Laurent Villemin, défenseur éclairé de Vatican II
Le père Laurent Villemin, prêtre du diocèse de Verdun, l’un des meilleurs ecclésiologues français du moment, s’est éteint le 10 août dernier, à l’âge de 53 ans. Homme clé de la faculté de théologie de l’Institut catholique de Paris, il y assumait de nombreuses responsabilités : directeur du pôle de recherche « Ethique, morale et institution » ; directeur scientifique de la Chaire « Bien commun » récemment inaugurée, directeur de l’Institut supérieur d’études oecuméniques (Iséo). Très apprécié pour ses qualités humaines et la clarté de sa pensée, il organisait aussi de nombreux colloques sur le concile Vatican II dont il était spécialiste.
En 2015, la revue Enseignement catholique actualités saluait la sortie du livre Les sept défis de Vatican II, en interrogeant ce grand professeur qui avait participé à sa rédaction. Nous republions cet article qui invite à plonger dans ce monument qu’est Vatican II avec un guide hors pair : Laurent Villemin
« Vatican II, un renouveau dans la continuité »
Les sept défis de Vatican II est un livre lumineux, véritable sésame pour comprendre le concile. L’un des auteurs, le père Laurent Villemin, nous dévoile les enjeux d’une redécouverte de ces textes exigeants.
Propos recueillis par Sylvie Horguelin
Nous venons de fêter les 50 ans de l’ouverture du concile Vatican II1. Quel bilan tirez-vous de cette année d’anniversaire ?
Laurent Villemin: J’ai été surpris de l’engouement que cela a suscité. De nombreux livres ont été publiés, des colloques et conférences se sont multipliés, sans compter les articles ou émissions sur des radios généralistes comme RFI ou France Inter !
Vatican II a pourtant des détracteurs qui prétendent « qu’il a vidé les églises »…
L.V. : La situation serait bien pire si le concile n’avait pas eu lieu ! La courbe des ordinations presbytérales a commencé à baisser dès le XIXe siècle, avec une chute importante dans les années 50, et un palier atteint dans les années 70. On note, par ailleurs, une même désaffection du culte chez les autres chrétiens qui n’ont pas vécu Vatican II. Aussi, gardons-nous d’une lecture idéologique du concile. Il faut expliquer aux jeunes générations que ce texte s’inscrit dans la grande tradition de l’Église. Il s’agit d’un « renouveau dans la continuité ».
Qu’a-t-il apporté ?
L. V. : Il a permis, entre autres, de redécouvrir la patristique, ces textes magnifiques des pères de l’Église, écrits entre le IIe et le VIIIe siècle, que l’on avait oubliés. Mieux encore : le concile a rendu la Bible aux catholiques qui n’y avaient plus accès.
Dans quel contexte s’est-il déroulé ?
L. V.: Jusqu’alors, les conciles étaient convoqués dans une situation de conflit ou d’hérésie pour remettre de l’ordre et ils se terminaient par des condamnations. Vatican II a été convoqué pour dire la foi d’une manière audible pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui. C’est ce qui fait son originalité.
Ces textes sont-ils abordables ?
L. V. : Bien qu’adressés à tous, ils sont difficiles pour tous ceux qui n’ont pas une formation chrétienne solide. D’où notre livre2 qui permet d’affronter ce monument qu’est Vatican II. Nous avons voulu, avec mon co-auteur Jean-Marie Vezin, tenir la main du lecteur dans les passages difficiles. Nous allons de fait à l’essentiel en identifiant sept défis. Pour chacune des questions choisies, nous exposons la situation avant Vatican II, les axes principaux du texte du concile présenté et la situation actuelle.
Comment votre livre a-t-il été reçu depuis sa sortie, en septembre 2012 ?
L. V. : Il est apprécié et sert dès à présent de « manuel » pour des groupes d’étudiants et d’adultes dans des aumôneries, paroisses ou centres de formation. Nos lecteurs apprécient notre parti pris didactique. Il consiste à éclairer certaines polémiques, en montrant les options prises par les uns et les autres. Ce n’est pas un livre militant.
Le pape François apporte-t-il un nouvel éclairage sur le concile ?
L. V. : Oui, car il semble décidé à continuer à en déployer les conséquences. Un exemple : j’ai été frappé par son discours à la loggia, le jour de son élection. En insistant sur le fait qu’il est avant tout l’évêque de Rome, il met en actes la constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium. C’est en vertu du rôle spécifique de l’Église de Rome, qui « préside dans la charité » aux autres Églises locales, qu’il exerce un ministère d’unité au plan de l’Église universelle. Lorsqu’il demande que l’on prie pour lui, il redonne toute son importance à cet acte fondamental qu’est la prière de tout le peuple de Dieu.
- Le concile Vatican II, présidé par le pape Jean XXIII puis par Paul VI, s’est ouvert le 11 octobre 1962 à Rome pour s’achever le 8 décembre 1965.
- Les sept défis de Vatican II, Jean-Marie Vezin et Laurent Villemin, Desclée de Brouwer, 2012, 266 p., 19,90 euros. Lire aussi : « Vatican 2.O », You Coun, Hors-série Prions en Eglise, Bayard, janvier 2013, 190 p., 5,80 euros.
Lire aussi dans La Croix du 13 août dernier, l'article de Céline Hoyeau.