En prise directe avec les maires
Présent depuis quatre ans au Salon des maires, l’enseignement catholique y témoigne des partenariats étroits qui se nouent avec les collectivités territoriales. Bien au-delà des logiques financières ces partenariats s’appuient sur le maillage des établissements et attestent de leur rôle en matière d'animation des territoires.
Pour cette édition 2018, du 20 au 22 novembre, dans le prolongement des mini-forums des années précédentes, le stand a accueilli un studio radio, faisant intervenir élus locaux, nationaux et responsables de l’enseignement catholique.
Ces tables rondes ont été animées par Marc Tronchot, journaliste et ancien directeur de la rédaction d’Europe 1. Retransmis en direct via une Web radio, ces échanges, stimulants sont à réécouter en ligne.
La table ronde
du jeudi 22 novembre 2018
La mixité scolaire: une nécessité sociale, politique, spirituelle et éducative
Olivier Noblecourt,
délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes
Sylvie Da Costa,
chercheur en sciences de l'Éducation, missionnée par le Sgec pour étudier la mixité dans l'Enseignement catholique
Pascal Balmand,
secrétaire général de l'Enseignement catholique
Un constat d’échec. Sans concession, Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes constate que la mixité sociale et scolaire en France n’est pas satisfaisante, voire inacceptable par endroit. Pour autant il n’y voit pas de fatalité : « Concertation, pugnacité, progressivité, volonté politique et partenariats permettent de trouver des solutions consensuelles et pérennes. »
Au delà de la simple redistribution monétaire, essentielle mais insuffisante, « la réponse éducative reste la plus efficace ». Notamment pour prévenir la prévalence importante de la pauvreté chez les jeunes et la reconduction des inégalités de naissance, deux points faibles de notre société. Cela passe par la construction d’un socle de compétences, dès la petite enfance puis tout au long de la formation. Olivier Noblecourt salue d'ailleurs les orientations du rapport Delahaye de 2015 et l’accent mis par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, sur l’acquisition des compétences essentielles à l’école primaire.
Le tout sans oublier les parents, complète Pascal Balmand. Il cite notamment en exemple le partenariat noué entre l’Apel et ATD-Quart-Monde qui permet de conduire un travail de sensibilisation fructueux dont les parents en situation d’exclusion se retrouvent acteurs. Plus largement, il souligne qu’il faut faire preuve de pédagogie pour expliquer combien une mixité scolaire bien conduite, avec des enseignants formés à la différenciation pédagogique notamment, s’avère profitable à tous les élèves y compris ceux en situation de réussite. Olivier Noblecourt plaide en la matière par une démonstration par l’expérimentation faisant valoir qu’après deux ans d’une nouvelle sectorisation dans le 18è arrondissement parisien, des parents, au départ réticents, en mesurent aujourd’hui le bénéfice pour leurs enfants en termes « d’enrichissement de leur sensibilité, d’ouverture et de prise de conscience des réalités de notre société ».
Sylvie Da Costa, chercheure missionnée par le Sgec pour engager un état des lieux de la mixité scolaire dans l’enseignement catholique et l’améliorer souligne l’importance de prendre en compte la spécificité des contextes locaux : « Les situations sont multiples et la mixité ne se décrète pas à coup de discours généraux, elle se construit, s’étaye progressivement avec une vigilance particulière à entretenir par rapport aux collèges : les parents suivent alors leurs enfants moins en proximité qu’à l’école et recherchent, à défaut, une forme d’entre-soi sécurisant. » Autres points de vigilance évoqués : le jeu des langues et des options, qui peut reconstituer des classes ségréguées au sein d’un établissement au recrutement pourtant diversifié ainsi que le prix de la cantine, qui peut doubler le montant de la contribution demandée aux familles.
Sur ce point Pascal Balmand a regretté l’injustice des mesures sociales que des collectivités territoriales réservent aux élèves du public, la loi les exonérant de toute parité en la matière. Il alerte aussi sur les logiques purement comptables qui peuvent aggraver les disparités territoriales, par exemple lorsque des directives académiques sur la mise en œuvre de la réforme du lycée entendent limiter le nombre d’enseignement de spécialités proposés dans les petites structures. A contrario, il encourage à faire des choix politiques inverses, citant celui fait voilà plus de dix ans de fermer un établissement catholique parisien intra-muros pourtant prospère pour ouvrir, à Noisy-le-Grand, le grand ensemble scolaire Françoise Cabrini qui propose un large éventail de filières professionnelles.
Olivier Noblecourt a rendu « hommage à l’implication d’un grand nombre d’acteurs de l’enseignement catholique qui apportent déjà un concours précieux, à la mixité scolaire ». Pour aller plus loin, il a souhaité imbriquer toujours plus étroitement les politiques éducatives, urbaines et économiques tout en renforçant la concertation et les partenariats pour démultiplier de telles initiatives. Une orientation que « l’École catholique, de par son projet, ne peut considérer que comme une nécessité sociale, politique, spirituelle et éducative, a réaffirmé Pascal Balmand, rappelant qu’on ne fait pas grandir en vase clos, mais que c’est la rencontre avec l’altérité qui fait grandir »
Trois pistes pour la mixité sociale
L'une des chevilles ouvrières du plan pauvreté et ancien directeur de cabinet de l'ancienne ministre de l'Éducation Najat Vallaud-Belkacem, Olivier Noblecourt connaît bien son sujet. S’il reconnaît le rôle incontournable des politiques de l’habitat pour améliorer la mixité sociale, il souligne aussi que les établissements et la compétition scolaires peuvent participer à aggraver la ségrégation urbaine. Pour l’éviter, il préconise d’amplifier les efforts sur trois chantiers principaux :
- Travailler sur l'offre éducative pour rendre plus attractifs les établissements ségrégués par le biais des options et des cursus (articulation collège/lycées, accès aux prépas) mais aussi du recrutement et de la formation des personnels.
- Travailler la sectorisation qui ne doit pas être taboue, même pour l’Enseignement catholique -qui n’est pas soumis à la carte scolaire- car il semble possible de mieux structurer et éclairer l’affectation des élèves sans pour autant remettre en cause la liberté des familles.
- Mettre en place une allocation des moyens d’enseignement progressive, prenant en compte des critères de mixité sociale, éviterait les effets de seuils et les risque de stigmatisations. C’est d’ailleurs une des pistes envisagées dans le cadre de la refonte de la politique d’éducation prioritaire annoncée par le ministère.
Extraits des interventions du mercredi 21 novembre 2018
"L'Ecole catholique contribue
à l'amélioration du lien social"
Gilles Artigues,
premier adjoint à la mairie de Saint-Étienne
En quelques décennies, les relations avec l’enseignement catholique ont beaucoup évolué. Les représentations ses enseignants du public ont bougé, notamment grâce à l’ouverture des établissements catholiques, présente dans tous les quartiers, largement ouverte aux élèves musulmans, proposant aussi une offre variée de filières techniques.
Cette présence contribue à l’amélioration du lien social et constitue un argument fort pour faire évoluer les modes de financement.
La fragilité du périurbain
Yves George, maire de Ménars
Commémorations du 11 Novembre, mutualisation de la cantine municipale, traitement équitable... Nous avons à coeur de soutenir l'enseignement catholique, d'autant que nous connaissons la fragilité de ses petites structures qui sont pourtant si précieuses aux communes périurbaines.
Les valeurs cadastrales
Au delà des moyens d’enseignement liés au 80-20 et des dotations des collectivités territoriales liées aux forfaits, Yann Diraison, secrétaire général adjoint de l’Enseignement catholique pointe un autre enjeu financier complexe, lié au statut de l’immobilier des établissements de l’enseignement catholique : « Sa définition, floue, conduit par exemple à ce que ces établissements, pourtant non lucratifs, soient assimilés à des bâtiments commerciaux au regard de la taxe foncière. L’enseignement catholique se retrouve par ce biais victime collatérale de la réforme des valeurs cadastrales de 2013, décidée sans simulation préalable et appliquée dans une logique purement réglementaire qui ignore les réalités de terrain. »
Dans les Hauts de Seine, la sénatrice Christine Lavarde confirme que « les augmentations peuvent atteindre jusqu’à 300% alors que certains bâtiments, comme les gymnases ou les espaces verts, sont ouverts, hors des créneaux scolaires, à la population, aux associations. À l’échelle micro économique ce sont des montants colossaux, à l’échelle du budget de l’État c’est ridicule. Le blocage est d’autant plus incompréhensible qu’aucune recette foncière n’est perçue auprès des établissements publics. Une année de travail de persuasion, d’échanges continus entre les cabinets ministériels et sgec ont déjà donné lieu à des amendements et nous avons bon espoir que ce qui peut être réglé par des textes réglementaires va l’être très prochainement lors de l’examen des textes au Sénat, mais le reste relève du domaine législatif. »
Denis Larghero, maire de Meudon, fait aussi observer que, « sur le terrain, c’est le privé qui accueille les élèves les plus difficiles, ceux qui ont besoin d’une pédagogie différente. Je le constate sur ma commune avec le village éducatif Saint Philippe qui accueille les 600 jeunes les plus en difficulté des Hauts-de-Seine. »
« La désaffection des familles pour l’enseignement public interroge sur les freins faits au développement des écoles privées qui répondent à une demande forte de la société. » renchérit Christine Lavarde, regrettant que l’essor de l’Enseignement catholique, souhaitable pour mieux répondre aux besoins scolaires comme au défi de la mixité scolaire, ne soit bloqué par des règles d’un autre âge : taxe foncière, bien sûr, mais aussi impossibilité de percevoir des financements pour des constructions immobilières…
Il est précieux de conserver
les écoles des petites communes rurales
Françoise Gatel
Sénatrice d’Ille-et-Vilaine
La force de l’enseignement catholique, qui est également sa fragilité, est de maintenir un maillage territorial très serré. C’est précieux de conserver les écoles des petites communes dans un contexte de désertification du milieu rural.
Mais cela ne peut se faire que grâce à une organisation en réseaux qui permet la mutualisation, enrichit, ouvre et diversifie les équipes. Il convient que les Ogec approfondissent cette mise en réseau voulue et partagée.
Je reste très attachée à la commune comme cellule de base du territoire mais je reconnais qu’à cette échelon il apparaît difficile de faire face aux exigences quasi consuméristes de certains citoyens.
Alors que l’enseignement catholique est un acteur extrêmement fort dans nos territoires, le vote de ses subventions, dont le cadre est pourtant défini par la loi peut encore provoquer des remous.
Parfois, la semaine de quatre jours et demi a donné lieu à des organisations communes de l’offre périscolaire très intéressantes tandis que, dans d’autres lieux, il reste inenvisageable de mélanger les enfants, ce qui paraît choquant en termes de vivre ensemble et de cohésion sociale.
Le bien-être des enfants est un enjeu qui mérite qu’on se parle et qu’on travaille ensemble ! C’est le sens du travail effectué avec l’enseignement catholique autour de la loi dite Gatel qui entend préserver la liberté de choix des familles : il ne faut jamais céder sur les valeurs de la République !
Dans le tissu économique local
Pascal Brindeau, maire de Vendôme
Jean-Pierre Bonnet, directeur diocésain d’Orléans - Bourges
Yann Diraison, adjoint au secrétaire général de l’Enseignement catholique
Les partenariats au service du dynamisme économique local ne peuvent que s'inscrire dans un échelon de proximité. En attestent le travail de prospective commun mené pour anticiper l'implantation de Vuitton à Vendôme, développer la senior économie, faire baisser à la fois le taux de chômage et les 200 postes non pourvus dans le secteur de l'industrie: «Un travail de dialogue et d'ajustement permanent que la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage va rendre plus crucial encore! » a souligne Jean-Pierre Bonnet.
L'association des parents d'élèves de l'école libre affiche une belle vitalité
Gilles Demarquet,
président de l'Apel
Nous sommes en contact étroit avec les élus sur un éventail de sujets très divers qui va de l’organisation des kermesses jusqu’à une réflexion prospective ou le calcul de forfaits cohérents, en lien et en appui aux établissements.
Contrairement au discours classique sur l’essoufflement du bénévolat, l’Apel affiche une belle vitalité avec 240 000 adhérents qui reflètent la diversité du territoire. Ces parents se déclarent très heureux de participer ainsi à la vie des établissements. Et, en effet, les corps intermédiaires reprennent leur place dans le débat public, sont auditionnés au Sénat et à l’Assemblée.
Nous contribuons aussi à la réflexion sur les évolutions actuelles du système : Nous organisons par exemple la semaine prochaine un petit-déjeuner débat sur la maternelle, avec des éclairages internationaux, des experts éducatifs et en neuro-psychologie, un sondage décryptant les attentes des parents sur la maternelle. L’an dernier, nous avions traité de la réforme du lycée.
Assistance à territoire en danger
C’est la menace du départ de la coopérative agricole de Chateaudun, à l’orée de la Beauce qui a ouvert la voie à un partenariat fructueux qui a métamorphosé le lycée agricole de Nermont en véritable campus agro-numérique adossé à un collège grâce à un partenariat public-privé gagnant-gagnant détaillé par Xavier Marin : « Sur 10 hectares, nous accueillons le site de la chambre d’agriculture, un espace de co-working, un farm-lab, un incubateur d’entreprises, et la communauté éducative qui bénéficie à plein de cette proximité des professionnels. Elle permet par exemple d’ajuster en concertation étroite avec eux les propositions de formation continue ou de cursus en apprentissage comme notre BTS système numérique qui répond aux besoins locaux. »
C’est de notre devoir d’élu
que d’accompagner les beaux projets portés en territoire !
C’est de notre devoir d’élu que d’accompagner les beaux projets portés en territoire ! se félicite Laure de la Raudière, députée de l’Eure-et-Loir qui considère le LEAP comme un interlocuteur à part entière et salue un autre projet d’initiation des seniors aux nouvelles technologies porté par le site de Nogent-le-Rotrou :
« Ce lycée, spécialiste du service à la personne, dans un territoire vieillissant remplit une mission d’importance en faveur de l’accessibilité numérique : sur un objectif de 1000 personnes formées sur 3 ans, 700 l’ont déjà été. Le tout pour un investissement accessible aux alentours de 30 000 euros. C’est de type de coopération au service de l’évolution des métiers qu’il convient de mettre en œuvre pour relever les défis de la ruralité, comme ceux posés par les déserts médicaux par exemple. »
Ces projets font aussi la fierté de Philippe Castille, directeur diocésain de Chartres, qui fait valoir qu'un établissement ne peut plus rayonner seul. Par ailleurs il souligne toute la richesse de cette inversion de la transmission générationnelle qui valorise les jeunes, et fait que ce projet rejoint aussi pleinement la mission d’Église de l’enseignement catholique.
Pour la complémentarité public-privé
Jean-Pierre Lecoq,
maire du 6e arrondissement de Paris
Vous m’apprenez que Jean-Michel Blanquer est ancien élève de Stan, grand établissement du 6è arrondissement de Paris, et je m'en réjouis! Cet établissement, souvent taxé d’élitisme, comporte néanmoins un dispositif Ulis signe d’ouverture important envers une population scolaire en difficulté. Par ailleurs, voisins de Stan, le lycée général et technique Saint Nicolas et celui du Carcado Saisseval qui propose des filières professionnelles et de l’apprentissage ont un recrutement beaucoup plus large.
Je regrette profondément les querelles idéologiques qui oublient la complémentarité des deux systèmes d’enseignement public-privé qui font tous deux partie de notre histoire.
À Paris, la scolarisation obligatoire des enfants dès trois ans aura un effet de rattrapage. Celle-ci est en effet encouragée dans l’est parisien au détriment de l’ouest de la capitale.
Je souhaite aussi que Paris revienne à la semaine de quatre jours, plébiscitée par les parents et les équipes enseignantes. Cela pourrait ouvrir des possibilités de coopération entre école publique et privée sur les activités périscolaires.
Constatant la souffrance des élus locaux, notamment ceux qui ont été élus pour la première fois aux dernières municipales, j’escompte que la réforme de la fiscalité locale en 2019 se fera au bénéfice des concitoyens et du lien de proximité indispensable assuré par les maires.
Extraits des interventions du mardi 20 novembre 2018
"Un travail en dialogue et en concertation
dans le respect du caractère propre"
Pascal Balmand,
secrétaire général de l’Enseignement catholique
L’École catholique est acteur des territoires, partenaire des collectivités, associée au service public d’éducation, en constant dialogue avec les élus locaux… Cela justifie notre présence au salon des maires, pas dans une logique de vitrine, mais pour marquer notre attachement à tout ce qui illustre l’engagement des élus, la vitalité des territoires et marquer notre souhait d’y contribuer.
L’enseignement catholique s’emploie notamment à s’adapter aux évolutions éducatives et démographiques de ces territoires, mais pas dans un objectif de pure rationalité économique. Il a pour cela engagé, au plan national, une démarche de prospective concertée. Plus déterminant que le critère de viabilité économique, il s’agit d’évaluer de manière collégiale l’utilité d’un établissement en termes de service rendu aux jeunes, aux familles et aux territoires. Nous cherchons bien sûr à répondre à l’explosion des besoins éducatifs, dans les grandes métropoles urbaines comme d’ailleurs dans les territoires d’outre-mer, par exemple en Guyane ou à Mayotte. Mais tout en maintenant un maillage territorial le plus dense possible afin de ne laisse personne au bord de la route.
La scolarisation obligatoire à trois ans
ne constitue pas une révolution.
Cette mesure est positive pour les 3% d’enfants, qui sont principalement issus des milieux les moins favorisés, qui ne fréquentent pas la maternelle. Elle va aussi rendre obligatoire la participation des pouvoirs publics à la scolarisation des enfants dans les maternelles de l’enseignement catholique mais c’est déjà largement le cas.
Il n’y a pas de bail emphytéotique sur le 80-20 !
Cette clef de répartition n’est ni un texte réglementaire ni un texte législatif mais un usage qui peut évoluer. Il n’est pas question de remettre en cause de manière unilatérale des équilibres symboliques globaux, mais le fait est que, localement, des situations méritent que l’on reconsidère la question.
Liberté d'enseignement
et autonomie des établissements
Patrick Hetzel,
député du Bas-Rhin et président du groupe d’étude parlementaire sur l’enseignement privé
Michel Boissin, président du Synadec, organisation professionnelle des chefs d'établissement du premier degré de l'Enseignement catholique
Gilles Demarquet, président de l'Apel
« Il y a aujourd’hui une triple fracture entre l’école et les élèves, l’école et les enseignants l’école et les parents d’élèves et ces fractures me semblent plus réduites voire inexistantes dans l’enseignement catholique. » Partant de ce constat, Patrick Hetzel, député du Haut-Rhin et président du groupe d’étude parlementaire sur l’enseignement privé, explique comment l’audition, par ce groupe, d’acteurs du secteur privé participe à éclairer la prise de décision des législateurs. Il salue par exemple, dans le privé, de nombreuses pratiques inspirantes -en matière de formation des enseignants, de relations aux élèves, d’implication des familles et d’innovation- dont le 80/20 constitue de fait une limitation regrettable : « Il convient de reconsidérer sans tabou, cette règle implicite de répartition des moyens, notamment pour mieux prendre en compte la question de l’innovation »
Michel Boissin, président de Synadec, organisation représentative des chefs d’établissement du 1er degré de l’enseignement catholique, a fait valoir une autre spécificité majeure de l’Enseignement catholique : « L’ensemble des personnels, des équipes, des élèves et de leurs familles font partie de la communauté éducative, elle-même soudée autour d’une projet éducatif commun dont l’animation est confiée au chef d’établissement, qui est doté d’un véritable statut, même dans le 1er degré, contrairement aux directeurs d’école du public dont le rôle s’assimile davantage à la coordination. »
Patrick Hetzel a confirmé la plus-value de cette autonomie du chef d’établissement, a aussi salué la mission sociale authentique jouée par l'Enseignement catholique et a estimé que les collaborations avec les collectivités locales gagneraient à être approfondies, par exemple en matière d’offre périscolaire.
La laïcité consiste à traiter les croyants
et non croyants de manière égalitaire
Dominique Bussereau,
Président de l'Assemblée des départements de France,
En Charente-maritime, nous menons, une politique paritaire avec des taux de subvention et des équipements identiques pour les 51 collèges publics et les 10 collèges privés du département. Ils sont d’ailleurs tous représentés au sein du conseil départemental des jeunes qui se réunissent en présence du directeur académique et du directeur diocésain. La laïcité consiste selon moi à traiter les croyants et non croyants de manière égalitaire. D’autant que l’enseignement catholique peut avoir un fonctionnement égalitaire accueillant dans certains cas des élèves et des familles plus en difficulté.
Il faut prendre garde à ne pas créer des déserts éducatifs. Ils renforcent l’image d’une France à deux vitesses et contribueront à nourrir les votes extrêmes.
Le drame humain des mineurs non accompagnés, prend des proportions inédites. De 25 000 l’an dernier on passera à la fin 2018 à 40 000 mineurs accueillis cette année en France. Pour la Charente et la Charente Maritime, cela a représenté un budget de 1,250 million l’an dernier et probablement plus de 2 cette année. Cela pose problème aux éducateurs, au monde associatif, au secteur social et à l’ensemble de la société. Tout le monde a sa part à prendre, le système éducatif et donc l’enseignement catholique en ouvrant des formations professionnalisantes à ces jeunes.
L’intercommunalité en question
Jean-François Debat,
maire de Bourg-en-Bresse
Laurent Baudrez, adjoint au directeur diocésain du Maine-et-Loir
Nadine Dubois, secrétaire générale de l'Udogec d'Angers
« Ne pas sacrifier le lien de proximité entre une école et sa commune au nom d’une logique purement technocratique. » C’est le choix de l’intercommunalité de Bourg-en-Bresse -140 000 habitants répartis en 75 communes qui s’est vu transférer des compétences pour les politiques structurantes -transport, habitat, transition économique…- mais pas pour les écoles : « Une tel transfert impliquerait un alignement des prestations et des subventions qui pourrait amener des blocages car les situations sont disparates en fonction des communes », fait valoir Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse.
Le Maine-et-Loire, expérimente depuis trois ans, une forme de fusion de communes en 36 « Communes nouvelles » - faisant passer le nombre de communes de 357 à 183. « Le fonctionnement en communes nouvelles a été facteur de professionnalisation du calcul des forfaits et donc d’une meilleure application de la circulaire de 2012, mais avec des disparités : La part obligatoire de nos forfaits a été globalement consolidée et revalorisée mais certaines de nos écoles qui percevaient un financement complémentaire l’ont perdu », explique Laurent Baudrez, adjoint au directeur diocésain du Maine-et-Loire. « La progressivité et le compromis », le réajustement annuel des forfaits ont bien sûr prévalu pour « éviter les lignes de ruptures et préserver l’équilibre des budget des mairies comme des écoles ».
« Le compromis a mauvaise presse en France… Pourtant, il participe d’une compréhension mutuelle, de la définition d’objectifs communs et garantit un dialogue constructif », insiste Jean-François Debat. Il l’estime indispensable, dans la perspective d’une réforme qui rendrait la maternelle obligatoire, «pour ne pas risquer de rouvrir une polémique sur le financement, dans un contexte budgétaire toujours plus contraint ». Il fait valoir que beaucoup de communes subissent un effet ciseau lié à l’érosion de effectifs des écoles publiques en faveur du privé : pour amortir les charges fixes avec moins d’élèves, il leur faut augmenter le coût élève, ce qui avantage l’enseignement privé, en progression. La maternelle obligatoire va aussi augmenter le volume des forfaits et le coût élève, la fréquentation réelle des tout-petits (déjà scolarisés à 94% à Bourg-en Bresse) étant censée devenir plus assidue.
« Les systèmes, par leur complexité juridique et financière ne doivent pas occulter la question première de l’intérêt pour les enfants, conclut Jean-François Debat Cette question de la maternelle obligatoire doit faire l’objet d’une concertation en amont indispensable pour s’accorder sur le sens et le bénéfice collectif de la réforme. Les collectivités locales, qui financent aujourd’hui 40% du budget de l’Éducation nationale doivent être pleinement associé à cette consultation. »
Deux tables rondes ont mis le focus sur la métropole Marseille-Aix-Provence
La mixité scolaire à Marseille
Yann Diraison, secrétaire général adjoint de l’enseignement catholique souligne le fait que la mixité sociale et scolaire dans l’enseignement catholique relève d’une volonté politique malgré les procès d’intentions qui lui sont souvent fait : « Pour donner une idée plus juste de l’ouverture de l’enseignement catholique, il suffit souvent de rappeler qu’en France, une famille sur deux lui confiera un de ses enfants, à un moment ou à un autre de sa scolarité. »
Reste que, surtout dans le 1er degré où la proximité géographique est un critère de choix privilégié par les familles, la population scolaire des établissements reflète la composition urbaine.
Claude Labit, chef d’établissement de l’école Jeanne d’Arc, basée dans le 8e arrondissement de Marseille témoigne aussi de « l’importance d’une communauté éducative soudée autour d’un projet marqué par l’ouverture et de la nécessité de lui donner les moyens de cette politique qui peut passer par le relèvement des forfaits des élèves défavorisés, ou relevant du champ du handicap, qui se peut se négocier de gré à gré avec les communes. » De même l’enseignement catholique souhaiterait voir soutenus ses projets d’implantation dans des quartiers défavorisés ou nouveaux où il est historiquement peu présent.
Sa consœur, Ève Leneveu, chef d’établissement de l’école Saint-Jean-Baptiste explique de surcroît que « les différence sociales s’oublient à l’école de même lors des manifestations organisées par l’Apel, où chaque famille met la main à la pâte. »
Claude Labit se souvient certes d’avoir été interpellé par un parent d’élève furieux de voir une femme voilée à la sortie de l’établissement : « En primaire la diversité se vit sur un mode positif : c’est une question d’adulte. J’ai dû répondre à ce parent que si la République parlait de Fraternité, l’enseignement catholique encore plus ! Et que sa porte était ouverte… dans les deux sens… »
Au final, « parvenir à faire comprendre aux familles que c’est un bénéfice pour eux de fréquenter d’autres milieux culturels et sociaux, c’est être au cœur de la mission de l’enseignement catholique et de l’Eglise elle-même » conclut Yann Diraison qui fait valoir que le fait d’être choisi par les parents instaure un rapport de confiance mutuelle aidant.
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Au service de la prospective
Une logique de dialogue et d’échanges saluée unanimement. Xavier Leturcq, directeur diocésain de Marseille, Jean-Marc Vincenti, directeur diocésain d’Aix-en-Provence, de Digne et de Gap et Gérard Zabini, de l’udogec d’Aix assurent entretenir des relations très constructives avec leurs élus malgré des situations très variables : d’une interlocution assez simple -quelques élus de Marseille et des communes alentours- pour Xavier Leturcq, à 37 maires sur trois départements pour Jean-Marc Vincenti. Ce dernier souligne « une évolution très nette dans le professionnalisme des relations, alors que les premiers contrats se sont mis en place de manière un peu empirique. Ce cadre plus structuré et organisé a permis d’éteindre tous les conflits ».
Gérard Zabini fait valoir l’existence, rendue obligatoire depuis 2002 d’un Conseil de développement, instance qui permet de questionner l’intercommunalité et de rendre des avis sur sa politique.
La qualité des relations entre responsables de l’enseignement catholique et élus locaux tient aussi à leur intérêt commun au développement du territoire : « Notre essor est conditionné par la demande des familles et notre capacité à y répondre », explique Xavier Leturcq tandis que Jean-Marc Vincenti précise que « des tensions peuvent ressurgir, dans les territoires en souffrance » parce qu’en déprise démographique, par exemple.
Pour prévenir ces situations, l’enseignement catholique recourt à la fois à une solidarité inter-établissement forte et à une rapidité d’adaptation liée à ses marges d’autonomie. Des atouts qui ne doivent toutefois pas conduire les acteurs politiques à considérer ses établissements comme des variables d’ajustement.
Pour anticiper et prendre sa part aux évolutions à venir, Xavier Leturcq, s’est adjoint des renforts : La DDEC associe à sa réflexion l’agence d’urbanisme de l’agglomération ainsi que des chercheurs comme Gwenaëlle Audren, docteur en géographie sociale, ainsi qu’une anthropologue. Il s’agit de travailler à une analyse fine des flux de population scolaire, pas seulement arithmétique mais prenant en compte le facteur humain afin d’ajuster l’implantation d’établissements catholiques aux besoins scolaires et de manière à développer la mixité scolaire.