Enquête sur le climat scolaire

Il fait bon vivre dans les établissements catholiques. C’est ce qui ressort d’une enquête menée dans le cadre d’un groupe de recherche monté par l’ECM avec l’appui du chercheur Benjamin Moignard, professeur à l’université Cergy-Paris.
Ce dernier en avait livré les principaux résultats –dont les leviers possibles d’amélioration et son interaction avec la gouvernance des établissements– lors de l’Assemblée de rentrée des directeurs diocésains.

Les enquêtes sont téléchargeables dans leur intégralité ici:

Rapport d'enquête Ecoles primaires

Rapport d'enquête Collèges

Climat scolaire et gouvernance des établissements. C’est l’articulation sur laquelle s’est focalisée l’enquête conduite par le groupe de recherche Climat scolaire de l’Ecole des cadres missionnés, emmené par Benjamin Moignard, professeur en Sciences de l’éducation à l’Université Cergy-Paris et membre du laboratoire Ecole mutation apprentissages.

De ses trois années de recherche, contrariées par le Covid, ressortent des enseignements très intéressants pour encore améliorer ce climat scolaire, notion subjective, poly-factorielle, étroitement liée aux enjeux de mixité et de justice scolaires ainsi qu’au pilotage des établissements.

Dans l’Enseignement catholique, cet effet établissement pèse davantage que la composition sociale des établissements puisque des équipes généralement plus stables peuvent porter des stratégies collectives efficaces.

Un rapport à découvrir et à étudier en profondeur alors que les familles attachent une importance croissance au bien-être de leurs enfants à l'école.

Benjamin Moignard, professeur de l’université Cergy-Paris livre les principaux résultats de l'enquête -dont les leviers possibles d’amélioration et son interaction avec la gouvernance des établissements-.

Le climat scolaire est jugé très positif par les élèves

Interview de Benjamin Moignard, professeur en sciences de l’éducation à l’Université de Cergy-Paris réalisée par Noémie Fossey-Sergent dans le n° 407 d'ECA.

 

Les enquêtes sur le climat scolaire sont en augmentation ces dernières années. Comment l’expliquez-vous ?

Benjamin Moignard : C’est en partie dû à l’engouement pour tout ce qui touche au bien-être depuis la fin des années 1990. Des études ont ensuite montré le lien étroit entre violence, climat scolaire et résultats des élèves. Et l’intérêt s’est encore intensifié parce que ces enquêtes sont aussi de bons outils pour mesurer l’ambiance au sein d’une équipe éducative.

 

Quelle a été la genèse de l’enquête que vous avez menée dans l’enseignement catholique ?

B. M. : Il y a quatre ans, l’École des cadres missionnés (ECM) m’a invité à venir parler du climat scolaire devant les directeurs diocésains, car c’était pour eux et pour les chefs d’établissement un enjeu fort de pilotage. Comme l’enseignement catholique avait peu de données sur ce sujet, j’ai réalisé de petites enquêtes internes, puis formé un groupe d’une dizaine de personnes – composé de directeurs diocésains, de chefs d’établissement, d’enseignants – pour effectuer un travail plus ambitieux. Nous avons réuni un panel représentatif de la réalité de l’enseignement catholique. Entre fin 2020 et début 2021, malgré la pandémie, nous sommes allés dans trente-six écoles et collèges aux situations géographiques et sociologiques très diversifiées.

 

Que recouvre pour vous l’expression « climat scolaire » ?

B. M. : Le climat scolaire englobe le bien-être, c’est-à-dire la façon dont on vit dans l’établissement, mais aussi comment on y travaille, qui est une variable très forte. Il reflète le jugement qu’ont les éducateurs, les élèves et les parents de la vie au sein de l’École. C’est donc une expérience subjective.

 

Quels critères avez-vous pris en compte pour évaluer ce climat ?

B. M. : Les indicateurs que nous avons choisis sont : le relationnel entre élèves et entre élèves et adultes ; le sentiment de sécurité et d’insécurité ; l’expérience scolaire (modalités pédagogiques, appréhension de la difficulté, aide reçue en classe...) ; la victimation (éventuelles menaces, insultes... subies dans l’établissement) ; et les pratiques numériques (possibles cyber-violences mais aussi usages scolaires).

 

Quel est l’enjeu pour l’enseignement catholique ?

B. M. : Pour les chefs d’établissement et les directeurs diocésains, l’enjeu est de confronter leur vision d’un établissement en recueillant des éléments objectifs. Nous avons mesuré, avec d’autres enquêtes pilotées par Éric Debarbieux, que plus on occupe un poste à responsabilité plus on a une perception positive du climat. Cette enquête permet de le vérifier. C’est aussi un moyen d’obtenir des informations sur de possibles violences dans un établissement.

 

Quels sont les points saillants de votre enquête ?

B. M. : Le relationnel joue un rôle très fort dans l’enseignement catholique. Mais quand le courant ne passe pas bien entre les acteurs, c’est un facteur de détérioration du climat. On observe par ailleurs que le harcèlement est faible (seulement 3 % à 5 % de victimes de harcèlement, donc en deçà de la moyenne nationale), même si un élève victime est toujours une victime de trop. Et cette moyenne masque des réalités diverses : certains établissements ont un niveau de harcèlement élevé et, dans ce cas, il y a toujours un climat scolaire détérioré. Enfin, les personnels du 1er degré se disent plus en difficulté que leurs homologues du 2d degré. Ils ne se sentent pas assez soutenus et n’ont pas le même rapport que leurs collègues du 2d degré à la culture du pilotage des établissements.

Mais, contrairement au discours ambiant, le climat scolaire est jugé très positif à l’école primaire et au collège par 90 % des élèves. Dans le détail, on observe des effets significatifs liés aux d’établissements. À milieu social égal, les formes d’organisation de la communauté éducative ont une incidence sur la perception du travail et donc sur celle du climat scolaire. Les élèves ressentent la cohésion ou non d’une équipe enseignante et cela participe à crédibiliser ou non l’activité scolaire.

 

Qu’est-ce qui explique cette perception majoritairement positive ?

B. M. : Plusieurs hypothèses peuvent être formulées. La culture d’établisse- ment dans l’enseignement catholique est très forte et cela participe à un bon climat scolaire. Le projet rassemble et cette identité collective renforce le sentiment d’appartenance.
Ensuite, le public d’élèves accueilli est en majorité scolairement favorisé, même s’il faut se garder de toute généralité en la matière. Il n’existe pas un type d’école catholique, mais une multiplicité. Reste que les élèves qui y sont scolarisés sont souvent en demande d’un cadre de travail très explicite. Ils trouvent dans ces établissements cette structuration qu’ils apprécient et qui contribue à façonner leur perception du climat scolaire.

 

Le climat scolaire conditionne-t-il la réussite des élèves, en particulier des plus fragiles ?

B. M. : Oui, la corrélation est forte, surtout dans les établissements à forte mixité sociale. Plus le milieu social est mixte, plus le poids du climat scolaire est important sur les résultats des élèves. Dans les milieux plus privilégiés, le poids du climat scolaire est plus relatif, parce que les élèves sont prédisposés, par leur proximité sociale avec l’École, à y réussir.
Mais attention, cela ne signifie pas pour autant que les élèves y sont heureux : ils peuvent avoir de très bons résultats scolaires mais subir des violences. L’amélioration du climat se révèle alors le premier facteur de réduction du harcèlement
D’ailleurs, à établissements socialement comparables, les climats peuvent beaucoup varier en fonction des politiques d’établissement pour favoriser ou non un climat positif. Les deux éléments les plus structurants à ce sujet sont la stabilité de l’équipe éducative et sa capacité à travailler collectivement, ainsi que le rapport à la justice scolaire, qui tourne autour des questions de sanctions et d’évaluation.

 

Quels seraient les leviers pour l’améliorer ?

B. M.: Il y a une réflexion à mener sur la question de la justice scolaire : les établissements les plus en difficulté en termes de climat sont ceux où on punit le plus, car cela crée des ruptures avec les élèves. La « tolérance zéro » n’est pas efficace sur le plan éducatif. Exclure dix fois un élève de son établissement durant l’année n’a plus d’effet car cela n’a plus de sens pour lui.
La question de la mixité apparaît aussi centrale à travailler : il ressort de l’enquête que les adultes sont peu à l’aise avec le sujet. Quand le projet de s’ouvrir à des élèves d’horizons différents se concrétise, il y a souvent des obstacles, soit de la part des parents qui s’y opposent, soit de la part du chef d’établissement qui s’inquiète pour l’image de sa structure... Pourtant quand une politique de mixité est menée avec conviction et partagée par tous, il n’y a pas d’effet négatif sur le climat scolaire, bien au contraire ! Enfin, je crois qu’il faut que tous les acteurs de la communauté éducative, familles y compris, se sentent responsables ensemble du climat scolaire de leur établissement. Faire communauté ne se décrète pas, cela se construit.
C’est la force des établissements qui ont le climat scolaire le plus favorable de parvenir à créer un sentiment d’appartenance très fort entre les élèves, les familles et les personnels.

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