Evaluer les établissements… pour les élèves
Présidente du tout nouveau Conseil d’Évaluation de l’École, Béatrice Gille a présenté à la mi-septembre aux directeurs diocésains la visée de l’évaluation des établissements scolaires qui commence à se mettre en place dès cette rentrée dans le public et à la rentrée 2021 dans l'Enseignement catholique.
Pour l'ancienne Rectrice de l'académie de Montpellier et de la Région académique d'Occitanie, sa finalité première: les élèves.
Aurélie Sobocinski
Un groupe de travail lancé en interne
Le 25 septembre 2020, la Commission permanente de l'Enseignement catholique s'est déclarée favorable à la création d'un processus d'évaluation des établissements.
Un groupe de travail lui soumettra des propositions d'adaptations aux spécificités de l'Enseignement catholique qui seront ensuite proposées au Conseil d'évaluation de l'École (CEE).
Le Conseil d’évaluation de l’Ecole (CEE), a pour mission de définir une évaluation des établissements scolaires. Quelle en est la visée?
Béatrice Gille : La Loi pour une école de la confiance du 26 juillet 2019 prévoit une évaluation exhaustive de l’ensemble des établissements scolaires -publics et privés sous contrat. C’est une nouveauté : si beaucoup avait déjà été fait en matière d’évaluation en France, nous sommes le dernier pays au sein de l’OCDE à mettre en place au niveau national cette évaluation des établissements. L’ambition est vaste : il s’agit d’aider les établissements à améliorer leur fonctionnement au bénéfice des élèves -dans les apprentissages, la vie et le bien-être scolaire, leur insertion professionnelle et citoyenne. Son but est aussi de permettre de renforcer le sens de l’action collective au sein de la communauté éducative en mobilisant l’ensemble des acteurs -équipe de direction, personnels, élèves, parents et partenaires.
Concrètement, comment va-t-elle se mettre en place ?
B.G. : Le Conseil a arrêté un cadre général qui s’applique aux établissements publics du second degré dès cette rentrée. Il s’appuie sur deux étapes étroitement articulées : une autoévaluation d’abord qui vise à faire réfléchir collectivement l’établissement sur tous ses domaines d’action et à analyser ses choix et leurs effets avec l’appui de guides évaluatifs et d’indicateurs fournis par les services académiques. En miroir, cette autoévaluation sera complétée par une évaluation externe, elle aussi participative, portée par un collectif pluri-professionnel n'ayant aucun lien avec l'établissement. La composition des équipes d’évaluateurs, effectuée par les recteurs d’académie, garantit leur neutralité, leur légitimité, leur pluralité par la diversité de ses membres (notamment inspecteurs, personnels de direction, cadres pédagogiques et administratifs, enseignants). Chaque équipe est coordonnée par un de ses membres, désigné par le recteur.
Ce regard, distancié et expert, -très différent de celui d’un audit, d'une inspection ou d’un contrôle de conformité- contribuera à mettre en perspective les forces de l’établissement, ses faiblesses, et à s’appuyer sur ce potentiel pour progresser. L’objectif est de renouveler cette évaluation tous les 5 ans -y compris prochainement dans le premier degré. Aucune diffusion grand public de ses résultats n'est envisagée -il n’y aura ni cartographie ni classement par le Conseil ou le ministère.
Comment vont être associés les établissements de l’Enseignement catholique ?
B.G. : Le périmètre de la Loi inclut pleinement les établissements privés sous contrat, avec une entrée massive dans la démarche prévue à compter de la rentrée 2021. D’ici là nous nous donnons du temps avec le SGEC notamment pour travailler, ensemble, aux aménagements nécessaires à la prise en compte et au respect de leurs spécificités. Parmi elles, il y a notamment la question du caractère propre, celle de l’articulation avec des dispositifs déjà existants comme les visites de tutelle, de la composition des équipes d’évaluateurs et enfin le cas particulier des ensembles scolaires parfois de la maternelle au baccalauréat. Je ne doute pas que cette démarche soit l’occasion de rapprochements et que l’on arrive à un dispositif concerté, producteur d’un meilleur service public d’éducation.
Quels moyens et quel accompagnement sont prévus pour diffuser cette acculturation ?
B.G. : Des groupes de travail thématiques vont être mis en place au sein du Conseil, réunissant à la fois des chercheurs et des acteurs du système éducatif de niveau national et local, pour veiller au bon déploiement de la démarche. Dans les académies, des groupes de suivi vont être aussi installés. Il y a un enjeu de formation évident cette année -des évaluateurs et des chefs d’établissement. En faisant appel à la capacité stratégique des établissements, la démarche devrait être suivie d’effets directs, d'abord au sein des établissements pour améliorer leur fonctionnement mais aussi au niveau des plans de formation et de l'accompagnement des expérimentation et des innovations.
Des questions internes
et un travail d’enrichissement
réciproque
Yann Diraison, secrétaire général adjoint de l'Enseignement catholique, donne les grandes lignes de l'inscription des établissements d'enseignement catholique dans le dispositif d'évaluation
« Les conditions dans lesquelles l’enseignement privé sous contrat va s’inscrire dans le dispositif d’évaluation des établissements sont très ouvertes », souligne Yann Diraison, adjoint au secrétaire général de l’Enseignement catholique, suite à la rencontre de la présidente du Conseil d’Evaluation de l’Ecole avec la Commission permanente fin août, puis avec les directeurs diocésains mi-septembre.
« Ce dispositif nous pose en réalité plus de questions internes que de soucis de relation avec l’Etat », indique-t-il. Parmi elles, l’articulation de l’évaluation pilotée par le ministère avec les dispositifs d’évaluation en cours -visites de tutelles et évaluations triennales du chef d’établissement. « Il nous faut trouver un chemin d’équilibre qui évite les confusions et permette une communication entre les deux dispositifs », estime Yann Diraison.
Autre sujet : celui du périmètre d’évaluation, en lien avec le caractère propre de l’Enseignement catholique. Difficile d’imaginer que celui-ci ne porte que sur la partie enseignement, inséparable de la dimension éducative au sein des établissements du réseau. « Il n’y a pas de désaccord sur le fond mais une méthodologie à préciser », pointe Yann Diraison.
S’agissant des équipes d’évaluateurs intervenant dans les établissements catholiques, il est acquis qu’elles comprendront des représentants du réseau. Concernant les ensembles scolaires, la commission Permanente demande qu’ils puissent être évalués dans leur intégralité et que tous les établissements du premier degré puissent intégrer le dispositif dès 2021 avec ceux du second degré. « Si de nombreux éléments restent à éclaircir pour mieux se comprendre, il n’y a pas de crainte à avoir au contraire », insiste Philippe Delorme, secrétaire général de l’Enseignement catholique, qui voit dans ce travail commun « une vraie source d’enrichissement ».