PPPF : des outils pour la bientraitance éducative

Le 9 novembre dernier, une cinquantaine de référents PPPF (Programme de protection des publics fragiles) diocésains se sont retrouvés pour leur journée nationale en visio organisée par le Sgec. L’occasion de revenir sur le rapport Sauvé et de poursuivre leur travail sur le déploiement du programme sur le terrain.

Noémie Fossey-Sergent

La journée nationale des référents PPPF (Programme de protection des publics fragiles) s’est ouverte le 9 novembre dernier avec émotion. Josiane Hamy, coordinatrice du groupe, a introduit son propos en lisant trois témoignages, tirés du rapport Sauvé, de victimes abusées lors de leur scolarité. Une façon de rappeler l’importance du déploiement du PPPF dans les établissements catholiques et le rôle essentiel de ses référents répartis sur tout le territoire. Après avoir évoqué les décisions prises par les évêques lors de leur dernière assemblée plénière à Lourdes, les participants ont été invités à partager leur espérance pour l’avenir.

L’idée de réparation pour les victimes a été invoquée plusieurs fois par les participants. Josiane Hamy a ensuite présenté les éléments du rapport de la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église) susceptibles d’éclairer le travail du groupe PPPF : « Le rapport rappelle que les traumatismes vécus par l’enfant abusé ont des effets immédiats sur son développement. Il y a des signes à repérer : ceux dits “bruyants” (agitation, violence, mise en danger de soi, comportements de séduction ne correspondant pas à son âge) et les signaux faibles (mauvaise hygiène, tristesse, oublis, manque de concentration…). Sans tirer de conclusion hâtive, la multiplicité de ces signes et leur répétition doit vous alerter », a expliqué la chargée de mission du Sgec.

Après ce temps de retour nécessaire sur le rapport, le groupe a poursuivi son travail sur l’emprise et le harcèlement amorcé en septembre dernier. Josiane Hamy a d’abord passé en revue les actualités en lien avec le sujet : la possible qualification pénale du harcèlement scolaire, un projet de loi porté par le Modem ; la vigilance à avoir sur l’impact de la série Squid Game dans les cours d’écoles. Et une expérimentation à suivre de près : l’apprentissage de l’autodéfense verbale dans tous les lycées de la région Paca. Ce plan adopté par le Conseil régional a pour ambition de proposer des ateliers aux jeunes, dans lesquels ils apprendront à répondre verbalement aux harceleurs.

 

Une formation de personnes ressources

Autre sujet présenté lors de cette journée nationale : la formation nationale de personnes ressources PPPF que va proposer l’enseignement catholique début 2022, pour soutenir le déploiement du programme. Cette formation de cinq jours, qui mêlera présentiel et distanciel, sera ouverte aux enseignants, personnels de droit privé, psychologues… et vise à maîtriser les fondamentaux du PPPF. Elle sera financée par Formiris et la Commission paritaire de formation. 240 personnes pourront être formées.

Enfin, la journée s’est terminée par un travail de réflexion en sous-groupes, sur une projection à trois ans du déploiement du PPPF et sur un bilan des outils qui seraient encore nécessaires pour assurer cette diffusion. Parmi les idées fortes partagées par les référents : la création d’un pôle Bientraitance, diocésain ou régional, qui assurerait une coordination entre les différents axes de la bientraitance éducative et mutualiserait les outils ; l’intervention de la Crip (Cellule de recueil des informations préoccupantes) directement auprès des chefs d’établissement pour faciliter la prise en charge d’une situation ; la création d’un document explicitant le PPPF à destination des familles…

Sur le terrain, les initiatives commencent à éclore. La direction diocésaine des Hauts-de-Seine a  lancé une communication sur le thème « Bientraitance, tous concernés », consultable sur son site internet. Des supports de communication sont aussi élaborés pour les établissements des Hauts-de-Seine, comme le jeu de douze affiches  qui rappelle la conduite à tenir en présence de faits de maltraitance ou, pour les établissements des Maristes, des flyers conçus par cette congrégation.

La piste des cercles restauratifs

Autre outil qui a fait ses preuves dans la résolution de conflits et la lutte contre le harcèlement : les cercles de justice restaurative. François Cribier, chargé de mission à la direction diocésaine de Blois, qui s’y est formé, en a présenté le fonctionnement et a encouragé les référents PPPF à s’en saisir. Les cercles restauratifs ont été imaginés dans les années 1990 par un Anglais installé au Brésil, Dominic Barter, pour endiguer la violence dans les favelas. Le principe ? Il s’agit de réunir l’auteur du méfait et la victime afin qu’ils échangent de manière à ce que la victime s’exprime et soit entendue, que l’agresseur comprenne les conséquences de ses actes. La discussion, animée par un facilitateur, permet de recréer du lien entre les personnes.

Pour François Cribier, les cercles restauratifs peuvent être un puissant levier de gestion du conflit mais aussi de prévention. « Dans notre approche du PPPF, on sait travailler sur la vigilance, le signalement, mais on ne s’interroge pas sur les causes. Or c’est essentiel pour éviter qu’une situation ne se reproduise. Pourquoi certains enfants se retrouvent fragilisés par le système dans lequel ils évoluent ? » Pour lui, le système même de l’École est à interroger : on y apprend à exercer un pouvoir sur les autres, via la punition, la récompense... Or, il faut impulser un mouvement inverse : montrer l’interdépendance des individus, leur permettre de collaborer. Selon le chargé de mission, pour pratiquer la bientraitance éducative, il faut commencer par prendre soin du lien entre les individus. Et cela implique de ne pas avoir peur du conflit mais au contraire, quand il se présente, de prendre le temps de l’analyser. En ouvrant un espace de dialogue, les cercles restauratifs permettent à des élèves, mais aussi à des adultes, de se comprendre mutuellement et de mettre du sens sur le conflit qui les a opposés. « Mais comment ne pas transformer le cercle en un tribunal et éviter le risque de se faire déborder ? », ont demandé plusieurs participants. Cela n’arrive pas si les personnes présentes dans le cercle sont vues et écoutées individuellement au préalable par le facilitateur. Elles arrivent généralement apaisées au moment du cercle, dont l’intention doit être exposée clairement : il s’agit d’entendre ce que l’autre a à nous dire afin que cela ne se reproduise pas, et non pas de régler ses comptes !

 

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