Ados et écrans, dans le radar des psys
Les 14, 15 et 16 septembre derniers, au Croisic (44), soixante-dix-huit psychologues de l’Anpec ont réfléchi, lors de leur session annuelle, à la place des écrans chez les enfants et adolescents et à la façon d’entrer en dialogue avec eux sur ce sujet.
Noémie Fossey-Sergent
Comment s’ajuster aux générations connectées, voire hyper-connectées ? C’est la question qui était au cœur de la session annuelle de l’Anpec (Association nationale des psychologues de l’enseignement catholique) qui s’est tenue au Croisic (Loire-Atlantique) pendant trois jours, mi-septembre. Trois formateurs – une éducatrice spécialisée, une psychologue clinicienne et un systémicien – ont proposé des apports et animé les échanges.
En petits groupes, les psychologues ont pu approfondir leurs connaissances de l’usage des réseaux sociaux par les jeunes. « Leur smartphone contient toute leur vie : ils l’utilisent comme réveil, pour échanger avec leurs amis, consulter leur planning, faire du sport… », a rappelé en préambule Mylène Sirou, éducatrice spécialisée. Ils n’échangent entre eux que par messagerie instantanée. S’ils envoient un SMS, c’est important. S’ils téléphonent, moyen de communication privilégié des adultes, c’est que c’est urgent. Mieux vaut répondre. » Interrogée sur la façon d’accompagner un jeune dépendant de son portable, au point de surveiller la nuit les notifications, Mylène Sirou conseille de proposer à ses parents de respecter eux-mêmes les règles qu’ils lui imposent. « Les adultes ont bien souvent eux aussi des difficultés à décrocher de leur téléphone ; on ne convaincra pas un ado sans faire l’effort nous aussi de l’éteindre le soir, au moins durant un temps donné. » Une proposition qui n’a pas fait l’unanimité parmi les participants, gênés par le fait de ne plus maintenir une différence entre jeunes et adultes.
Quand l’écran cache le vrai problème
Delphine Guillaume, psychologue clinicienne, a pour sa part abordé l’impact des écrans sur l’enfant et l’adolescent selon son âge et ses stades de développement. « Les tout-petits doivent expérimenter la frustration, car il en découle des effets positifs pour leur construction. La surexposition aux écrans empêche l’enfant de faire cette expérience et notamment d’acquérir la notion de limites », rappelle cette praticienne, en déplorant qu’un nombre croissant de familles, bercées par le concept de parentalité positive, supportent de moins en moins le conflit avec leurs enfants. « On n’accepte plus les émotions négatives, or on ne peut pas tout déconflictualiser. » Les pleurs de l’enfant renvoient au parent l’image d’être mauvais, la tentation de décentrer son attention en lui proposant de regarder une tablette ou un téléphone portable peut alors être grande. « Dans la surexposition aux écrans, l’ennemi est-ce l’écran ou la carence éducative ? », pointe la psychologue clinicienne. Pour autant, cette praticienne estime qu’une utilisation sporadique et de courte durée « pour faciliter l’habillement de l’enfant le matin » afin de gagner du temps, par exemple, peut se comprendre et n’est pas forcément délétère. L’usage devient problématique quand l’écran est proposé systématiquement à l’enfant et qu’il empêche le parent de repérer et répondre à ses besoins (manger, boire, être rassuré...) et d’éviter à tout prix le conflit. Dans ce cas, les risques pour son développement sont réels : retard dans le langage, syndrome de la main molle (difficulté à manipuler et à bien tenir un crayon), interactions compliquées avec l’autre…
Les jours suivants, les formateurs ont évoqué avec les participants le cyber-harcèlement, la cyber-pornographie, l’addiction aux écrans… Les professionnels ont pu partager des cas pratiques rencontrés au quotidien et envisager ensemble des pistes d’action.
Une session riche, selon Marie-Agnès Brethé, présidente de l’Anpec, qui retient que face aux écrans, il faut rester « vigilant sans imaginer le pire, car peu de jeunes ont des comportements véritablement pathologiques. Maintenir le contact avec le jeune et préserver la relation s’avère essentiel. » Une aptitude que ces professionnels du lien s’emploient sans relâche à approfondir et à laquelle, après cette session, les écrans ne feront plus écrans !
L'Anpec multiplie les projets
La session annuelle, qui s’est tenue du 14 au 16 septembre derniers au Croisic, a été l’occasion pour le conseil d’administration de l’Anpec (Association nationale des psychologues de l’enseignement catholique), de retracer les moments clés de l’association en 2020-2021, « une année riche en projets ». Parmi eux : la participation à un séminaire inter-missions du département Éducation du Sgec sur le thème du deuil ; la préparation d’un webinaire à destination des parents sur le PPPF (Programme de protection des publics fragiles) en ligne sur le site de l’enseignement catholique ; l’enrichissement du site internet de l’association (avec désormais un onglet « Annonces de postes » et une vidéo de présentation du métier de psychologue dans l’institution) ; la ratification, le 9 septembre du code de déontologie unique de la profession ; la création d’un nouveau rendez-vous : « Les samedis matins de l’Anpec », pour débattre en visio d’un sujet et échanger sur ses pratiques.
« Nous continuons aussi à renforcer nos partenariats : avec l’ECM, pour la formation des psychologues à la gestion de crise, (avec une première session en janvier 2022) et la sensibilisation des chefs d’établissement et directeurs diocésains sur cette dernière ; avec l’Ugsel, pour mettre les équipes en réflexion sur la bientraitance éducative ; avec l’Apel, pour former des parents au thème de l’intimidation en milieu scolaire… », explique la présidente. Des représentants d’autres organismes, comme l’Afpen (Association nationale des psychologues de l’Éducation nationale), ont suivi cette session, témoignant du désir d’ouverture de l’Anpec. Pour l’année à venir, une démarche prospective est initiée : elle soulignera l’apport de la profession à l’enseignement catholique et imaginera de nouvelles façons de coopérer avec tous les acteurs, en espérant explorer de nouveaux chemins, comme « l’accompagnement des adultes, entre autres », champ pour lequel les psychologues de l’enseignement catholique sont encore peu sollicités.