Démocratie lycéenne
À Lille, il fait bon vivre au lycée Frédéric-Ozanam ! Clef du succès : la très grande implication des élèves, à travers le Bureau des élèves (BDE). Une participation fortement encouragée par le chef d’établissement.
Par Coline Léger
Depuis le printemps dernier, la salle de permanence du lycée Frédéric-Ozanam de Lille est devenue plus attrayante grâce à une fresque inspirée de l’univers du graffiti. De vastes lettres aux couleurs vives forment le nom de cet établissement général et technologique. Derrière cette oeuvre, deux lycéens : Louis Gokelaere, en seconde et Gauthier Hubert, en première sciences et technologies de l’information et biotechnologies (STIB). « C’est une façon de permettre aux élèves de s’approprier l’établissement », explique Christophe Leroy, directeur général du groupe OEC (composé du lycée Ozanam, du lycée professionnel Epil, et de la filière d’enseignement supérieur Campus), qui accueille 2000 jeunes, dont près de 650 pour le seul lycée Ozanam. Piloté par Lucie Béchet, personnel de vie scolaire en charge de l’animation, le projet a d’abord fait l’objet d’une maquette, validée par le directeur et le Bureau des élèves (BDE), l’équivalent ici d’une Maison des lycéens (voir encadré p. XV). Il aura ensuite fallu six semaines aux deux artistes, à raison de deux heures par jour, pour achever leur oeuvre. « Je pratique le graffiti pour mes loisirs, uniquement sur des murs autorisés ! En faire un dans un lycée scientifique me permet de partager ma passion avec des élèves pas forcément attirés par le monde artistique », se réjouit Louis, l’un des grapheurs. D’autres fresques décoratives avaient déjà vu le jour dans l’établissement, d’abord dans le foyer, où sont peints des monuments du monde, puis dans la cour, où toutes les filières du lycée Ozanam sont représentées.
Un sweat au logo du lycée
Créé en mars 1990, le BDE d’Ozanam est partie prenante de la vie démocratique de l’établissement. Il est associé à la prise de décisions dans de nombreux domaines du lycée. Ses membres ont, par exemple, participé au choix de la société de restauration. « Nous avions une voix au même titre que l’association des parents d’élèves. Nous pouvions parler très librement », témoigne Carla, qui a rejoint ce BDE très actif il y a trois ans, par envie de s’investir dans la vie du lycée et par goût des responsabilités. Les élus du BDE sont aussi associés à la révision du règlement des établissements du groupe OEC, actuellement en cours. Ils font d’ailleurs partie du conseil d’établissement du groupe. « Cela fait partie des changements entrepris dans la gouvernance de nos établissements », précise Christophe Leroy.
Autre illustration de la marge de manoeuvre accordée aux élèves : la création d’un sweat aux couleurs du lycée. Une action qui a remporté un vif succès. « L’idée nous est venue en voyant celui proposé par des étudiants », explique Louis Keunebrock, en terminale S et président du BDE, par ailleurs élu au conseil des jeunes de la ville de Bondues. Christophe Leroy a tout de suite adhéré au projet : « Tout ce qui peut favoriser l’autonomie des élèves, révéler leurs talents, les ouvrir à leur environnement et les construire en humanité est bienvenu ! Tant que les initiatives sont conformes aux valeurs du lycée, je suis partant », souligne le directeur. Dans la cour du lycée, plusieurs élèves portent ainsi le sweat à capuche bleu marine, rehaussé du logo d’Ozanam. Vendu 20 € par le BDE, il est personnalisable. Nicolas Plichon a, par exemple, fait inscrire son surnom au dos. « Je le trouve sympa et ça me permet de garder un souvenir de l’établissement », explique cet élève.
Carte de fumeur
Les temps forts de l’année sont aussi l’occasion pour le BDE de montrer toute l’étendue de ses compétences. Il organise, ainsi, la Saint- Nicolas, journée festive pendant laquelle des animations sont proposées (jeux, activités sportives…), contribue aux voyages de classe grâce à la vente de petits pains, ou encore à l’aménagement du foyer pour lequel il a financé trois baby-foot… La pastorale contribue elle aussi à entretenir ce climat d’ouverture, à travers les « midis-cafés » : un midi par semaine, le café est offert. C’est l’occasion d’échanger, de se réunir, et de discuter, entre élèves et professeurs.
Résoudre les problèmes en bonne intelligence avec les élèves et les responsabiliser, c’est ce qui a conduit à la création d’un espace dédié aux fumeurs. Plutôt que de sanctionner vainement les élèves fumant en cachette dans l’enceinte du lycée, avec tous les problèmes de sécurité que cela peut poser, le directeur a fait le choix d’un espace sécurisé situé à proximité du lycée. « Sur autorisation de leurs parents, les élèves peuvent obtenir une carte de fumeur, avec des créneaux horaires spécifiques au cours desquels ils peuvent l’utiliser », explique Lucie Béchet.
Dans les établissements du groupe OEC, tournés vers les filières technologiques et techniques, l’apprentissage de l’autonomie passe également par la participation à des concours, comme celui de la mini-entreprise. Il s’agit, pour les lycéens, d’expérimenter l’entreprenariat le temps d’une année scolaire, dans le cadre d’un projet porté par l’association Entreprendre pour apprendre. En mai dernier, les vingt-deux élèves de l’Epil ont été récompensés (1er prix régional de leur catégorie) pour « Eco-bike », un système permettant de recharger ses batteries de téléphone, de tablette ou de baladeur en pédalant à partir d’une dynamo. Des lycéens des 1res STI2D (sciences et technologies de l’industrie et du développement durable) d’Ozanam ont, quant à eux, participé à la « Course en cours », qui consiste à créer une équipe de Formule 1 pour développer la voiture de course du futur, en miniature. « Au-delà du caractère technologique de ces concours, c’est une façon pour les lycéens d’apprendre à donner du temps à des actions bénévoles. S’investir dans des projets associatifs quels qu’ils soient, leur permet de valoriser d’autres talents que ceux attendus dans le cadre strictement scolaire », souligne Christophe Leroy.
Parmi ses prochains projets : lancer la création d’un foyer au lycée professionnel des industries lilloises (Epil), à partir de containers aménagés et décorés par les élèves. Une façon de laisser s’exprimer les talents, mais aussi de renforcer le sentiment d’appartenance aux établissements du groupe.
La Maison des lycéens de Lagny
C’est en 2012 que le projet de création d’une Maison des lycéens a vu le jour au lycée Saint-Laurent, à Lagny-sur-Marne (Seine et- Marne), sous l’impulsion de Patricia Petiot, professeur de français. « Mon fils a intégré un internat, dans lequel il y avait une Maison des lycéens. J’ai trouvé cela formidable ! J’ai proposé de l’expérimenter dans mon lycée », explique l’enseignante. Elle inscrit cette initiative dans le cadre de l’enseignement d’exploration des secondes. « Ce sont les élèves qui ont conçu le projet : créer l’association, rédiger ses statuts, la déclarer en préfecture, et la promouvoir pour inciter leurs camarades à y adhérer », précise Patricia Petiot. Créées par la circulaire du 29 janvier 2010 pour inciter les élèves à prendre des responsabilités et à porter des projets culturels, sportifs, humanitaires ou liés à la citoyenneté, ces associations fonctionnent sur le modèle du Bureau des élèves (BDE), qui existe dans l’enseignement supérieur. Au lycée Saint-Laurent, qui compte environ 700 élèves, le nombre d’adhésions à la Maison des lycéens varie entre une trentaine et une centaine selon les années. D’un coût de 5 €, l’adhésion donne droit à des réductions pour les festivités proposées par l’association. Depuis trois ans, de nombreux projets ont été lancés : création de clubs musique, cinéma, jeux de société, théâtre, aide aux devoirs des plus petits, mais aussi participation à un projet de solidarité internationale, avec les frères Maristes, pour la construction d’un établissement scolaire au Burkina Faso ! « La Maison deslycéens permet aux élèves de porter des projets en autonomie. Elle leur apprend aussià se connaître, au-delà des classes et des filières, favorisant ainsi la convivialité de l’établissement », conclut Patricia Petiot.
« Agir sur le climat scolaire »
Le dossier d’ECA n°368, août - septembre 2015 propose des pistes pour que les baromètres des établissements se mettent au beau fixe. Il s’agit d’influer à la fois sur la richesse des relations, l’implication suscitée par les propositions éducatives et pédagogiques comme sur les ressentis en termes de sécurité et de justice. Dans la classe autant qu’à l’extérieur et jusque dans les liens qui unissent l’école à ses partenaires, cette ambiance se tisse dans un quotidien sur lequel chacun peut et doit agir collectivement.