Comment mieux accompagner les orphelins à l’École ?
Le 12 janvier 2017, au Conseil économique, social et environnemental, à Paris, l’Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance (OCIRP), en partenariat avec l’Ifop, a dévoilé les résultats d’une enquête nationale inédite sur les orphelins et l’École. dans la foulée, un colloque permettait de mieux les analyser et s'interrogeait sur les manières d'aborder la question de la mort à l'école.
Noémie Fossey-Sergent
À l’École, un enfant par classe en moyenne serait orphelin, c’est-à-dire qu’il a perdu l’un de ses parents ou les deux, selon l’étude de l’Institut national d’études démographiques de 2003.
Pourtant, les orphelins constituent encore aujourd’hui une population invisible et dont les données statistiques sont rares. C’est ce qui a motivé la réalisation de l’enquête nationale École et orphelins : mieux comprendre pour mieux accompagner, menée de février à juillet 2016, par la Fondation d’entreprise OCIRP en partenariat avec l’Ifop. Au total, 1083 individus devenus orphelins au cours de leur scolarité et 940 enseignants ont été interrogés via des questionnaires en ligne et, pour certains d’entre eux, des entretiens avec des psychologues. Les résultats ont été présentés le 12 janvier dernier au Conseil économique, social et environnemental.
Objectifs : mieux comprendre l’impact du décès d’un parent sur la scolarité d’un enfant mais aussi mieux cerner les difficultés des enseignants et personnels d’éducation face à cet événement.
Impact négatif sur la scolarité
Les conséquences du deuil sur le parcours scolaire de ces enfants sont protéiformes : surinvestissement ou décrochage scolaire, problèmes d’attention, troubles de la mémorisation, auto-exclusion du groupe, perte de confiance en soi… 77 % des orphelins indiquent que le décès a eu un impact négatif sur leur scolarité or 7 enseignants sur 10 ont eu un ou plusieurs orphelins dans leur classe au cours de leur carrière et 8 enseignants sur 10 estiment que c’est leur rôle d’aider ces enfants orphelins. Problème : ces derniers ne disposent pas toujours de l’information, ce qui révèle un souci de communication au sein de l’équipe éducative. Mais ils semblent aussi démunis face à ce sujet qui n’est abordé ni en formation initiale ni au cours de leur carrière. Le colloque qui a suivi, réunissant psychologues, adultes orphelins venus témoigner et personnels scolaires, a permis d’ouvrir des pistes pour agir.
La marge de manœuvre des enseignants est étroite car les enfants orphelins sont parfois dans le paradoxe : la plupart souhaite que l’information soit donnée à la communauté éducative mais sans avoir à le dire et surtout sans que leurs camarades en soient informés. « Je détestais qu’on sache que j’étais orphelin, je m’inventais des parents vivants, j’étais devenu un menteur professionnel » a confié ainsi le journaliste Serge Moati, qui a perdu ses deux parents à l’âge de 11 ans. « Il y a un gros besoin de conformité de la part de ces enfants », a rappelé Hélène Romano, docteur en psychopathologie. Christian Brayer, directeur du lycée agricole privé Saint-Maximin à Saint-Maximim-la-Sainte-Baume, a ainsi mis en place une feuille de libre expression qui permet à chaque nouvelle famille qui souhaite inscrire son enfant de livrer cette info. Et a jouté une case « orphelin de père/mère » dans la fiche de renseignements. Paula La Marne, inspectrice d’académie, a quant à elle développé à Rouen entre 2010 et 2015 une formation sur l’accompagnement du deuil à l’école et mis des ressources sur le sujet en ligne sur le site de l’académie de Rouen, pour parents et enseignants. Chantal Bohin, enseignante de français à Sainte-Marie, à Créteil, a choisi pour sa part de s’appuyer sur les textes de littérature étudiés en classe pour évoquer avec ses élèves les questions existentielles.
Enfin, Patrick Ben Soussan, pédopsychologue, et Hélène Romano ont insisté pour que « l’on réapprenne à parler de la mort dans la société et en milieu scolaire ». « Ce tabou de la mort à l’école est d’abord un problème d’adultes », a souligné Patrick Ben Soussan. Concrètement, parmi les pistes dégagées : recréer une continuité parents/école (il arrive en effet que le parent survivant n’informe par la communauté éducative de la mort de son conjoint), accompagner les enseignants en formation initiale et continue sur la question de la mort, créer un guide des bonnes pratiques, mettre en place une fiche de renseignements adaptée et qui suit l’élève tout au long de sa scolarité. Avec un point de vigilance : la nécessité de penser la scolarité de ces enfants sur le long-terme car les soucis parfois ne se posent pas que dans le post-décès mais bien des années plus tard.
Les résultats de l'enquête OCIRP - Ifop sur l'école et les Orphelins, sur le site de l'organisme de prévoyance