Les cercles phosphorent
À l'issue de la plénière introductive du vendredi 29 mars, les 180 participants au Campus 2019 se répartissent en douze cercles d'une douzaine de personnes. Ils ont été constitués selon un principe de diversité et de parité des fonctions et des origines géographiques.
Ils sont animés par des facilitateurs, accompagnés par Yves Mariani, coordinateur du Laboratoire national des initiatives de l'Enseignement catholique et cheville ouvrière de l'événement.
Dans l'esprit collaboratif du séminaire, ils sont chargés d'encourager une parole libre de chacun afin de déployer une réflexion sur la responsabilité en partage qui s'enracine dans le concret. Ils travaillent à partir des six axes d'exploration présentés en ouverture du Campus.
Le mot d'ordre: "Passer d'un discours sur la responsabilité en partage à un discours pour"
Mutualiser les expériences
Cercle 10, 1erjour, 1ertemps d’échange
En petits groupes de quatre, chacun évoque une expérience vécue de responsabilité en partage. Parmi les exemples cités : le réaménagement de salles, au niveau du lycée, en associant les professeurs pour s’assurer que la nouvelle organisation en îlots correspond bien à leurs besoins ; la redéfinition du projet éducatif de l’établissement sur plusieurs années avec l’aide d’un chercheur en sciences de l’éducation en associant tous les acteurs de la communauté éducative ; la concertation entre enseignants d’une même discipline pour décider d’une répartition de service dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme du lycée.
À la question : « Qu’est-ce qu’être responsable ? », chacun répond à tour de rôle : être créatif, tolérant, bienveillant, savoir dire non, accepter qu’on nous dise non, etc. Quand il s’agit de lister les tâches les plus désagréables à accomplir, le petit groupe liste : « recadrer quelqu’un qui a dérivé » ou encore « la gestion des budgets ». À l’issue de ce premier brainstorming pour entrer en douceur dans la thématique proposée, les douze participants réunis cette fois en grand groupe se réjouissent d’avoir pu échanger avec des personnes d’horizons géographiques différents, exerçant de plus des fonctions variées.
À la question « Que devons-nous faire ? », il est enfin répondu : « remettre l’humain au centre » et aussi « savoir lâcher prise pour être à l’écoute des idées des autres ». Avec en guise de conclusion une proposition concrète : « Il y a dix-neuf expériences réussies de responsabilité partagée sur notre paper board. Elles pourraient être présentées dans des capsules vidéo et mises en ligne sur une plateforme numérique accessible à tous les établissements pour faire connaître les bonnes idées ».
Un arbre pour esquisser la responsabilité
Cercle 4 – Temps 1- 1erjour
Marion Genet dessine un arbre. Sous les racines, elle écrit « confiance », « estime de soi », « reconnaissance », à mesure que fusent les idées dans son groupe. Sur le tronc, elle inscrit « se mettre au service ». « Dans les branches, ça pousse librement ! », s’amusent les membres de son groupe, Agnès Kaelblen, Marie-Agnès Le Corvic et Bruno Dimpre, qui listent : « écouter », « être garant », « être exemplaire ».... C’est par le dessin qu’ils ont choisi de répondre à la question « Etre responsable, c’est... ». Chacun à leur façon, attablés par îlot de trois ou quatre personnes, les douze participants à ce cercle de réflexion phosphorent, devant de grandes feuilles blanches. Ils sont aidés par deux facilitateurs qui indiquent les consignes, et veillent à la fluidité de la parole, tout en participant eux-mêmes aux travaux.
« Des propos vrais utiles et respectueux »
À une autre table, Camille Guillois, élève de terminale, lance : « Être responsable, c’est être libre ! » « On sent les illusions de la jeunesse », lui sourient les membres de son groupe, Michel Boissin, Yves Delacour et Benoît Vanachter. « Etre responsable, c’est assumer des choix, pas toujours évidents », expliquent-ils. Camille apprécie que les fonctions de chacun n’aient pas été présentées : « ça me permet de m’exprimer librement, je ne me sens pas inférieure hiérarchiquement, comme lorsque je m’adresse à mon chef d’établissement par exemple, même si je devine qui est qui », souligne celle dont le regard d’élève a beaucoup intéressé le reste du groupe.
As-tu déjà entendu parler du conseil d’établissement, lui a-t-on par exemple demandé, en référence au cinquième axe de travail*. « Non, j’ignore ce que c’est », a reconnu Camille. Elle suscite de l’étonnement aussi lorsqu’elle explique qu’aucun adulte ne fait partie de l’association créée par les lycéens de son établissement, pour soutenir des actions humanitaires : « On s’auto-régule. Et en cas de problème, on n’hésite pas à demander de l’aide ! ».
Les réflexions s’appuyant sur des exemples vécus par chacun sont l’occasion de partager les expériences. « Dans notre établissement, nous avons mis en place une charte, nous engageant, lorsque nous parlons de quelqu’un ou d’une situation, à que ce que nos propos soient : vrais, utiles et respectueux. Nous nous reprenons les uns les autres lorsque nous dérogeons à cette règle », explique Marion Genet. Un exemple que les participants reprennent parmi les propositions à remonter comme issues des travaux du cercle.
Les six axes
Ces pistes de réflexion ont été élaborées à partir des remontées qui ont fait suite à la Semaine du Réenchantement de février. Les travaux préliminaires engagés par les équipes diocésaines du Réenchantement ainsi que par un groupe d'élèves ont abouti à cette première mise en forme... amenée à évoluer encore au fil du Campus!
1. Une École catholique solidaire, au sein de laquelle on se parle et on s’écoute, on se connaît, on refuse les cloisonnements et le repli sur soi.
2. Une École catholique dont les modes de vie et les modes d’apprentissage donnent toute leur place à la parole des élèves et à l’exercice effectif de leur responsabilité.
3. Une École catholique de l’alliance entre les familles et les établissements, au service du développement de chaque enfant et de chaque jeune.
4. Une École catholique ouverte par choix et par projet, qui fait de l’hospitalité et de l’accueil le fondement de la vie de ses communautés éducatives.
5. Une École catholique de l’engagement partagé, qui veille à impliquer chacun à travers ses modes d’animation et le pilotage de la classe, de l’établissement, des diverses instances.
6. Une École catholique de la reconnaissance et de la Maison Commune, qui en faisant place à chacun de ses membres lui permet de se sentir impliqué dans un projet commun.
La représentation des élèves en question
Cercle 6- 1erjour - 2è temps d’échange
Six axes d’exploration et de questionnement sont à présent proposés aux participants des cercles. Un petit groupe se penche sur l’axe 2 qui concerne la parole des élèves et l’exercice de leur responsabilité. Très vite des exemples concrets sont évoqués, telle une formation à la médiation par les pairs dans une école suivie par les adultes et les jeunes ou encore les conseils d’école. La place et la formation des élèves délégués est aussi mise en avant. Un chef d’établissement cite le journal de son lycée, dont le comité de rédaction est animé par une surveillante. Mais aussi une association caritative gérée par les élèves.
Parmi les idées nouvelles, on retrouve : la création d’instances de représentation des élèves au niveau diocésain, académique et national à l’image de ce qui se vit déjà dans l’enseignement agricole. Sans oublier les conseils de vie lycéenne au sein même des établissements. Avec un point d’alerte : il ne faut oublier la place de la parole des jeunes… pendant les cours. Leur expression ne peut être reléguée au périscolaire, souligne un directeur diocésain.
Au service d'une vision commune
Cercle 12, 2è jour, 1er temps d’échange
En ce samedi matin, il revient au cercle 12 d’explorer l’axe 6 : « Une École catholique de la reconnaissance et de la Maison Commune ». Un premier tour de table permet à une élève de formuler ce qui selon elle différencie son lycée catholique du collège public qu’elle a fréquenté juste avant : le suivi personnalisé des élèves et la grande disponibilité des enseignants. Son camarade, en lycée professionnel lui aussi, souligne que dans son établissement de petite taille on a « un vrai sentiment d’appartenance » et l'impression de pouvoir exercer « une influence sur projet ».
Très vite le débat se centre sur le projet éducatif : « soit il est dans le tiroir du chef d’établissement, soit on en fait un processus, un objet commun », souligne une facilitatrice. Il s’agira alors d’en faire état lors d’un conseil de discipline, d’un conseil de classe, d’une réunion de parents… car il représente la Maison commune.
Mais ce projet ne doit pas être un alibi, souligne un directeur diocésain. Il devrait permettre de comprendre où est le bien commun, de partager une vision commune. Et aussi de s’interroger : suis-je au service de ma seule École ou du réseau de l’enseignement catholique ? Il revient à chacun en effet de prendre conscience qu’il fait partie d’un ensemble. Cela vaut pour un enseignant tout comme pour un chef d’établissement qui doit tenir compte des établissements qui l'entourent. Pour éviter le repli sur soi, rien de tel que des initiatives communes, telles ces soirées organisées par les Apel de trois établissements proches géographiquement, illustre une présidente d’Apel.
Votes et débats animés
Cercle 8, 2e jour, 1er temps
Le cercle 8 avait pour thème de travail l’axe 2 : la parole et la responsabilité des élèves. Chacun a proposé un chantier permettant de déployer cet axe, assorti d’exemples concrets. Ils ont été regroupés par similitudes puis départagés par un vote qui a parfois soulevé des discussions. Ainsi, « faire siéger les élèves dans toutes les instances de l’établissement » s’est retrouvée constellée d’autant de gommettes rouges que de gommettes vertes. « C’est un éternel débat au sein de l’enseignement catholique », a souligné Pierre Marsollier, facilitateur de ce cercle. Une proposition alternative a en revanche fait consensus : « la mise en place d’instances de jeunes permettant de débattre et d’élaborer des propositions ».
« La formation au dialogue et à la connaissance de soi » n’a finalement pas remporté l’adhésion : « Ce n’est pas parce qu’on participe à ce genre de formation, qu’un véritable dialogue s’instaure. Encore faut-il que l’ensemble de l’établissement soit impliqué dans la démarche », a justifié l’un des participants.
Deux autres items ont été adoptés avec davantage d’évidence. D’une part l’éducation à l’engagement, à travers des portfolios d’expérience et de compétences, acquis par les jeunes hors et dans l’école, ou encore des journées des talents. D’autre part les innovations pédagogiques (auto-évaluation des élèves, disposition des tables, création d’espace numériques de travail favorisant le dialogue entre professeurs et élèves...). « La question de l’ennui en cours mérite d’être posée. Certains établissements mettent en place des conseils pédagogiques, dans lesquels il serait bénéfique que les élèves aient leur place », a remarqué à ce titre Jean Chapuis, coordinateur du réseau Lasallien. Le groupe a ensuite retravaillé ces quatre thèmes, pour n’en garder que deux, englobant tout le reste : garantir les conditions du dialogue (participation des élèves aux instances de l’école, formation à l’écoute, création de conseils pédagogiques, foyers…), valoriser l’engagement et les talents des jeunes (portfolios, journées des talents...). En somme, la substantifique moelle d’une matinée de travail.
Les jeunes se rassemblent
Petite parenthèse dans leur participation aux cercles, les jeunes présents au séminaire ont éprouvé le besoin de se retrouver pour un temps entre pairs dédié à élaborer leurs propres attentes et propositions. Ils ont d’abord partagé leurs expériences, se retrouvant autour de la notion de projet, malgré la diversité de leurs profils (lycée général, lycée technologique, BTS) :« Créer l’association Regard, dans l’établissement, nous a permis, au-delà du travail scolaire, de donner vie à nos passions, de nous enrichir, de nous sentir utiles et valorisés », indique Martin, du lycée Montalembert, de Courbevoie. Sarah, en bac pro au lycée sainte-Anne-saint-Joseph à Lure (Franche-Comté), abonde : « Cette année, nous avons insisté auprès de nos enseignants pour choisir les projets sur lesquels travailler et ça change tout ! ». Avec d'autre, elle pointe le besoin de rassembler les différentes filières d’un même établissement autour de projets communs, ou d'animations communes, pour favoriser la cohésion de tous les élèves.