À l’école des médias

D'où vient l'info? Du 19 au 24 mars 2018, la question des sources de l’information et de leur validité se pose dans près de 18 000 établissements scolaires impliqués dans la Semaine de la presse à l’école qui enregistre une participation record cette année.
Florilège d'initiatives portées dans des établissements de l'enseignement catholique, comme au lycée Fénelon-Notre-Dame de La Rochelle qui reçoit le journaliste et écrivain Éric Fottorino pour échanger sur ce qu'informer veut dire.

 

Depuis un an, le lycée rochelais Fénelon-Notre-Dame, appuie une solide expertise en matière d’Éducation aux médias sur une rencontre avec Éric Fottorino, ancien élève dont la double casquette de journaliste et d’écrivain alimente des échanges d’une grande richesse. Le 30 mars prochain, 130 élèves de 1ere, de terminale ainsi qu’un petit groupe de seconde assisteront ainsi à une série de quatre tables rondes animées par 40 élèves avec cet invité de marque, directeur de la publication Le un.

« C’est le point d’orgue d’un travail d’une dizaine d’heures, mené en Éducation morale et civique (EMC) et orchestré au CDI en lien avec une dizaine d’enseignants, de lettres, d’histoire-géographie, de sciences économiques et de philosophie, en fonction des groupes d’élèves. Les thématiques abordées vont de l’autobiographie à ce que l’écriture romanesque révèle de nos sociétés, en passant par le fact-checking et les fake news », détaille Christine Lejard, professeur-documentaliste et cheville ouvrière du projet.
Son intérêt est de croiser l’éducation aux médias (EMI) avec des champs disciplinaires variés. Concernant l’EMI stricto sensu, il permet de faire découvrir aux élèves des manières de s’informer alternatives à celles des fils d’actualité de leurs téléphones: « En plus du kiosque que nous ouvrons habituellement pour la semaine de la presse qui sert de support à des activités sensibilisant les élèves à la pluralité et à la diversité des titres, nous leur faisons découvrir l’originalité de l’hebdomadaire Le un, qui propose des numéros thématiques approfondissant un sujet d’actualité, notamment en croisant les regards », détaille l'enseignante.
En plus des outils d’analyse critique proposés par le Clemi et le site Decodex du monde, cette année, le n° 186 de l’hebdomadaire Le un "Infos vraies ou fake ?"  est étudié en profondeur par les élèves investis dans la préparation de la rencontre. Il sert notamment de support à l’élaboration d’une revue de presse sur la thématique des canulars médiatiques et du fact-checking qui prendra la forme d’une exposition visible au CDI. « Les élèves se retrouvent dans une situation de recherches, de débats, de création, et démontrent un grand intérêt pour ces travaux qui viennent interroger et infléchir leur propres pratiques », conclut Christine Lejard, enthousiaste.

 

À vos stylos et micros !

L’apprentissage médiatique… par la pratique... Les acteurs s’accordent pour saluer les médias scolaires comme l’un des meilleurs leviers d’éducation aux médias : chercher l’info, croiser ses sources et les points de vue contradictoires… le collège sainte-Marie-Saint-Vincent (75018) le confirme. Son média, The Vincent Times a été sacré meilleur journal lycéen de l’année par le Clemi, dans la cadre de son concours Médiatiks !
Dans le même esprit, Radio temps Rodez, radio associative en milieu scolaire continue à former des équipes à l’usage pédagogique des techniques radiophoniques.

Parallèlement, l'Observatoire des pratiques de la presse lycéenne a publié, le 14 mars 2018, son enquête sur les médias scolaires. Avec un résultat mitigé. Malgré le droit pour les élèves mineurs d'endosser la responsabilité de leur publication, ce baromètre constate que les pratiques lycéennes restent très encadrées puisque 3/4 des responsables de publications scolaires sont des adultes, imposés à leur rédaction dans la moitié des cas. «Pire encore, 68% des lycéens s'autocensurent par peur de voir leur publication suspendue par leur chef d'établissement ou par méconnaissance de l'étendue de leurs droits », déplore l'Observatoire qui préconise de renforcer la formation des acteurs concernés.
Au quarté de tête des tabous les plus fréquents: la politique, la religion, la sexualité... et les profs! Autant de sujets pourtant accessibles aux jeunes rédactions pour autant qu'elles respectent le droit de la presse. L'Observatoire s'interroge donc: « À l'heure où tout jeune est considéré comme responsable de ses publications sur les réseaux sociaux, pourquoi tant d'obstacles l'empêchent-ils de devenir responsable d'une publication lycéenne dans un cadre éducatif et collectif?»

 

 

Devoir de protection et Semaine sans écran

Parmi les intervenants invités au lancement de la Semaine de la presse à l’école 2018, à la Gaité lyrique le 12 mars, la rédactrice en chef d’Astrapi, Gwénaëlle Boulet a pointé le « devoir de protection » vis à vis des jeunes : « Nous nous attachons à leur donner des clefs de compréhension de l’actualité, sans entrer dans des précisions qui alimentent surtout la dimension sensationnelle et peuvent choquer et faire des dégâts, notamment en anesthésiant leur sensibilité ».

C’est cette même préoccupation de la surexposition médiatique, sans filtre ni discernement, qui fait se développer les initiatives « Sans écran ». Théorisées par l’enseignant québéquois Jacques Brodeur, relayées en France par le pédopsychiatre Serge Tisseron, ces démarches, suivies de longue date dans l’enseignement catholique deviennent de plus en plus fédératrices.
Exemple dans le diocèse de Bayonne qui s’apprête à reconduire 10 jours sans écran du 15 au 24 mai. Et où l'évenement prend une ampleur fédératrice. Un groupe d'établissements d'Urrugne a lancé une plateforme numérique de ressources pour tous les établissements souhaitant tenter l’aventure. Pour l'instant, ce sont 4500 élèves du privé mais aussi du public qui se préparent à relever le défi.

 

Semaine de la presse

Du 19 au 24 mars, ce sont plus de 3,8 millions d’élèves de 17500 établissements, qui se sont engagés pour vivre un temps fort axé sur l’éducation aux médias, à l’occasion de la semaine de la presse à l’école, dédiée cette année aux sources de l’information.
La participation record enregistrée pour cette édition 2018 indique que, vecteur d’information, la presse et, plus largement l’information relayée par les multiples canaux numériques, constitue désormais aussi un objet d’étude à part entière, un creuset d’élaboration de l’esprit critique.
En 29 ans d’existence, cette opération portée par le Clemi, centre pour l’éducation aux médias et à l’information a largement diffusé l’idée que le décryptage médiatique constituait une compétence citoyenne majeure et dont l’ensemble des éducateurs devaient porter la responsabilité
Le lancement de la Semaine de la presse 2018, au théâtre de la Gaité lyrique et en présence des ministres de l’Éducation et de la Culture a d’ailleurs été l’occasion de présenter le renforcement du partenariat entre ces deux institutions : le budget alloué par le ministère de la culture à l’éducation aux médias va en effet doubler, passant de 3 à 6 millions qui profiteront aux acteurs de l’éducation populaire autant qu’aux lieux artistiques invités à se saisir davantage encore de l’EMI. Ces fonds serviront également à financer une plateforme numérique réunissant les outils d’éducation et de décryptage conçus par les structures de l’audio-visuel public.
Jean-Michel Blanquer, minitre de l’Éducation a fait de son côté valoir combien l’introduction du domaine des Humanités numériques, à la faveur de la réforme du lycée confortait l’importance de l’EMI dans les cursus scolaires.

 

Pour la Semaine de la presse à l’école 2018, les quelque 220 000 enseignants impliqués vont être accompagnés dans leurs actions par des professionnels des médias, des coordinateurs locaux du Clemi ou, à tout le moins approvisionnés d’un grand éventail de journaux et magazines qui serviront de support à leurs travaux.

Sans oublier le dossier pédagogique très complet proposé en ligne par le Clemi avec des déclinaisons spécifiques à chaque niveau d’études et des scénario de séances d’éducation aux médias. Pour aborder la thématique 2018, à savoir « D’où vient l’info », des ateliers Déclic’ Critique, adossés à des clips vidéo démontent par exemple habilement plusieurs canulars médiatiques : un faux scandale de riz en plastique, un détournement de tweet attribué à tort à l’astronaute Thomas Pesquet ou des photomontages trompeurs.

Pour les plus jeunes, l’apprentissage commence par la distinction entre pub et information et une sensibilisation aux critères d’une information de qualité : citations, avis contradictoires, auteur identifié, exposé de faits et non d’opinions. Alors que l’âge des premières publications en ligne ne cesse de baisser, l’enjeu est aussi de faire prendre conscience le plus précocement possible de la responsabilité individuelle de chacun dans la diffusion d’information.
Le Clemi met d’ailleurs l’accent sur l’éducation aux médias au primaire auquel il consacre une brochure spécifique dont la sortie est annoncée pour avril.

 

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