L’école inclusive fait réseau

Bâtir les premières pierres d’un réseau d’éducation inclusive. C’est la tâche à laquelle se sont attelés quelque 80 référents diocésains pour la scolarisation d’élèves en situation de handicap réunis du 11 au 13 décembre 2017, à L'école des cadres missionnés, à Montrouge, pour une session de formation annuelle placée sous le signe du « faire ensemble ».

 

 

Alors que l’enseignement catholique a célébré, l’an dernier au conseil économique social et environnemental, les 11 ans de l’école inclusive, il s’agit désormais de transposer l’enseignement dit spécialisé dans une logique d’écosystème. C’était l’objectif de la session de formation annuelle qui a réuni une centaine de référents diocésains à l’École des cadres missionnés à Montrouge, du 11 au 13 décembre derniers.
Désectoriser et décloisonner ce domaine de compétences permet en effet de rompre avec la « surparticularisation de la question du handicap qui convoie une optique séparatiste, différencialiste », a exposé en introduction l’anthropologue Charles Gardou pour démontrer comment le concept d’inclusion doit être dépassé par une école inclusive qui « se flexibilise pour offrir, dans l’ensemble commun, un chez- soi pour tous ».
Pour le chercheur, il s’agit de considérer les personnes en situation de handicap « comme des sujets de droit plus que des objets de soin », ce qui implique de se libérer « du prisme du manque et du déficit » pour s’intéresser à leur potentiel, leurs désir, leurs paroles. Un tel déplacement passe notamment par une collaboration renforcée entre l’école et la sphère médico-sociale ou encore par la formalisation d’une « déontologie enseignante qui ne laisse aucun élève au bord du chemin ». (Visionnez l'intervention de Charles Gardou ci-dessous)

Comment ensuite diffuser cette culture inclusive jusque dans les classes ordinaires des établissements ? Passer d’une logique de dispositif à un fonctionnement en réseau ? Du local au global ? « Dans l’élan du Réenchantement ainsi que du séminaire de Vittel où l’enseignement catholique a invité à explorer d’autres manières d’exercer la responsabilité, ce temps de formation a engagé les participants à expérimenter l’intelligence collective pour construire les bases de nouveaux modes d’organisation », explique Nathalie Tretiakow, directrice de l’ECM et co-pilote de la formation avec Marie-Odile Plançon, en charge du dossier Besoins éducatifs particuliers pour le Sgec.
Cette démarche coopérative a été accompagnée par Yves-Armel Martin, expert en créativité collaborative et co-inventeur de Museomix. Elle s’est déployée à partir d’une série de témoignages -le directeur d’un collège fonctionnant sans classe, des acteurs de la scolarisation d’enfants autistes ou de jeunes d’IME...- mais aussi à partir du ressenti de personnes en situation de handicap s’exprimant sur leur vécu scolaire et professionnel. Parmi elles, Jean Baptiste Hibon, fondateur du réseau Humain qui conseille les entreprises en matière de responsabilité sociétale, a proposé de marier M. Handicap, « ce garde-fou éthique face aux élucubrations transhumaniste » avec Mme Économie plutôt qu'avec Mme Charité, pour mieux révéler le potentiel de la diversité au travail.
« Ces expériences, parfois éloignées de notre domaine de compétences nous ont déplacés. Elles ont nourri et éclairé différemment les travaux de groupes appliqués à notre champ professionnel que nous avons menés ensuite : Comment rendre notre mission inclusive plus transversale ? Mieux y associer nos collègues des classes ordinaires ? Les amener à une réflexion sur l’accessibilité pédagogique qui puisse profiter à tous les élèves », retient Nathalie Frénoy, de la DDEC de Marseille. Parmi les pistes dessinées par les référents pour faire vivre ce réseau d’éducation inclusive, des outils de mutualisation d’animations ou de pratiques inclusives, un vademecum pour construire le Parcours Avenir des jeunes en situation de handicap ou pour associer les enseignants ordinaires à leur accompagnement.

Entre autres sujets d’étude : la construction de l’action de l’enseignant référent comme personne ressource de l’établissement, qui répond à la nouvelle mission dessinée par le nouveau Certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’école inclusive (Cappei). La mise en œuvre de cette nouvelle formation, suivie cette année par 139 stagiaires, a bien sûr occupé les échanges. À l’impossibilité d’équivalences posée par le ministère de l'Éducation nationale pour les enseignants engagés dans les paliers du précédent parcours BEP-ASH s’ajoute des inquiétudes liées à la menace pesant sur les postes ASH occupés par des enseignants non certifiés et n’ayant pas pu partir en formation. En revanche, certaines pratiques académiques pourraient ouvrir la voie à quelques assouplissements. Le public dispense par exemple à Nancy une formation filée sur deux ans – au lieu d’un seul- ce qui permet aux stagiaires de profiter d’un temps d’assimilation moins accéléré. Autant de pistes de travail étudiées par Formiris et le Sgec qui veillent également à ce que l’articulation des départs en formation et des règles du mouvement, dans un contexte budgétaire contraint, ne se fasse pas au détriment de l’école inclusive.
Malgré ce défi d’envergure, les référents ASH ont profité à plein du souci de pragmatisme et d’ouverture qui a présidé à la session. De nombreux échanges sur le fonctionnement des pôles ressources ASH diocésains, toujours plus nombreux à se structurer et en ajustements permanents, leur ont notamment été très profitables. Leur réflexion commune continue de fortifier ce réseau inclusif au dynamisme prometteur.

 

Visionnez ici la conférence
donné par l'anthropologue  Charles Gardou,
le 11 décembre à l'ECM.

Partagez cet article

>