Perspectives d’avenir en Auvergne Rhône-Alpes
Le 11 février dernier, près de 200 représentants de l'Enseignement catholique d'Auvergne Rhône-Alpes ont tenu leur rencontre prospective. Dans un contexte de décrue épidémique, ils ont apprécié de pouvoir de nouveau se projeter vers le futur!
« La plus haute forme d’espérance c’est le désespoir surmonté. » C’est en convoquant Bernanos que Nicolas Carlier, président du Crec Auvergne – Rhône-Alpes et directeur diocésain de Clermont-Moulins, a ouvert la rencontre prospective qui a réuni, le 11 février dernier, près de 200 participants venus des onze diocèses de ce vaste territoire. Dans un contexte de décrue épidémique et sous un soleil radieux, cette journée d’échanges à bâtons rompus a semblé célébrer la possibilité retrouvée de se projeter dans des perspectives d’avenir.
L’événement s’est tenu au centre de séminaires de Valpré, àÉcully (69), précisément là où dix-huit mois plus tôt, les responsables de l’Enseignement catholique avaient initié la démarche prospective. Selon la même méthode d’intelligence collective et créative, les congressistes ont exploré les pistes d’action qui leur semblaient les plus pertinentes à mettre en œuvre dans cette Région très contrastée qui compte 1 074 établissements scolarisant 293 447 élèves, de la maternelle au post-bac, auxquels il faut ajouter plus de 6 200 apprentis, un chiffre en plein essor.
Avant d’en arriver aux propositions concrètes, dans l’après-midi, les participants, dans une série fluide d’échanges en petits groupes, se sont au préalable approprié le diagnostic et les axes prospectifs qui ont été définis, par ajustements successifs, depuis la première rencontre nationale de l’automne 2020. Ils ont par exemple confirmé combien l’implantation historique de l’Enseignement catholique en centre-ville freinait la mixité sociale, plaidant pour une politique de déplacement ou de création d’établissements en périphéries, comme à Annecy ou dans la banlieue est de Lyon, ou encore l’essor d’internats mutualisés pour s’affranchir des déterminismes géographiques.
Une autre tablée, consacrée au pacte éducatif mondial, a débattu de comment réassurer enseignants et parents par le dialogue pour qu’ils osent s’affranchir d’un modèle exclusivement transmissif, en se mettant par exemple à l’écoute des aspirations des jeunes. Ainsi Laura pouvait-elle témoigner que la spécialité qu’elle suivait à Saint-Jo de Miribel contre l’avis de ses parents, parce qu’elle était proposée à distance via l’Ecad (Enseignement catholique à distance) était celle qui lui plaisait le plus, car elle suivait une pédagogie de classe inversée particulièrement innovante et motivante.
Voici un aperçu des actions imaginées par les participants de la Région Aura, dans les quatre axes structurant la démarche nationale et qui seront représentés prochainement dans un courrier co-signé par Mgr Ulrich et Philippe Delorme, secrétaire général de l’Enseignement catholique.
Les échanges sont allés bon train, mettant au jour des pistes d'action innovantes et suscitant parfois des débats animés, comme sur la réactualisation des modalités d'exercice de la solidarité au sein du réseau.
Affermir et mieux faire connaître le projet d’éducation à la personne de l’Enseignement catholique
Il ne s’agit surtout pas de métamorphoser notre projet mais de le vivre et surtout de le communiquer de manière un peu différente, a commenté Philippe Delorme pour introduire cet axe de travail. Du coup, des approches marketing audacieuses ont germé ici et là, à coup de vidéos « démonte-clichés » et de slogans percutants. Mutualisées en territoire – avec une journée portes ouvertes à une date commune, par exemple –, elles pourraient aussi s’appuyer sur une banque de ressources nationales. Deux lycéennes, Clarisse et Léonora, ont proposé que les élèves « meilleurs ambassadeurs des valeurs de l’Enseignement catholique auprès des jeunes » prennent une part activie à cette communication du projet. D’où l’importance de les associer à toutes les instances de de régulation de la vie de l’établissement et à tous les âges.
D’autres groupes ont imaginé des parcours d’intégration pour les nouveaux arrivants dans l’enseignement catholique proposant un « Vis ma vie » où personnels Ogec et enseignants inverseraient leur fonction leur temps d’une journée.
Développer la liberté et l’excellence éducatives et pédagogiques pour tous
Sur cet axe, plusieurs voix ont proposé d’abandonner le terme d’ « excellence » qui, même modulé par le « pour tous » convoie encore une image élitiste. Pour inciter les enseignants à s’emparer de leurs marges de liberté, il a été proposé de mieux les leur présenter et de stimuler les échanges de pratiques, par le biais de visites d’observations régulières entre pairs ou de déclinaisons locales de la plateforme nationale des initiatives qui contribueraient à enrichir cette dernière.
Plusieurs établissements se sont d’ailleurs inspirés des CP flexibles qui y sont présentés pour engager la mise en œuvre de flexi-cours dans le second degré, comme à la rentrée prochaine à Saint-Sébastien de Vaugneray.
Adapter et déployer une offre éducative actualisée
Plusieurs scénarios de coordination en bassin ont aussi été élaborés : avec une charte proscrivant la concurrence, organisant la complémentarité des projets de chaque structure ou présentant l’offre de formation par famille de métiers de manière concertée comme s’y emploie l’UNETP 42. Dans le même esprit, deux groupes ont imaginé une carte interactive visant à faciliter les poursuites d’études des élèves en difficulté.
D’autres participants ont envisagé des pistes pour développer l’apprentissage en adaptant l’accueil des apprenants et des formateurs au caractère propre, en mutualisant la gestion administrative et en formant les enseignants aux spécificités de la gestion d’un double public. Autre piste de développement creusée : la diversification des missions des établissements, qui pourraient proposer des activités culturelles et sportives, voire même des pôles paramédicaux.
Réinterroger le modèle économique et la gouvernance
« La solidarité doit être constitutive de notre projet », a insisté Marc Héritier, directeur diocésain d’Annecy, au détour d’un échange où son homologue de Saint-Étienne, Bruno Prangé, renchérissait : « Elle ne doit pas être perçue comme un mécanisme compensatoire mais comme une justice. » Un message qui a fait mouche chez les chefs d’établissement ou les enseignants de petites structures, qui ont rivalisé de propositions pour faire vivre cette économie du partage. Au-delà de la mutualisation de compétences humaines et d’équipements qui s’organisent en proximité, et dans un souci ce complémentarité, ces personnels des zones rurales ont fait valoir que seul un système de fonds mutualiste à une échelle régionale ou nationale peut vraiment corriger les inégalités territoriales. Stéphane Pizzoglio, jeune enseignant de mathématiques, a par exemple imaginé un système de prêts inter-établissements sur le financement de projets sur le modèle des souscriptions en ligne qui se sont développées récemment : « L’idée n’a pas fait consensus… Ce que j’ai vraiment du mal à comprendre, ayant débuté en région parisienne, dans un établissement qui assurait l’équipement informatique de ses élèves… je travaille désormais sur deux petits collèges cantaliens qui sont en difficulté pour se chauffer l’hiver ! »