La conception chrétienne de la personne

L'anthropologie chrétienne nourrit l'École catholique. C'est pourquoi elle promeut l'égale dignité des hommes, éduque à la liberté dans sa nécessaire articulation à la responsabilité et vise à former de jeunes adultes unifiés et ouverts au dialogue.

 Fondamentaux - La conception chrétienne de la personne

Dès son premier article, le Statut fonde l’éducation sur la dignité de la personne humaine et l’article 6 rappelle que l’école est un lieu privilégié d’éducation au service de la formation intégrale de la personne. Chacune des écoles catholiques est constituée d’une communauté éducative qui est une communauté de personnes. Cette préoccupation centrale explique aussi la place donnée à l’engagement des personnes, à leur formation, et à l’attention qui doit être portée à chacun dans l’animation des écoles catholiques et de toutes les instances.

art. 10 Au service de l’homme et de son éducation, l’Église manifeste qu’elle porte sur toute personne un regard d’espérance.

Ce regard d’espérance est celui que le Christ porte sur la personne humaine :

art. 74 La mission éducative se fonde sur la pédagogie du Christ. Elle déploie solidairement une attention : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? », un appel toujours personnel : « Viens... », une confiance en chacun : « Va...», une promesse d’accompagnement : « Je serai avec vous... » [Mc 10,51 ; Lc 18,22 ; Jn 20,17 ; Mt 28,20].

Ainsi, la pédagogie du Christ se déploie-t-elle toujours en trois temps : l’appel, l’accompagnement et l’envoi.

L’égale dignité de toute personne humaine

Toutes les personnes humaines jouissent d’une égale dignité. Mais l’égalité est reconnue entre des personnes, dont doit être aussi respectée la singularité. Un projet d’éducation doit précisément veiller à éveiller et accompagner la vocation personnelle de chacun (art. 37, 79).

art. 2 L’éducation se conforme à la vocation personnelle et sociale des hommes en leur permettant de grandir dans l’amour et la vérité et, ainsi, d’accéder à « une vie pleine et libre, une vie digne de l’homme » [Vatican II, Gaudium et Spes, n° 9].

Toute communauté humaine est donc composée de personnes caractérisées par des différences. Faire communauté n’est possible qu’en conjurant la tentation de l’égalitarisme et le refus de la différenciation. C’est le risque de Babel :

« [...] Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue [...] ». (Genèse 11,6) Le récit de la Pentecôte, au contraire, souligne que l’unité est possible dans la diversité. Tous les peuples rassemblés écoutent un même message, mais chacun dans sa langue maternelle.

« Nous les [les apôtres, galiléens] entendons publier dans notre langue les merveilles de Dieu ! » (Actes des Apôtres 2,11)

C’est bien sur ces bases que peut s’édifier la communauté éducative, qui fait appel à « la participation différenciée à la mission éducative commune », selon le titre de la seconde partie du Statut. La liberté et la créativité de chacun sont sollicitées, pour la recherche du bien commun (art. 52).

La liberté

L’acte fondateur de la foi au Dieu d’Israël est la libération de l’esclavage, en Égypte.

« Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude. »

(Genèse 20,2)

Le Christ vient libérer l’homme du péché et de la mort, par la Rédemption et la Résurrection. La conception chrétienne de la personne humaine donne donc une place fondatrice à la liberté, et rejoint ainsi une aspiration majeure de nos contemporains.

Le Statut rappelle l’importance de l’éducation à la liberté, pour former à la capacité de poser des choix libres conformes à la conscience (art. 6), à l’esprit critique, au discernement éclairé (art. 24). L’éducation doit permettre à chacun de répondre librement à sa vocation (art. 37).

Encore faut-il s’entendre sur la liberté qui n’est ni licence, ni toute-puissance. Il peut être, dans notre environnement, et des formes nouvelles d’aliénation, et des conceptions erronées de la liberté, marquées par la seule recherche d’un bonheur égoïste et individualiste :

« L’ampleur et la rapidité des transformations réclament d’une manière pressante que personne, par inattention à l’évolution des choses ou par inertie, ne se contente d’une éthique individualiste. Lorsque chacun, contribuant au bien commun selon ses capacités propres et en tenant compte des besoins d’autrui, se préoccupe aussi, et effectivement, de l’essor des institutions publiques ou privées qui servent à améliorer les conditions de vie humaines, c’est alors et de plus en plus qu’il accomplit son devoir de justice et de charité. »

(Concile Vatican II, Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps, Gaudium et Spes, n°30 § 1)

La responsabilité

La liberté de la personne humaine n’est féconde, pour la personne elle-même et pour la société, qu’articulée à la responsabilité. La liberté humaine s’inscrit pour chacun dans une vocation, un appel, qui invite à répondre : c’est ce qui constitue la personne comme responsable. Chacun est appelé à répondre de lui-même, de l’autre et du bien commun.

La responsabilité conduit ainsi à la collaboration, à la participation et à la solidarité (voir fiche Eléments de la pensée sociale de l’Eglise). L’éducation à la responsabilité constitue donc l’un des axes essentiels de tout projet éducatif :

« Mais pour que tous les citoyens soient poussés à participer à la vie des différents groupes qui constituent le corps social, il faut qu’ils trouvent en ceux-ci des valeurs qui les attirent et qui les disposent à se mettre au service de leurs semblables. On peut légitimement penser que l’avenir est entre les mains de ceux qui auront su donner aux générations de demain des raisons de vivre et d’espérer. » (Gaudium et Spes, n°31 § 3)

La personne humaine, être unifié et unique

La personne humaine désigne :

« [...] l’homme considéré dans son unité et sa totalité, l’homme, corps et âme, cœur et conscience, pensée et volonté [...]. » (Gaudium et Spes, n°3)

« L’homme corps et âme ». Le second récit de la Création révèle que l’homme est matière et souffle (Gn 2, 7), qui oriente, qui donne sens et dynamise.
• L’homme « cœur et conscience ». Dans le vocabulaire biblique, le cœur est plus que le siège des sentiments et des émotions. Ce terme désigne l’intériorité de la personne, ses profondeurs. S’y rencontrent les affects, mais aussi la compréhension et l’intelligence du monde et des relations, aux autres et à Dieu. Et le cœur est donc le lieu de la conscience (Gaudium et Spes, n°11).

L’homme « pensée et volonté ». L’homme est doué d’une intelligence rationnelle qu’il est fondamental de former. Le juste exercice de la raison permet de mieux maîtriser son environnement, d’y trouver sa place et d’y agir, en usant du discernement qui permet la décision et la volonté, et l’usage éclairé de la liberté. Toute personne humaine recèle donc de multiples facultés complémentaires qu’il doit déployer pour advenir à son identité singulière. Chacun est ainsi doté de « talents » que l’Évangile appelle à faire fructifier (Mt 25,14-30).

Cet épanouissement personnel n’a cependant de sens que s’il prend simultanément en compte la dimension relationnelle de la personne humaine.

La personne humaine, être de relation

L’homme est créé à l’image de Dieu, de Dieu Trinitaire qui vit dans la relation des trois personnes de la Trinité.

« [...] Il [le Christ] nous suggère qu’il y a une certaine ressemblance entre l’union des personnes divines et celles des fils de Dieu dans la vérité et dans l’amour. »

(Gaudium et Spes, n°24 § 3)

Si Dieu fait de l’amour du prochain son premier commandement, c’est parce qu’il vit lui-même l’amour dans une Trinité de personnes.
La personne humaine, selon la conception chrétienne, est ainsi appelée à vivre des relations dans une double dimension « verticale » et « horizontale ». Par le Christ, « premier né d’une multitude de frères » (Rm 8, 29), nous sommes invités à vivre une relation filiale au Père et cette condition de fils d’un même Père nous pousse à l’amour de nos frères :

« Et la preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu vous a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! Aussi n’es-tu plus esclave mais fils ; fils, et donc héritier de par Dieu. » (Épître aux Galates 4,6-7)

« Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. [...] N’aimons ni de mots ni de langue mais en actes et en vérité. » (Première Épître de saint Jean 3,14-18)

La dimension relationnelle de la personne humaine se vit donc dans la dynamique de la Croix, qui croise, précisément, la verticalité du Christ tendu vers le père et l’horizontalité des bras du Christ, ouverts à la multitude.
Cette conception de la personne humaine, à accueillir et à développer dans toutes ses dimensions, fonde la proposition éducative de l’école catholique :

« La personne de chacun, dans ses besoins matériels et spirituels, est au centre de l’enseignement de Jésus : c’est pour cela que la promotion de la personne humaine est le but de l’école catholique. »

(Jean Paul II, Discours au 1er Congrès de l’École Catholique en Italie, Osservatore Romano, 24 novembre 1991)

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