Philippe Bordeyne relit l’exhortation apostolique Amoris Laetitia

Philippe Bordeyne, le recteur de l’Institut catholique de Paris commente les orientations en termes de formation morale, adressées par le pape aux éducateurs dans l’exhortation apostolique post-synodale Amoris Laetitia, publiée le 8 avril 2016.

Propos recueillis par Sylvie Horguelin

Dans le chapitre sur l’éducation des enfants, le pape insiste sur la formation morale. Quel message veut-il faire passer ?

Philippe Bordeyne : Il rappelle aux parents qu’ils sont les premiers acteurs de l’éducation. Il met en effet l’accent sur la formation morale et la présente comme une éducation de la liberté. Au lieu de vouloir tout contrôler pour éviter à l’enfant le moindre faux pas, il suggère de valoriser les progrès du jeune, sans ignorer les écarts qui méritent une sanction. Pour exercer l’autorité de manière juste, les adultes doivent reconnaître leurs propres limites. Parents et enfants ont reçu de Dieu la capacité de faire le bien, mais ils n’ont jamais fini d’apprendre. Il s’agit d’expérimenter ensemble la joie de faire le bien.

Le pape a-t-il une façon nouvelle d’aborder cette question ?

P.B. : La formation morale est souvent conçue comme un enseignement des règles et des interdits. Le pape, lui, privilégie l’apprentissage des attitudes constructives, au niveau personnel et collectif. « Il s’agit plus de créer des processus que de dominer des espaces », écrit-il (§ 261). L’éducation n’est pas un rapport de forces où les places de l’adulte et de l’enfant seraient fixées d’avance. En famille, on cultive ensemble les bonnes habitudes, chacun avec son âge et sa maturité. « On apprend à se situer face à l’autre, à écouter, à partager, à supporter, à respecter, à aider, à cohabiter » (§ 276).

Philippe Bordeyne, le recteur de l’Institut catholique de Paris
Philippe Bordeyne, le recteur de l’Institut catholique de Paris. © ICP

Donne-t-il des pistes d’action concrètes aux éducateurs ?

P.B. : Le pape prend en compte les changements culturels : le numérique, l’approche de la sexualité, la société de consommation, l’individualisme. Il insiste sur la relation aux autres et la maîtrise des désirs. Cela suppose de la vigilance, pour ne pas se laisser envahir par les portables et les écrans, par les images faussées du sexe, et par le « tout, tout de suite ». La joie d’un amour véritable s’inscrit dans le dialogue interpersonnel, dans le respect de l’autre et dans l’acceptation de l’attente.

Quelle valeur ajoutée l’enseignement catholique devrait-il apporter, selon vous, à l’enseignement moral et civique ?

P. B. : Au paragraphe 279, le pape demande que les écoles catholiques soutiennent les parents. Au Japon où le christianisme est très minoritaire, elles aident les parents à réfléchir à leur rôle éducatif dès l’école maternelle. L’éducation morale étant un processus collectif, parents et enseignants ont besoin de lieux de partage pour se reconnaître partenaires dans la tâche éducative, avec respect et sans jugement.

Pour aller plus loin

Le dossier de rentrée d’ECA dresse un bilan de la mise en œuvre de la première année d’enseignement moral et civique, un levier pour travailler les compétences psychosociales et le vivre ensemble dans les établissements.

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