Le Repas des familles s’invite au menu
Une formule de panier repas revisitée, c’est ce qu’a présentée l’institution Notre-Dame-de-Liesse, dans l’Aisne, lors de la soirée d’échanges organisée par le Laboratoire des initiatives et l’École des cadres missionnés, mardi 14 janvier dernier. Ce dispositif « Repas des familles » implique les parents, ravit les élèves et résout bien des problèmes logistiques et financiers.
François Husson
Venir à l’école avec sa gamelle pour son repas de midi ? C’est possible à l’institution Notre-Dame-de-Liesse, située à Liesse-Notre-Dame (02) qui a instauré voilà 22 ans le dispositif « Repas des familles » pour abaisser le prix de la cantine.
Car s’il fête ses 340 ans cette année, l’établissement – qui accueille aujourd’hui 177 écoliers et 140 collégiens- a pourtant marqué le pas dans les années 1980. En effet, il est situé dans une zone rurale excentrée, à une vingtaine de minutes en voiture de Laon, la préfecture, et les parents estimaient alors que la cantine coûtait trop chère, ce qui impactait les inscriptions futures.
Pour garder les familles en doute, la solution a été trouvée par la présidente de l’Apel, qui s’est inspirée d’une expérience menée déjà dans la région de Lille pour la décliner dans le contexte de particulier de l’institution.
Gamelle ou barquette
Alain Husillos-Crespo, chef d’établissement de l’institution, était l’invité du Laboratoire des initiatives, le 14 janvier dernier, et il a décrit avec passion et l’historique de la démarche. Parti d’une collaboration entre l’Apel et l’institution soutenue par le diocèse, ce dispositif inclut un partenariat avec un prestataire est assez atypique.
L’idée du « Repas des familles » est d’inciter les parents à cuisiner le repas quotidien de leurs enfants dans une gamelle en fer qu’ils déposent chaque matin aux personnels de cantine. Ce dispositif, utilisé par les trois quarts des familles – soit 250 repas quotidiens –, se combine avec le travail d’un prestataire de restauration, Api, qui livre les autres repas dans des barquettes en aluminium pour les élèves non inscrits au programme.
La chaîne « restauration » est alors simplifiée : pas de livraisons de repas par une cuisine centrale, ni de plateaux repas, et pas de cuisine à faire, nécessitant du personnel et des équipements. Les gamelles sont conservées dans trois réfrigérateurs – un par service – puis réchauffés au bain marie dans deux cuves dont le coût -1800 euros l’unité- a été vite amorti.
Sylvie, la responsable de la cantine depuis 2010, lance les opérations dès 11 h, chronomètre et sonde thermique en main, pour que les services puissent s’enchaîner de manière fluide. Chaque plat à un repère au nom de l’enfant pour retrouver facilement les préparations faites à la maison. Et chaque soir, les familles reprennent les gamelles pour les laver. Une idée simple, pas si évidente à mettre en place, mais qui porte ses fruits.
Au final le prix des repas passe sous le seuil des deux euros, soit 230 euros par an auxquels se rajoutent le prix de la gamelle, obligatoire, les contenants devant être unifiés pour faciliter le service mais obtenue à moitié prix -18 euros- grâce à un tarif négocié. « Et ce n’est pas un système qui stigmatise, constate le chef d’établissement, car il n’est pas minoritaire. Les élèves l’apprécient beaucoup, commente ce que l’autre mange dans une bonne ambiance d’échange. »
À venir
Montage vidéo de la rencontre disponible très prochainement sur le site du Laboratoire national des initiatives
Rendez-vous le 18 mars 2020 pour la prochaine Soirée des initiatives
Hygiène sanitaire et gastronomie
Arrivé dans l’institution en ce début d’année scolaire, Alain Husillos-Crespo a été séduit par la démarche du « Repas des familles » et son organisation désormais bien rôdée. Les gamelles sont entreposées dans des réfrigérateurs différents de ceux du prestataire, pour des questions réglementaires. Il n’y a pas de rupture de la chaine du froid, les plats passant directement de l’enceinte froide au bain-marie ou au four pour les barquettes, avant d’être servis. Api, en tant que prestataire, est soumis à un contrôle quotidien, à la traçabilité des produits notamment. « Le système des gamelles ne présente pas de danger, les services vétérinaires nous font confiance, affirme le directeur. Nous avons trois salles séparées : la salle de restauration, la salle des cuves et la salle de réfrigération. Les gamelles sont toutes les mêmes, on évite les fours à micro-ondes. Sylvie a été formée aux processus nécessaires, ainsi que chez le prestataire Api, ainsi que d’autres personnels qui peuvent donc suppléer sont absence si besoin. Ce n’est pas toujours facile pour les parents de cuisiner du jour pour le lendemain, certains le font pour la semaine, d’autres sont très occupés… Notre système est souple, sur un simple appel, les familles peuvent prévenir si elles apportent leur gamelle ou si elles choisissent Api. »
Sur le plan de l’équilibre alimentaire, les menus étant décidés par les familles, c’est par une sensibilisation faite en début d’année que l’équipe amène les parents à cuisiner des plats sains et variés. « Quand on s’aperçoit que le repas d’un élève n’est pas très équilibré, on le fait remarquer aux parents si cela dure. Parfois, certains enfants ont des bonbons trop régulièrement, il manque à d’autres fromage et desserts, certains ont trop ou pas assez l’équipe est vigilante sur ces points »
La cantine, lieu de vie éducatif
Le réfectoire est une grande salle qui donne sur la cour. Le passage pour y accéder a été décoré à l’initiative du professeur d’arts plastiques. « C’est un lieu ouvert, très accessible, qui ne doit pas être à l’écart, c’est important estime Alain Husillos-Crespo. J’y passe tous les jours entre 11 H 30 et 13 h pour rappeler les consignes : manger lentement, ne pas parler trop fort, laisser la table propre pour le suivant… La cantine doit être un espace serein ! »
Et si le « Repas des familles » tient ses promesses, c’est surtout grâce aux valeurs portées par le projet d’établissement. À Notre-Dame-de-Liesse, chaque élève est inscrit dans un programme d’entraide, et c’est à la cantine que se déploie pleinement la démarche collaborative. Les collégiens mettent le couvert pour les primaires, qui leur retournent la pareille, chacun débarrasse et nettoie sa table, et participe à la vaisselle (essuyage et rangement).
De même, dans les salles, les élèves participent au montage de meubles, décorent eux-mêmes à l’occasion d‘événements… « Les élèves ont leur emploi du temps, ils viennent spontanément effectuer leurs tâches, commente le chef d’établissement. Ils reçoivent des gratifications quand ils font bien les choses ou perdent des points en cas d’incartades… Je prends beaucoup de photos pendant ces moments de participation, que je montre aux parents. Ils apprécient de voir leurs enfants prendre de l’autonomie. »
Bien se nourrir pour grandir, autant physiquement que moralement, c’est finalement ce qu’apporte le « Repas des familles » autant à l’institution, ses élèves et leurs parents, en contournant l’épineux problème financier et en créant un lien de partage entre tous.
Pour aller plus loin
Pour les chefs d’établissement qui voudrait mettre en place une réflexion sur la restauration scolaire, plusieurs fiches pratiques, établies par la Fédération des Ogec sont téléchargeables sur le site . Elles offrent toutes les recommandations utiles pour limiter les risques sanitaires, organiser les services, calculer ses prix de revient, revoir une prestation… Plus particulièrement, une fiche sur les paniers-repas, élaborée avec un expert en restauration collective, donne des pistes pour une alternative à la cantine classique.