Paroles d’évêques
Pour Mgr Dubost, responsable de l’interreligieux, et Mgr Planet, en charge de l’enseignement catholique, à la Conférence des évêques de France (CEF), l’accueil de tous est un choix évangélique.
Propos recueillis par Aurélie Sobocinski
Mgr Michel Dubost, évêque d’Évry, président du Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux à la CEF.
Dans le contexte de montée des extrémismes, quel doit être aujourd’hui le rôle de l’École, catholique en particulier, sur le plan interculturel et interreligieux ?
Mgr Dubost : Avant même de parler de formation à l’interculturel et à l’interreligieux, l’enjeu est que chacun soit fraternel. L’identité catholique se trouve dans la main tendue. Il nous faut sans cesse devenir relation. Ce n’est pas la loi Debré qui nous oblige à accueillir le monde, c’est nous qui l’accueillons, qui voulons que l’École soit un lieu d’échange !
Comment vivre concrètement cet accueil au sein de l’École ?
L’École doit être un lieu de vie, de parole, de fraternité pour aider les personnes à se former, à grandir, à trouver leur place dans la société. Les événements de novembre 2015 révèlent un immense besoin de se parler : entre élèves, entre élèves et adultes, entre adultes... C’est en se disant que l’on devient soi-même et que l’on peut accueillir la parole de l’autre. À ce titre, il faut valoriser tout ce qui dans la culture permet l’expression de soi. L’art, la philosophie, la littérature doivent plus que jamais tenir une place essentielle à l’École.
Un autre enjeu majeur à vos yeux est celui de la responsabilisation…
L’École doit être un lieu de responsabilité. On ne devient soi-même que lorsque l’on est responsable. À la différence de la compétition encouragée par certains parents, ou de l’hédonisme, la responsabilité constitue un savoir pour les autres, une ouverture à l’altérité qui permet de découvrir quelle est ma place. L’identité religieuse joue à mon sens un rôle important pour l’acquérir, à condition que partout elle soit portée au sein d’un projet pédagogique clair, refusant toute tentation de repli.
Mgr Alain Planet, évêque de Carcassonne, membre du Conseil pour l’enseignement catholique à la CEF.
« L’École a un rôle évident à jouer pour favoriser le dialogue interculturel et interreligieux. Ne serait-ce que dans la façon dont elle transmet la connaissance des cultures et des religions – ce qui n’est pas assez fait d’ailleurs. Un premier travail de l’enseignement catholique est de former les maîtres ainsi que les personnels d’éducation et de service en la matière. Il faut que chacun puisse prendre conscience du phénomène religieux tel qu’il est aujourd’hui et de ce qui constitue le cœur des traditions religieuses, à commencer par la nôtre.
Le deuxième travail pour l’enseignement catholique est précisément de s’affronter à la question du christianisme, que l’on ne peut réduire à des valeurs ni à une morale. L’objectif n’est pas d’abord de faire chrétiens tous les élèves et les personnes chargées de les éduquer, mais de leur permettre d’accéder à la connaissance du Christ. Pour arriver où que ce soit, il faut pouvoir partir de quelque part.
Quand on parle d’interculturel, un autre grand défi aujourd’hui est celui de l’immense gouffre social qui s’est créé en France. Il faut absolument faire en sorte que chacun puisse apprivoiser la culture de l’autre, y compris la culture franco-française, pour ne pas entrer dans des jugements et si possible s’apporter le meilleur. L’École y contribuera, en permettant l’accès pour les classes les plus défavorisées à ce qui constitue aujourd’hui la culture de la réussite. Pour cela, il faut avoir du courage ! Ce choix de l’accueil de tous, de l’ouverture à l’altérité, est un choix évangélique. Ou nous sommes une École catholique ou bien nous sommes autre chose... Il y aura toujours des établissements d’élite, mais notre devoir est de les interroger : où en êtes-vous avec les autres ? »
Cette Interview est tirée d’un hors-série d’ECA paru en mai 2016 qui fait le point sur le dialogue interreligieux et interculturel qui se vit dans les établissements. Reportages, analyses, commentaires de textes du magistère et interviews de chercheurs y brossent le paysage d’un enseignement catholique ouvert à l’autre, par vocation.