De Montessori au père Faure
L’Association Louis Beaulieu qui promeut l'enseignement personnalisé et communautaire élaboré par le père Faure a organisé un colloque dédié aux convergences et différences de ses conceptions éducatives avec la pédagogie Montessori.
Jean Marie DIEM
Secrétaire Général de l'Association Louis Beaulieu
"De Maria Montessori à Pierre Faure, convergences et différences". Tel était le thème du colloque organisé en mars dernier par l’Association Louis Beaulieu dont le principal objectif est de promouvoir et développer un enseignement personnalisé et communautaire. 150 personnes ont participé à ce colloque qui s’est tenu dans l’impressionnant et très bel amphithéâtre de l’Institut Catholique de Paris. Certains intervenants et participants étaient venus de loin et même de très loin. Ainsi ont été accueillis une délégation d’une vingtaine d’enseignants et étudiants mexicains ainsi que des représentants du Liban et de divers pays européens et africains.
Maria Montessori est très connue dans le monde entier et l’on voit aujourd’hui se multiplier un peu partout des écoles qui se réclament de cette pédagogie. En revanche, Pierre Faure, prêtre jésuite, est beaucoup moins connu. Et pourtant, celui-ci a eu un rayonnement important notamment dans l’enseignement catholique en France et dans d’autres pays en particulier en Amérique latine et au Moyen Orient où il a formé de très nombreux enseignants. Le colloque avait pour principal objectif de mettre en évidence les convergences entre ces deux pédagogues mais aussi leurs différences. Le programme était chargé mais assez diversifié pour intéresser chacun des participants.
De mêmes valeurs chrétiennes
Dans un premier temps, ce sont des universitaires de haut niveau qui ont montré les fondements religieux et scientifiques des deux pédagogues. Ainsi François Moog, Doyen de la Faculté de l’Education de l’Institut Catholique de Paris a bien mis en évidence les valeurs chrétiennes qui sous-tendent ces pédagogies. Maria Montessori était une fervente catholique et pratiquante et ses croyances sont évidentes dans son approche de l’éducation des enfants. Elle a même consacré tout un livre à « l’éducation religieuse ». Ce livre peu connu et aujourd’hui difficile à trouver était préfacé par …. Pierre Faure. Pour celui-ci, influencé par sa formation ignatienne, la pédagogie doit reposer sur une anthropologie aspirée par une théologie c’est-à-dire par une prise de conscience de nos aspirations les plus tenaces. François Moog a aussi souligné l’influence décisive de philosophes comme Emmanuel Mounier et surtout Jacques Maritain sur l’éclosion d’une pédagogie de la personne.
Un trait d'union entre ces pédagogies
Ce fut ensuite le tour de Martine Gilsoul, Directrice de la crèche Montessori-Panisperma de la Banque d’Italie à Rome, de parler de manière très documentée et précise de celle qui fut un véritable trait d’union entre les deux pédagogues : Hélène Lubienska de Lenval, tour à tour disciple de Maria Montessori et collaboratrice de Pierre Faure. Celle-ci a su développer une pédagogie non seulement spiritualiste mais nettement catholique. Grâce aux encouragements du Père Faure, elle a laissé une œuvre considérable qui porte non seulement sur la catéchèse mais aussi sur diverses disciplines telles que l’apprentissage de la lecture, l’étude de la grammaire et des mathématiques ou encore la musique et ce qu’on appelle aujourd’hui la psychomotricité. Elle fut ainsi une très grande pédagogue qui mériterait sans aucun doute d’être davantage connue.
Le même esprit scientifique
L’aspect scientifique de ces pédagogies devait être traité par Bérangère Kolly, Maître de Conférences à l’Université de Créteil et auteur d’un livre récent sur Montessori, édité par Hachette. Avec l’éducation nouvelle et l’arrivée des médecins éducateurs, parmi lesquels Montessori, la pédagogie n’est plus fondée sur le « verbiage » mais sur une connaissance rationnelle du développement psychique concret de l’enfant. On connait toute l’importance attachée à l’observation directe de l’enfant tant chez Montessori que Faure. Aujourd’hui ce courant scientifique est renforcé par l’éclosion des neurosciences et de la psychologie cognitive. Cependant Berangère Kolly a bien montré combien les relations entre les pédagogues et la science restent toujours complexes car, si la science cherche à justifier des techniques, une pédagogie dépasse toujours les techniques, sans être exclusivement l’affirmation de valeurs.
De nombreuses convergences
Dans un deuxième temps du colloque, il s’agissait de montrer toute l’importance des outils et instruments de travail dans la mise en œuvre des pédagogies de Maria Montessori et de Pierre Faure. Le sujet devait a été traité par deux spécialistes de la didactique : Pour Montessori, par Patricia Spinelli, Directrice de l’Institut Supérieur Maria Montessori et, pour le Père Faure par Monique Le Gall, Directrice de l’Association Louis Beaulieu.
Pour Patricia Spinelli, si l’enfant possède des outils intérieurs de construction, il nous faut néanmoins l’aider dans son développement. D’où l’importance chez Montessori de la préparation minutieuse de l’environnement, du choix du matériel didactique et du respect des périodes dites sensibles. C’est bien le matériel in fine qui révélera les potentialités de l’enfant et le mettra sur la route de sa liberté intérieure.
Dans son exposé, Monique Le Gall montrera également toute l’importance des instruments de travail dans la pédagogie selon Pierre Faure, soulignant ainsi les convergences avec la pédagogie montessorienne. Mais elle ajoutera, chez Pierre Faure, l’originalité de méthodes organisationnelles telles que les programmations et les contrats de travail et surtout les mises en commun pour marquer l’ aspect communautaire de la personnalisation de l’enseignement.
Il apparaît en définitive qu’il existe de nombreuses convergences et peu de différences importantes sur le plan de la didactique entre Montessori et le Père Faure .
Les témoignages de réalisations Montessori actuelles
Dans un 3ème et dernier temps du colloque, divers témoignages ont pu être apportés sur le développement de l’enseignement personnalisé.
Ce fut d’abord une présentation du rayonnement de l’Association Internationale Montessori représentée par Patricia Spinelli. On constate aujourd’hui un développement important des écoles « Montessori ». Mais cela ne va pas sans risque si l’on ne développe pas en même temps des formations en profondeur pour éviter de voir des pratiques qui seraient en fait éloignées de la pédagogie préconisée par la doctoresse.
C’est ce qu’ont bien compris certaines Universités catholiques. Ainsi Ségolène Le Mouillour, Doyenne de la faculté d’Éducation de l’Université Catholique de l’Ouest, a présenté aux participants du colloque le Diplôme Universitaire Pédagogie Montessori récemment créé par son Université dans le souci de faire partager des valeurs et de faire croître cette pédagogie.
... Et des réalisations dues à Pierre Faure
On retiendra plus particulièrement les réalisations en Amérique Latine présentées par deux mexicaines : Norma Léal Bross, Directrice de l’Instituto Pierre Faure de Guadalajara et Olga Moreno Rodrigez, Directrice de l’Ecole Normale de l’Instituto America à Léon. Grâce aux sessions dirigées par Pierre Faure, des milliers d’enseignants originaires de différents pays d’Amérique Latine ont pu être formés à la pédagogie personnalisée. De nombreuses écoles ont mis en œuvre cette pédagogie et plusieurs parmi elles portent le nom de Pierre Faure.
Pour le Liban, Viviane Bous Sreih, Directrice de l’Institut d’éducateurs à l’Université St Joseph de Beyrouth a présenté le rayonnement de son Institut. Créé en 1956 par le Père Faure, cet Institut n’a cessé de se développer et de s’actualiser. Fort des principes de la Pédagogie personnalisée et communautaire adossés à des valeurs solidement ancrées dans les pratiques et gestes professionnels, cet Institut reste animé de l’inspiration et des convictions d’ Aida Roucos Nehmé qui l’a dirigé depuis son origine jusqu’en 1993.
Enfin, en France, on notera l’organisation de formations à l’enseignement personnalisé selon Pierre Faure par l’Association Louis Beaulieu. Ce sont deux formatrices, mais aussi directrices d’écoles en Bretagne, qui les ont présentées avec beaucoup de précisions et d’humour : Lise Bernier et Mélissa Berger-Divet.
Un devoir de transmission
En conclusion, Etienne Petit, Président de l’Association organisatrice du colloque, a tenu à souligner que ces pédagogies sont un trésor et que nous avons le devoir de les faire connaître et de les faire fructifier. Parmi les actions entreprises par l’Association Louis Beaulieu, on notera en particulier la réédition, à l’occasion de ce colloque, d’un des principaux livres de Pierre Faure par les Editions Artège : « Un enseignement personnalisé et communautaire ». La réédition d’autres ouvrages est en préparation.
Pour Jean Marie Diem, Secrétaire Général de l’Association Louis Beaulieu, le temps est peut-être venu d’organiser une structure de rencontres et d’échanges entre tous ceux qui proposent ces pédagogies, que ce soit celle de Maria Montessori, de Pierre Faure ou d’autres, telles que la gestion mentale ou l’orthopédagogie par exemple, tout en leur laissant bien entendu leur indépendance et leur spécificité.
Un colloque qui peut donc favoriser un nouveau départ pour ces pédagogies !