Caractère propre et liberté de conscience des enseignants

 

PROBLÉMATIQUE

Qu'est-ce que le caractère propre d'un établissement privé sous contrat ?

 

RAPPEL DES TEXTES

 

Article L 442-1 Code de l'éducation

Dans les établissements privés qui ont passé un des contrats prévus aux articles L. 442-5 et L. 442-12, l'enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l'État. L'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyance, y ont accès.

 

Article L 442-5 Code de l'éducation

(Loi no 2005-5 du 5 janvier 2005 art. 1 Journal Officiel du 6 janvier 2005 en vigueur le 1er septembre 2005)

Les établissements d'enseignement privé du premier et du second degré peuvent demander à passer avec l'État un contrat d'association à l'enseignement public, s'ils répondent à un besoin scolaire reconnu qui doit être apprécié en fonction des principes énoncés aux articles L. 141-2, L. 151-1 et L. 442-1.

Le contrat d'association peut porter sur une partie ou sur la totalité des classes de l'établissement. Dans les classes faisant l'objet du contrat, l'enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l'enseignement public. Il est confié, en accord avec la direction de l'établissement, soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'État par contrat. Ces derniers, en leur qualité d'agent public, ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'État, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié, dans le cadre de l'organisation arrêtée par le chef d'établissement, dans le respect du caractère propre de l'établissement et de la liberté de conscience des maîtres.

Nonobstant l'absence de contrat de travail avec l'établissement, les personnels enseignants mentionnés à l'alinéa précédent sont, pour l'application des articles L. 236-1, L. 412-5, L. 421-2 et L. 431-2 du Code du travail, pris en compte dans le calcul des effectifs de l'établissement, tel que prévu à l'article L. 620-10 du même code. Ils sont électeurs et éligibles pour les élections des délégués du personnel et les élections au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et au comité d'entreprise. Ils bénéficient de ces institutions dans les conditions prévues par le Code du travail. Les rémunérations versées par l'État à ces personnels sont prises en compte pour le calcul de la masse salariale brute, tel que prévu à l'article L. 434-8 du même code, et la détermination du rapport entre la contribution aux institutions sociales et le montant global des salaires, mentionné à l'article L. 432-9 du même code.

Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public.

Les établissements organisent librement toutes les activités extérieures au secteur sous contrat.

 

Article L813-1 Code rural

Les établissements d'enseignement et de formation professionnelle agricoles privés dont l'association ou l'organisme responsable a passé un contrat avec l'État participent au service public d'éducation et de formation. Ils relèvent du ministre de l'agriculture. Leurs enseignements sont dispensés dans le respect des principes de liberté de conscience, d'égal accès de tous à l'éducation et de liberté de l'enseignement, qui implique notamment qu'un tel établissement puisse, à ces conditions, naître d'une initiative privée.
[...]
Ils contribuent à l'éducation au développement durable et à la mise en œuvre de ses principes. Ils contribuent au développement personnel des élèves, étudiants, apprentis et stagiaires, à l'élévation et à l'adaptation de leur qualification et à leur insertion professionnelle et sociale.
[...]

 

Article L813-8 Code rural

[...]
Les personnels enseignants et de documentation de ces établissements sont nommés par le ministre de l'agriculture, après vérification de leurs titres et de leurs qualifications, sur proposition du chef d'établissement. Ils sont liés par un contrat de droit public à l'État, qui les rémunère directement par référence aux échelles indiciaires des corps équivalents de la fonction publique exerçant des fonctions comparables et ayant les mêmes niveaux de formation. En leur qualité d'agent public, ils ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'État, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié.
[...]

 

COMMENTAIRES

  Définition du caractère propre des établissements catholiques

Il n'existe pas de définition de cette notion, particulière à chaque établissement. Or, ce caractère essentiel est en quelque sorte la raison d'être d'un grand nombre d'établissements privés.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 23 novembre 1977, avait estimé que « la sauvegarde du caractère propre d'un établissement lié à l'État par contrat, ..., n'est que la mise en œuvre du principe de la liberté d'enseignement ».

La loi précise toutefois ce qu'il n'est pas et lui confère ainsi un caractère statutaire objectif :

• Ainsi, il ne peut résider ni dans le contenu des matières enseignées ou les programmes puisque l'enseignement « est dispensé selon les règles et programmes de l'enseignement public ».
Ÿ • Il ne permet pas de sélectionner les élèves puisque la loi oblige les établissements sous contrat à accueillir tout enfant « sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyance ».

Il peut être défini, d'une façon générale, comme liant dans un tout, enseignement et éducation, orientée de façon chrétienne.

Aux termes de l'article 18 du Statut de l'Enseignement catholique en France publié le 1er juin 2013, « la proposition éducative spécifique de l'École catholique s'exprime dans le projet éducatif de chaque école ; elle constitue ce que la loi désigne comme le caractère propre ».

Un établissement catholique se doit donc d'avoir un projet éducatif particulier et d'y mettre un esprit, celui de l'Évangile. Ainsi que le disait le Père Max Cloupet, ancien Secrétaire général de l'Enseignement catholique : « Il n'y a pas de mathématiques chrétiennes, mais une manière différente de réfléchir sur les sciences à la Lumière de l'Évangile. »

  Caractère propre et liberté de conscience des enseignants

Le Conseil constitutionnel (décision du 23 novembre 1977) a clairement considéré que « les maîtres, auxquels est confiée la mission d'enseigner dans un établissement privé lié à l'État par contrat d'association, sont tenus de respecter le caractère propre de ce établissement ». Le Conseil a cependant ajouté immédiatement que, si cette obligation constitue un devoir de réserve, elle « ne saurait être interprétée comme permettant une atteinte à leur liberté de conscience » qui doit être regardée comme l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Cette obligation a été confirmée par le même Conseil, le 18 janvier 1985, à propos de la loi du 25 janvier 1985 qui avait supprimé l'obligation explicite de respect du caractère propre des textes, en précisant que cette obligation n'avait pas pour autant disparu.

Le Conseil d'État l'a également rappelé dans un arrêt en date du 20 juillet 1990.

La notion de respect du caractère propre a été réintroduit par la loi du 5 janvier 2005 dite loi Censi (cf. article L442-5 du Code de l'éducation).

Les enseignants, dans le cadre du projet éducatif de l'établissement dans lequel ils exercent, ont la liberté d'adopter des attitudes qui vont du respect (devoir de réserve) jusqu'à l'engagement dans la mise en œuvre de la proposition chrétienne.

Dans ce cadre, le devoir de réserve ne doit pas être entendu comme synonyme de « neutralité », mais d'abord comme l'obligation faite à chaque enseignant de respecter le caractère propre de l'établissement dans lequel il exerce. Par ailleurs, pour l'Enseignement catholique, le respect de la liberté de conscience ne se fonde pas seulement sur la loi Debré, mais aussi explicitement sur les textes conciliaires qui sont le cadre de sa mission. « [L'homme] ne doit pas être contraint d'agir contre sa conscience. Mais il ne doit pas être empêché non plus d'agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse.»

Il apparaît que cette obligation de respect du caractère propre ne peut donc en aucun cas impliquer les maîtres dans leur vie personnelle ou leur comportement personnel.

Si un enseignant est tenu de mettre en œuvre le projet éducatif de l'établissement au travers de son enseignement, un chef d'établissement ne peut absolument pas l'obliger à assister aux temps de prière, ou à assurer des temps d'animation pastorale (catéchèse, éveil à la foi, etc..).

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