« En réfléchissant ensemble, on trouve des solutions »
Un « serious game » pour apprendre aux élèves à travailler en équipe. C’est le principe de « Diapason junior », un jeu expérimenté pour la première fois, en novembre dernier, au lycée Notre-Dame-de-Boulogne (92). Une initiative de la direction diocésaine des Hauts-de-Seine.
Éléonore Veillas
Un plateau de jeu, des cartes, des dés… l’heure de vie scolaire pour les élèves de 2de Sports études, en ce mardi matin au lycée Notre-Dame-de-Boulogne, à Boulogne-Billancourt, est quelque peu inhabituelle. Au programme : un « serious game » de 55 minutes qui va leur permettre de chercher ensemble des solutions pour faire un bon choix d’orientation. Marin Chirade, professeur d’éducation physique et sportive et cadre d’éducation, aidé de Gilles Le Cardinal, le concepteur du jeu « Diapason junior », expliquent les règles : « Vous avez chacun trois cartes. Sur chacune d’elles, vous allez inscrire en une phrase la peur qui pourrait vous conduire à ne pas faire le bon choix d’orientation : par exemple, la crainte que cela débouche sur un métier qui ne vous plaise pas ou celle d’échouer dans la filière choisie ; ce qui vous attire comme bien gagner sa vie ou faire un métier qui vous rende heureux ; et enfin, la tentation, la mauvais argument qui pourrait vous conduire à faire un mauvais choix comme faire des études les plus courtes possibles ou ne pas être réaliste et viser trop haut. » Réunis par table de quatre, les élèves se répartissent les rôles de lecteur, secrétaire, animateur et calculateur puis se mettent au travail. Premier intérêt de cette méthode, selon Gilles Le Cardinal, qui développe, depuis quinze ans, une approche analogue pour accompagner les changements en entreprise : « Chaque élève est acteur du jeu et est invité personnellement à mettre des mots sur son ressenti au sujet de l’orientation ». Toute l’originalité du jeu, poursuit le professeur émérite en sciences de l’information et de la communication, repose sur la description de ce ressenti : « Face à une situation, chacun éprouve des peurs, des attraits et des tentations de mauvaise pratique. Il faut pouvoir les identifier. » Après ce temps de réflexion personnelle, les élèves mettent en commun leurs idées en posant leurs cartes sur le plateau de jeu, les lisent à voix haute, puis les hiérarchisent en leur donnant une note qu’ils auront affichée, chacun, à l’aide d’un dé. Vingt minutes après le début de la séance, le « calculateur » additionne les notes. Chaque groupe est alors en mesure d’établir un diagnostic à l’aide d’un histogramme montrant son niveau de peur, d’attrait et de tentation.
Créer une intelligence collective
« Tout l’enjeu maintenant, explique Gilles Le Cardinal, est de faire baisser peurs et tentations et de conforter les attraits. » Comment ? Les élèves ont une demi-heure pour réfléchir ensemble aux solutions. « Pour chaque peur, ils vont chercher la précaution à prendre ; pour chaque attrait, ils vont fixer un objectif, une stratégie ; pour les tentations, par exemple, celle de s’y prendre au dernier moment pour trouver son orientation, ils vont imaginer une bonne pratique pour la contrer », détaille le concepteur du jeu. En 55 minutes, par table, les jeunes ont fait émerger douze bonnes idées, comme faire des stages, se renseigner auprès de personnes concernées ou encore aller voir un conseiller d’orientation. Pari réussi pour l’animateur de la séance, Marin Chirade : « Les élèves se sont tous impliqués. Il y a eu de bons échanges. Cela m’intéresserait de réutiliser cette méthode avec d’autres sujets pour l’heure de vie de classe. » C’est justement l’idée que souhaite proposer aux établissements scolaires, la direction diocésaine des Hauts-de-Seine qui a déjà expérimenté avec succès cette approche pour la définition de ses orientations diocésaines. « Diapason junior s’inscrit bien dans la dynamique de l’éducation à la citoyenneté, en initiant les jeunes à la démocratie, explique Xavier de La Villegeorges, directeur diocésain adjoint des Hauts-de-Seine. De plus, il permet de préparer les élèves au travail collaboratif en entreprise. » Des formations vont être proposées aux enseignants intéressés qui pourront utiliser le jeu pour bien d’autres thèmes, comme « Comment élire un bon délégué de classe ? », « Comment se faire des amis ? » ou « Comment bien vivre la récréation ? ».
Après avoir joué à « Diapason Junior », six élèves de 2de réagissent :
Charlotte
J’ai trouvé intéressant de réfléchir à un sujet sérieux de façon ludique et j’ai aussi apprécié la méthode qui consiste à d’abord former sa propre idée sur le sujet, ce qui permet de ne pas être influencé par les autres, pour ensuite la partager. L’évaluation de la situation au début du jeu et à la fin, à l’aide d’un histogramme, nous a permis de voir concrètement qu’en réfléchissant ensemble, on trouve des solutions. C’est une bonne façon de travailler en groupe qui pourrait être utilisée par exemple en philosophie.
Justine
C’est une bonne méthode pour réfléchir à notre orientation en identifiant nos peurs, nos attraits, nos tentations. J’en ressors avec des moyens pour faire diminuer mes peurs, comme me renseigner auprès d’une conseillère d’orientation ou faire des stages. Je me suis aussi rendue compte que nous avions les mêmes craintes. Je me sens moins seule. Le fait d’avoir un but précis, cela nous a aidés à être sérieux, à l’écoute et à avoir une discussion constructive.
Sélim
Réfléchir tout seul à la question de l’orientation, cela aurait été différent. Avec ce jeu, c’était stimulant et enrichissant. Jusqu’à présent, je ne pensais pas trop à mon avenir. Cela m’a donné des idées et m’a incité à me remettre en question. J’ai été marqué par une des conclusions, ressorties à la fin du jeu : « Apprendre à se relever de ses échecs ». Cela m’encourage à tout faire pour atteindre l’objectif que je me suis fixé l’année prochaine. Enfin, je trouve que cet exercice de groupe est une bonne préparation au stage en entreprise pendant lequel il faudra travailler à plusieurs.
Charlotte
D’habitude, j’ai du mal à m’exprimer en groupe, mais là, j’ai pu le faire parce que chacun avait un rôle et que les règles du jeu étaient précises. Je suis contente d’avoir réussi à prendre la parole et j’ai trouvé qu’il y avait une bonne écoute. Cela m’a aussi permis de me poser des questions sur l’orientation que je ne me serais pas posées toute seule. Et l’échange entre nous a été riche. J’ai pris conscience des risques de mauvais choix d’orientation en écoutant les idées des autres.
Julie
Nous n’avons pas l’habitude de travailler en groupe. C’était constructif car organisé. Chacun était investi, avait un rôle, et nous nous sommes entraidés. J’ai bien aimé la méthode qui nous invite à réfléchir par nous-mêmes. Par contre, nos idées se recoupaient souvent. Il y a certainement plein d’autres moyens de bien s’orienter que nous n’avons pas abordés. Mais cette expérience m’a fait avancer et j’ai l’intention d’aller me renseigner sur les différentes filières et métiers et de faire des stages.
Victoire
J’ai apprécié ce travail en groupe au cours duquel chacun a pu exprimer ses idées à partir de son ressenti, ainsi que le temps de la mise en commun et la recherche d’un consensus. Cela n’a pas été forcément facile de se mettre d’accord, mais nous avons réussi. J’aimerais travailler plus en groupe. Ce serait un bon entraînement pour la vie en entreprise. Je serais prête à refaire le jeu pour approfondir le sujet. Côté orientation, j’ai pris conscience qu’il fallait que je me projette dans un avenir plus réaliste.
Article tiré
du numéro 376
du magazine
Enseignement
catholique actualités