne de l’encyclique Laudato si’ du pape François est vécue au quotidien, depuis… 2010 !
Il y a cinq ans maintenant, l’équipe, avant même la généralisation de l’éducation au développement durable (EDD) dans les programmes, a voulu officialiser son implication en la matière et l’inscrire dans une démarche pluriannuelle. Elle s’est donc lancée dans la course au label international « Éco-École » (1), délivré au compte-gouttes chaque année (477 établissements en 2015).
« Nous sommes l’un des rares établissements en France à avoir décroché le label sur la durée (six éditions consécutives au total, ndlr) », se réjouit Patrick Dray, le directeur de l’école, qui n’a de cesse de maintenir l’effort. « On ne devient pas Éco-École une fois pour toute, poursuit-il. Il faut chaque année remettre son ouvrage sur le métier ! Le jury nous fait toujours part des améliorations à prévoir. »
Agir à son niveau
À l’origine de cet engagement de longue haleine : une prise de conscience partagée au sein de la communauté éducative. « Depuis le milieu des années 2000, on vit des changements climatiques très perceptibles autour de nous : tout le monde a entendu parler des fameux épisodes de canicule cévenoles pendant lesquels il faisait 40° dans les classes. Sans parler des inondations dramatiques que nous subissons dès qu’il y a de fortes pluies. Il nous fallait agir à notre niveau, tous ensemble, avec une vraie répartition des tâches », estime Patrick Dray.
Optant pour une stratégie des petits pas, l’équipe, qui a fait de cette ouverture au monde et aux autres l’un des axes forts de son projet d’établissement, s’est attaquée année après année à l’un des six thèmes proposés par l’Office français pour l’éducation à l’environnement en Europe : la gestion des déchets, celle de l’énergie, de l’eau, puis la solidarité, jusqu’à l’alimentation l’année dernière et la biodiversité cette année.
Tout cela sans qu’aucune thématique ne vienne chasser les autres ; elles s’ajoutent au contraire et confortent les précédentes.
Aujourd’hui, mille et un micro-gestes attestent d’une culture bien ancrée au quotidien. Tous les espaces de l’école Notre-Dame – classes, cantine, cour de récréation, secrétariat – disposent d’une poubelle jaune pour récupérer le papier. Un tri des boîtes de conserve et le recyclage de l’huile alimentaire ont été mis en place en cuisine et des récupérateurs de piles, de gourdes à compote, de cartouches d’imprimantes, et d’ordinateurs ont été installés.
La chasse au gaspillage concerne autant l’eau que l’électricité.
Les produits locaux sont privilégiés
Au sein du dispositif, la responsabilisation des élèves tient une place centrale : en petits groupes de contrôleurs de déchets ou de « responsables énergie », les enfants inspectent régulièrement les classes. « Avant de jeter des détritus, on vérifie qu’ils sont bien triés pour pouvoir les recycler. À la maison, on l’apprend à nos parents aussi », expliquent quelques ambassadeurs dans les couloirs.x
« Les enfants posent le diagnostic, trouvent des solutions et participent à l’évaluation avec nous », résume Ana-Belèn Monnet, enseignante en CE1, à l’origine du projet avec trois autres collègues dont Patrick Dray.
Des représentants des élèves siègent également au comité de suivi et de pilotage de la démarche, où se réunissent tous les partenaires du projet, trois à quatre fois par an environ.
Du côté de l’équipe, « le projet non seulement fait partie du quotidien mais s’inscrit dans le cadre des apprentissages prévus par les programmes scolaires. Il est, de fait, souvent utilisé pour valider des items du socle commun et aide à créer du lien entre les différentes disciplines », souligne Nathalie Causse, également enseignante en CE1 et coordinatrice du projet pour l’école. Cette dernière cite ainsi les grandes expositions de fin d’année sur les matériaux recyclés, les fonds marins ou encore les poupées « Frimousses » confectionnées par les élèves et vendues au profit de l’Unicef, auxquelles toutes les classes ont participé dans le cadre du label.
La dynamique Éco-École permet un changement d’échelle et une continuité dans l’action qui fédère bien au-delà du seul niveau pédagogique. « Un élément prégnant du succès et de la pérennité de la démarche tient dans son caractère global : tous les partenaires de l’école (l’Ogec, les parents d’élèves, les élus locaux, les responsables associatifs…) nous suivent depuis le début », insiste Patrick Dray.
La facture de chauffage réduite de 7 000€
« L’adhésion au projet a été immédiate tant il est nous apparu naturel et utile pour l’avenir et pour nos enfants », commente Pierre Lennoz, président de l’Ogec de l’établissement. Avec la tutelle propriétaire, il a apporté un soutien décisif à chaque étape.
Lorsque la thématique de la réduction d’énergie a été abordée, le double vitrage de toutes les fenêtres a été financé (un budget de 173 000 €, en six tranches), ainsi que le raccordement au chauffage urbain et la mise en place de thermostats de régulation sur tous les radiateurs (13 000 €).
Quand est venu le tour de la thématique de l’eau, l’occasion a été saisie par l’équipe de Notre-Dame d’installer des robinets à bouton poussoir et de rénover les sanitaires de maternelle (un investissement de 26 000 €). « Bien sûr il y a un coût immédiat conséquent mais ce qu’il faut voir c’est l’amortissement dans le temps : cela permet beaucoup d’économies », assure Pierre Lennoz, citant l’exemple de la facture de chauffage passée aujourd’hui, après cinq ans de travaux, de 24 000 € à 17 000€.
Dernier chantier en date : l’alimentation. Après avoir transformé la cantine en self et étudié en classe les légumes et leurs bienfaits, l’équipe de Notre-Dame a réalisé un travail sur les menus de la cantine, la saisonnalité et les circuits courts. Plus question aujourd’hui de s’approvisionner en tomates l’hiver : à partir de la rentrée, seront privilégiés dans les assiettes des petits comme des grands les produits locaux de l’agriculture raisonnée. « À chaque fois, c’est tout le fonctionnement de l’école et de ses acteurs qu’il faut repenser. Parfois le processus est très lourd mais il est aussi passionnant car il nous fait prendre beaucoup de hauteur », conclut Nathalie Causse, pilote du projet.
(1) Délivré par l’Office français de la fondation pour l’éducation à l’environnement en Europe : www.f3e.org et www.eco-ecole.org
Un projet à relier au message du pape
Conforté par la parution de l’encyclique Laudato si’, Patrick Dray, directeur de l’école Notre-Dame d’Alès, souhaiterait relier davantage la démarche « Éco-École » vécue dans son établissement au message du pape François.
« Que va-t-on laisser demain ? Si dans notre projet, la dimension pastorale ne manque pas, elle n’y figure pas de façon explicite, analyse le responsable. Or c’est cet héritage qu’il nous faut transmettre à nos jeunes collègues. Comme nous y invite le Saint-Père, il ne faut pas penser que tous ces petits gestes et changements appris au quotidien ne vont pas changer le monde. Ce qu’on a semé, germera. Nous en sommes persuadés et le voyons déjà. »