Gouvernance diocésaine: vers une collégialité agile
Adapter la gouvernance diocésaine aux nouveaux enjeux territoriaux, économiques et sociétaux… Un exercice indispensable mais compliqué par un contexte marqué par la régionalisation, des restrictions de moyens et d’une demande d’horizontalité qui transforme le rôle de dirigeant… Voilà pourquoi les directeurs diocésains ont été invités lors de leur congrès les 12, 13 et 14 mai derniers à Annecy, à penser et à vivre un nouvel exercice de la responsabilité, dans la dynamique du réenchantement.
Aurélie Sobocinski
Gouverner ensemble dans la tempête, qu’elle soit apaisée ou non... Après avoir nourri leur réflexion à ce sujet sur le plan théologique en février dernier lors de leur session fondamentale, les directeurs diocésains réunis en congrès mi-mai à Annecy (74) ont pris le temps d’aborder la question dans le cadre des pratiques professionnelles. De l’annonce de la visée commune à sa mise en actes partagée, comment inventer ensemble les moyens d’une collégialité adaptée aux défis actuels?
« Chargé de gouverner sans être le chef hiérarchique -à l’exception de son équipe, le directeur diocésain a une fonction presque impossible ! Sa gouvernance relève de fait d’un leadership, d’une adhésion et d’un service sur des terrains divers et toujours plus vastes : cette position, très belle sur le papier, s’avère bien difficile concrètement à mettre en œuvre ! », souligne Nathalie Tretiakow, directrice de l’École des cadres missionnés (ECM) de l’Enseignement catholique, en charge de la préparation de la session avec le bureau des directeurs diocésains.
Comment gouverner, de surcroît, ensemble ? A l’heure où les grandes régions rebattent les cartes de la gouvernance en territoires -non sans inquiétudes et tensions, et ajoutent au mille-feuilles de leurs responsabilités, où les moyens sont toujours plus contraints, l’enjeu pour ces dirigeants est d’entrer plus avant dans la collégialité et de la faire grandir. « C’est là, dans le réseau qu’ils peuvent puiser de la force, du ressourcement -entre pairs, avec les responsables du SGEC, avec leurs chefs d’établissements- pour se décaler et trouver ensemble de nouvelles réponses pour demain », pointe Nathalie Tretiakow.
Un précieux levier, relevé dans l’enquête réalisée auprès des directeurs diocésains (38 réponses) sur les enjeux et axes structurants de leur mission par le cabinet DGE Conseil, est de s’appuyer sur l’expérience acquise et réussie au sein des CAEC -dans la définition de ce que l’on vise, les modalités de prise de décisions et de leur suivi, le partage des responsabilités -, pour la vivre en CREC. « Cela pointe tout le chemin déjà parcouru ! Il y a quinze ans, le périmètre de notre mission était avant tout diocésain, la question de nos liens et de la collégialité se posaient très peu », relève Marc Héritier, directeur diocésain d’Annecy.
Entre exercice de l’autorité trop individuel et totalitarisme communautaire, le frère dominicain Luc-Thomas Somme, fil rouge de la session, a pointé la nécessité de continuer à réfléchir à cette part du commun, du personnel et de leur juste articulation, comme « une réalité ecclésiale ». « La tempête est là aussi pour être traversée et pour nous faire vivre le mystère pascal », a ajouté l’ancien recteur de l’université catholique de Toulouse, rappelant que par panique et manque de confiance, la première tempête est d’abord intérieure.
Rencontré lors de la session, le commandant du 27e bataillon de chasseurs alpins a d’abord évoqué les problèmes RH, des questions humaines avant de parler de la montagne, et a appelé comme le commandant du bataillon des pompiers-marins de Marseille et le maire du grand Annecy intervenants aussi, à « décloisonner et à travailler encore plus sur le terrain ». En l’occurrence, avec les chefs d’établissements, les enseignants, les jeunes. « L’autorité vient du latin « augmenter », faire grandir, en confiance et en vérité », a souligné le père Luc-Thomas Somme. Dans ce changement de culture, la dimension d’accompagnement au cœur de la fonction de responsable se transforme et avec elle un autre management nourri d’efficacité collective et d’humilité.