« Ils ont donné leur vie pour que la nôtre soit belle »

Quarante-six établissements du diocèse du Calvados ont mené un travail de mémoire cette année autour du Débarquement. Une plongée dans l’histoire émouvante pour les élèves qui ont pu ainsi découvrir la Guerre autrement, au contact de témoins de l’événement.

 

Par Noémie Fossey-Sergent

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Le diocèse du Calvados a proposé aux établissements qui le souhaitaient de décliner un projet autour du 70e anniversaire du Débarquement. L’école du Sacré-Cœur à Ouistreham a fait partie des volontaires. « Vu notre situation géographique (Sword beach, située en partie sur la commune de Ouistreham, fut l’une des cinq plages choisies par les Alliés pour débarquer en France), nous avions de toute façon prévu de travailler sur la Libération », explique Catherine Lelong, directrice de l’école. Cette année, son équipe a décidé d’aborder ce moment historique non pas à travers les combats mais sous l’angle d’un univers familier aux élèves : l’école. Via des appels lancés dans les journaux et des circulaires aux parents, l’équipe éducative a ainsi retrouvé d’anciens écoliers du Sacré-Cœur, comtemporains de l’événement, et a pu faire bénéficier tous les niveaux de leurs précieux témoignages. Il a fallu cependant adapter voire élargir le sujet pour qu’il convienne à chaque tranche d’âge. « L’idée était aussi de redécouvrir l’histoire de notre patrimoine et de notre ville, même avant la Seconde Guerre mondiale », poursuit Catherine Lelong.

Il en a résulté un projet foisonnant. Les classes de maternelle ont travaillé sur la paix et réalisé un livre numérique. Les élèves de cycle 2 ont réfléchi sur ce qu’était l’école autrefois (fabrication de bonnets d’âne, prise de photos à la Doisneau, écriture à la plume). Les élèves de cycle 3 ont plus spécifiquement travaillé sur ce pan de l’Histoire en jouant les journalistes auprès de leurs arrières grands-parents pour garder trace de leurs souvenirs de l’Occupation. « Cela a permis à certains enfants de parler de ce sujet pour la première fois avec leur famille », confie Catherine Lelong.
De son côté, l’équipe éducative a fouillé les archives municipales pour retrouver l’histoire de l’établissement et découvrir qu’elle avait été bombardée le 1er juin 1944. Les cycles 3 ont compilé le travail de toute l’école sur un blog consultable sur le site de la direction diocésaine (1).

Pour ce travail, ils ont pu, entre autres, bénéficier de visites adaptées au Mémorial de Caen, refaire les 10 km de marche du commando Kieffer (les seuls Français qui participèrent au Débarquement) et rencontrer, grâce à l’association Les liens de l’histoire, Désiré Dajon-Lamarre, 82 ans aujourd’hui, simple écolier ouistrehamais en 1944. Une façon de découvrir la grande histoire sous un angle local. Les élèves habitant Ouistreham ont également eu la chance d’être invités par François Hollande à la commémoration internationale du 6 juin, qui avait lieu dans leur ville, et à laquelle étaient conviés les chefs d’États.

Les témoignages ont permis à ces jeunes de mieux comprendre la complexité de cette période et de saisir les moments de fraternité vécus malgré la dureté de la guerre. À souligner également : la démarche qui a consisté à mettre les plus grands dans la peau d’enquêteurs afin de les rendre acteurs de cette mémoire et non simple « receveurs ». « Nous voulions lancer un travail d’exploration éducative sur un temps long, explique Dominique Desrues, directeur diocésain du Calvados. L’idée était de travailler sur l’histoire mais aussi de façon plus générale sur la mémoire. Grâce à notre partenariat avec le Mémorial de Caen, les enseignants ont pu bénéficier de conseils et de ressources. Nous avons pu intégrer le Comité de pilotage public du 70e anniversaire du Débarquement, ce qui nous a donné une vraie légitimité tout au long de l’année. Il y a eu un vrai enthousiasme sur ce projet qui était basé sur le volontariat. Chaque établissement a développé des projets de fond qui ont permis de tisser de nouveaux liens intergénérationnels. »

(1). Le travail de tous les établissements est à découvrir sur le site de la direction diocésaine du Calvados.

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Les écoliers du Sacré-Cœur à Ouistreham évoquent le travail de mémoire réalisé cette année.

 

Sur l’école d’autrefois

Zoé, CE1 : « Ma grand-mère nous a prêté une vieille voiture à pédales qui ressemblait à celle d’une photo de Doisneau. »

Maxime, CE1: « On a essayé de refaire la photo. »

Camille, CM2 : « On a appris à fabriquer nos propres osselets à partir de pieds de cochons. »

Brice, maternelle : « Des papys et mamies sont venus. Ils nous ont dit que dans leur école, il n’y avait pas de garçons mélangés avec des filles. »

François-Valentin, CM2 : « Eux, leur trousse c’était pour toute leur scolarité qu’ils l’avaient. Nous on change. »

Sur le témoignage d’un ancien élève

Hugo, CM2 : « Désiré Dajon-Lamarre qui était élève dans notre école en 1944, nous a dit que la guerre était dure à voir et à entendre. Mais il n’était pas en colère contre les Allemands. Il a même passé un Noël avec eux. »

Victor, CM2 : « Il s’était fait ami avec des Italiens mais aussi des Allemands. Il ne pouvait pas dormir à cause des obus et il avait beaucoup maigri car il n’avait pas beaucoup à manger. Il a aussi dit qu’à la rentrée, le maître a fait l’appel et il manquait beaucoup de copains à lui. » 

Sur leur propre famille

François-Valentin, CM2 : « J’ai appris que mon arrière grand-père avait été capturé par les nazis et qu’il a sauté d’un pont pour s’échapper. Il a survécu et il a choisi d’appeler toute sa descendance Marie. »

Hugo, CM2 : « Je savais que mon arrière grand-mère avait vécu la guerre. Mais en faisant le questionnaire, j’ai appris que sa maison avait été détruite et qu’elle, sa sœur et sa mère se sont réfugiées à Escoville dans une cabane pour cochons. Ce n’était pas facile quand elle en parlait. Elle pleurait presque. »

Victor, CM2 : « Moi j’ai interviewé Michel, le frère de mon papy. Il n’était pas trop à l’aise d’en parler mais il m’a dit que pendant deux ans, à Hermanville-sur-Mer, il n’a pas eu école et que tous les matins et soirs, les Allemands défilaient dans la rue principale. »

Sur la commémoration

Victor, CM2 : « À la commémoration du 6 juin, on a vu Obama, Poutine et la reine Élizabeth. On se sentait un peu comme des VIP. »

Alix, CM2 : « C’est important de connaître ce qu’il s’est passé, car c’était chez nous et en plus c’était mondial. »

Stéphane, CM2 : « À 15 h, François Hollande est arrivé. Il y avait une fanfare. Puis les autres chefs d’État ont suivi. Tout le monde criait et tapait des pieds. »

Hugo, CM2 : « Le discours de François Hollande, je l’ai trouvé beau et émouvant. Il disait que les gens étaient morts pour notre liberté. Ils ont donné leur vie pour que la nôtre soit belle. » 

Sur la reconstitution de la marche du commando Kieffer

Lucie, CM2 : « On a marché avec Léon Gauthier qui a 91 ans et est un vétéran du commando Kieffer. »

Zoé, CM2 : «  On a refait les 10 km qu’il avait effectués avec ses hommes. On l’a fait avec les fusiliers marins commandos de Lorient. Ils nous ont même prêté leurs bérets ! »

Alix, CM2 : « C’était surtout émouvant lorsqu’on a traversé le pont Pégasus. »

Camille, CM2 : « C’est le moment que j’ai préféré de tout ce qu’on a fait dans l’année. »

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Une course de l’espérance à Omaha Beach

 

3 600 élèves de primaire et collège du Calvados ont couru près de 3 km, le 22 mai 2014, sur la plage d’Omaha Beach, en mémoire des soldats morts lors du Débarquement. La journée, organisée par l’Ugsel, leur a ensuite permis de visiter le site, avant de prendre part à un temps de prière au cimetière américain de Colleville-sur-Mer. Ailleurs en Normandie, dans la Manche, 1 600 collégiens de l’enseignement catholique se sont eux aussi mobilisés. Répartis dans cinq lieux autour de Coutances, ils ont formé le mot « paix » avec leurs corps avant d’assister à un concert de gospel.

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