L’enseignement catholique s’engage

À la rentrée 2015, les écoles catholiques introduiront un enseignement moral et civique, comme le veut la loi de refondation de l’école. Elles le feront avec leur spécificité et leurs valeurs, présentées dans un tout nouveau texte d’orientation. Claude Berruer, pilote du groupe qui a élaboré ce document, s’en explique.

 

Propos recueillis par Sylvie Horguelin

Le document « L’école catholique et la formation morale » fait désormais référence, depuis son adoption le 25 avril dernier par la Commission permanente. À quelle nécessité répond-il ?

Claude Berruer : La loi de refondation de l’École prévoyant un enseignement moral et civique dans les programmes à la rentrée 2015, il nous fallait réfléchir à la question. L’enseignement catholique s’inscrit bien sûr dans cette orientation générale, qu’il plébiscite d’ailleurs car il n’y a pas d’éducation sans éducation morale. C’est pourquoi Éric de Labarre, alors secrétaire général de l’enseignement catholique, a lancé l’an dernier un groupe de travail. Il s’agissait de revisiter ce que l’école catholique fait pour la formation morale, sans forcément le savoir – comme monsieur Jourdain ! Cela nous a donné l’opportunité de revoir nos fondements avant la parution des programmes, en évitant ainsi d’être dans la réaction. D’où la parution de ce texte, alors que le ministère n’a encore rien produit concernant la mise en œuvre concrète.

 

La décision d’introduire la morale à l’école, chère à Vincent Peillon, peut-elle être remise en cause par le nouveau ministre ?

C.B. : Non, car il s’agit d’un article de loi et non d’une parole de ministre ! L’enseignement moral va de fait interroger la réécriture du Socle commun et des programmes ainsi que la formation des maîtres. Toutes les disciplines seront probablement impactées.

 

Le positionnement de l’enseignement catholique sur ce sujet est-il différent de celui de l’Éducation nationale ?

C.B. : Cela a été débattu au sein du groupe de travail que j’ai animé. Nous étions bien évidemment d’accord sur le fait que l’école catholique ne peut chercher à déployer une formation morale tellement spécifique qu’elle s’opposerait à une morale républicaine commune. Mais en même temps, nous souhaitions éviter l’obstacle qui consiste à dire que l’éclairage chrétien se résume à l’humanisme commun. Nous avons voulu présenter la conception chrétienne de la personne. Ce patrimoine n’a pas vocation à être imposé de force mais il peut être mis à disposition de tous ceux qui font le choix d’inscrire leurs enfants dans nos écoles. Il n’y a de notre part aucun impérialisme, mais la volonté assumée de dire notre identité sur ce sujet, pour y enraciner le projet éducatif.

 

Quel est le contenu du document ?

C.B. : Ce texte concis (environ treize pages), qui s’adresse aux responsables institutionnels (directeurs diocésains, chefs d’établissement, adjoints en pastorale scolaire…), s’organise autour de trois axes. Il présente, en premier lieu, l’éclairage chrétien de la morale, à partir d’une conception qui ne relève pas de la prescription de normes, mais d’une recherche du bonheur, du bien, dans une cité pacifique et harmonieuse. « La visée de la vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions justes », pour reprendre le philosophe Paul Ricœur. On retrouve là les sources de notre anthropologie. La deuxième partie développe l’idée que la promesse d’une vie possible implique une loi qui nous précède. L’éducateur se doit de dire la loi, mais aussi de favoriser son appropriation et sa compréhension. La dernière partie insiste sur le fait que tous les éducateurs sont requis : les enseignants, comme les personnels d’éducation qui favorisent le vivre ensemble à l’école. Il faut aussi travailler à l’articulation des responsabilités de l’école et des parents, premiers éducateurs de leurs enfants. Par ailleurs, l’organisation et la vie de l’établissement disent, elles aussi, quelque chose de la conception de la personne humaine.

 

Des fiches viendront compléter ce document…
C.B.
 : Ce texte exigeant risque de ne pas rejoindre au premier abord les préoccupations des enseignants et des éducateurs. C’est pourquoi il s’accompagne de quatre jeux de fiches pour s’approprier cette thématique. Les premières seront un support d’animation pour relire tout ou partie de ce texte. Elles comporteront plusieurs entrées : des questions pour mettre une équipe au travail, des ressources (textes philosophiques, magistériels…), une grille de relecture des pratiques. Des fiches plus fondamentales, autour de quelques principes et mots-clés, seront aussi proposées. On y trouvera à chaque fois une approche générale puis un éclairage chrétien, pour aborder par exemple, le thème de la fraternité. De quoi nourrir les apports complémentaires d’un enseignant, d’un éducateur ou d’un animateur en pastorale scolaire !

 

Des études de cas seront aussi proposées.
C.B.
 : Le troisième jeu de fiches présentera en effet des situations plutôt critiques pour rejoindre les préoccupations quotidiennes des éducateurs. Elles pourront traiter de sujets comme la délation et le mensonge, la tricherie et le copier/coller, le harcèlement numérique et le respect de la vie privée. Elles seront construites autour d’un récit, avec des réactions possibles et différents scénarios. Ces fiches seront enrichies par des ressources permettant d’approfondir la question. Pour le mensonge, ce pourra être le passage des Misérables où Mgr Myriel sauve Jean Valjean en déclarant aux gendarmes lui avoir offert deux chandeliers... Nous ne donnerons jamais la bonne réponse. La morale n’est pas un catalogue de recettes ! À chacun de trouver l’attitude la plus juste à l’instant t, en mobilisant capacités d’analyse, maîtrise de son ressenti et mobilisation des principes et références utiles pour éclairer la décision.

 

Un dernier jeu de fiches développera différents thèmes…

C.B. : Elles porteront sur des sujets divers : comment mettre en œuvre des activités qui favorisent le débat argumenté et la discussion ? ; la dimension morale de l’éducation à l’universel ; la dimension morale de l’éducation affective et sexuelle… D’autres fiches apporteront enfin des repères sur la contribution des disciplines à la formation morale : les lettres avec telle figure romanesque, l’histoire avec telle figure de résistant…

 

Qui sont les auteurs du texte d’orientation et des fiches ?

C.B. : Le texte a été élaboré par un groupe qui réunissait des représentants des principaux acteurs de la communauté éducative (directeurs diocésains, chefs d’établissement, directeurs d’Isfec, responsables de Formiris, représentants des syndicats de salariés, des parents d’élèves…) et une personnalité extérieure, le père Stalla-Bourdillon. Une première mouture a été présentée au Conseil épiscopal de l’école catholique, puis le document a été examiné par le Comité national de l’enseignement catholique (Cnec) et a été enfin promulgué par la commission permanente le 25 avril 2014. C’est ce même groupe qui supervise actuellement l’élaboration des fiches réalisées aussi par les chargés de mission du département éducation du Secrétariat général de l’enseignement catholique (Sgec). Cet ensemble – texte et fiches – outillera de manière utile les établissements. D’autant qu’il est accompagné par ce hors série d’Enseignement catholique actualités, qui offre des éclairages très riches d’experts de différents horizons. Aux communautés éducatives de jouer à présent !

hors-serie-morale-ecoleIssu du hors-série du magazine Enseignement catholique actualités de juillet 2014

À retrouver dans le hors-série d'ECA de juillet 2014

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