Rapport Sauvé :
« Aucune volonté d’étouffer les affaires »

Avec « un sentiment de honte et une demande de pardon à toutes les victimes », Philippe Delorme, le secrétaire général de l’enseignement catholique décline ce que son institution a déjà mis en place et ce qui reste à faire pour combattre le fléau de la pédocriminalité. Selon la commission Sauvé, 30 % des abus sexuels commis dans l’Église l’ont été dans des écoles.

 

Interview publiée le 06/10/ 2021
Sur le site de La Croix
Propos recueillis par Denis Peiron

 

La Croix : Comment accueillez-vous les conclusions du rapport Sauvé ?

Philippe Delorme : Avec beaucoup de tristesse et de compassion pour les victimes. L’enseignement catholique se joint aux paroles de Mgr de Moulins-Beaufort et de tous les évêques, avec un sentiment de honte et une demande de pardon à toutes les victimes et à leur famille, dont l’institution a trahi la confiance.

 

Le document présenté par la commission indique que la prévalence de la pédocriminalité dans l’enseignement catholique était particulièrement forte dans la période des années 1940 à 1960. De tels agissements appartiennent-ils au passé ?

Ph. D. : Hélas non, la lutte contre la pédocriminalité reste un combat quotidien. Même si peu de cas, les plus graves – quatre ou cinq par an –, remontent jusqu’au secrétariat général. Car l’enseignement catholique ne constitue pas un système centralisé comme peut l’être l’éducation nationale. Peut-être faudra-t-il nous inspirer des préconisations de la Ciase pour collecter systématiquement des statistiques sur les maltraitances dont peuvent être victimes certains de nos élèves.

En tout cas, à partir de 2016, nous avons mis en place des dispositifs, publié des livrets, développé la formation des acteurs pour mieux recueillir la parole des élèves vulnérables, notamment ceux victimes de pédocriminalité. Et nous sommes en train de former des référents pour sensibiliser plus encore tous nos personnels, enseignants et non enseignants. Les conclusions de la commission Sauvé doivent nous donner plus de force, plus de détermination pour vivre notre projet dans la vérité de l’Évangile.

 

Que répondez-vous à ceux qui parlent de « loi du silence » autour de la pédocriminalité ?

Ph. D. :Il n’y a, de la part de l’enseignement catholique, aucune volonté d’étouffer les affaires, de masquer, de cacher, de minimiser les choses. Très souvent, cependant, ce sont les familles concernées qui demandent une grande discrétion parce que, par exemple, leur enfant veut poursuivre sa scolarité au sein de l’établissement. De plus, quand une procédure judiciaire est en cours, l’expression publique est limitée.

Aujourd’hui, si un membre du personnel adopte un comportement inadapté, nos chefs d’établissement appliquent une procédure extrêmement claire pour effectuer, comme la loi l’exige, un signalement aux autorités rectorales et à la justice. Depuis la loi Debré de 1959, qui régit les relations entre l’État et les établissements privés sous contrat, ce sont elles qui ont le pouvoir de suspendre ou de sanctionner nos enseignants.

 

Comment encourager une libération de la parole des victimes ?

Ph. D. : Le rapport Sauvé le montre bien, beaucoup de victimes ne parlent que des décennies plus tard. Ce qu’il faut, c’est que l’enfant qui subit des violences sexuelles ait suffisamment confiance en l’école et en sa famille pour dire les choses. Cela passe dans nos établissements par un renforcement de l’éducation affective, relationnelle et sexuelle. Celle-ci peut aider le jeune à comprendre qu’en cas de gestes déplacés, ce n’est pas lui mais bien l’adulte qui est coupable. Il faut une vraie éducation au corps.

Philippe Delorme, secrétaire général de l'Enseignement catholique s'exprime dans La Croix sur la réception du Rapport Sauvé.

 

 

Ce qu’il faut, c’est que l’enfant qui subit des violences sexuelles ait suffisamment confiance en l’école et en sa famille pour dire les choses.

 

 

 

 

 

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