Un regard positif sur soi et les autres
Le Collège Notre-Dame de Billom, au cœur du Puy-de-Dôme, a lancé une action éducative et citoyenne pour favoriser un meilleur climat entre les élèves. Au programme : sensibiliser les collégiens au respect de soi et des autres.
Par Nathalie Pollet
« On se moque souvent de moi car je suis petit. Ça me vexe. Mais j’ai compris qu’il fallait fermer la porte aux remarques des autres et ne pas se laisser abattre », confie ce jeune collégien de 5e à la sortie de la séance animée par Maritza Desjonquères-Añasco, coach et consultante en image intervenant au collège Notre-Dame. L’établissement scolaire est situé au centre du patrimoine historique de Billom, petite cité médiévale, dans la grande agglomération clermontoise. Depuis mi-avril, un projet éducatif est mis en place, en partenariat avec l’Apel et la direction de l’établissement, pour accroître le respect, la convivialité entre les élèves et favoriser ainsi de meilleures conditions d’apprentissage. À l’origine de l’intervention, des conflits entre collégiens. « Des paroles blessantes, dégénérant en bagarres, étaient parfois constatées », précise Corinne Lambert, présidente de l’Apel de l’école maternelle, primaire et collège Notre-Dame de Billom.
Pour Laurent Friaud, directeur de l’établissement scolaire, le projet de l’enseignement catholique est avant tout d’aider chaque élève à se sentir bien à l’école, première condition pour apprendre. « Nous avons souhaité intervenir en amont pour veiller à un bon climat de travail. Nous avons été sensibles à cette approche éducative car elle répond aux besoins des collégiens issus de milieux sociaux différents : être moins dans le jugement, changer le regard sur eux et sur les autres, pour grandir en estime d’eux-mêmes. » La formation s’articule autour de trois thèmes : image de soi, empathie et communication positive. Elle s’adresse à tous les collégiens, de la 6e à la 3e, et se veut une alternance d’enseignements théoriques et de mises en situations pratiques à l’aide de vidéos, dessins, ou d’exercices de comportements.
Mécanismes de défense
Ce vendredi 23 mai, à 14 h 30, se déroule le deuxième atelier pour les classes de 5e. Les trois quarts des élèves sont présents, soit vingt-huit élèves de deux classes, tandis que leurs camarades sont en soutien ou en pastorale. Suivront ensuite les 4e.
Au premier étage, un film de sensibilisation sur le harcèlement à l’école est projeté dans la salle vidéo. La scène se déroule dans le hall d’un lycée, montrant une jeune fille noire victime de bousculades et de moqueries de la part d’un groupe d’élèves. « À votre avis, que ressent cette jeune fille ? » interroge la coach pour sensibiliser les élèves à l’empathie. « De l’angoisse, de la souffrance » répondent spontanément quelques-uns. Puis une question est posée de manière anonyme et confidentielle : « Est-ce que j’ai subi des moqueries à l’école ou dans ma vie ? » Silence dans la classe. Chacun griffonne sur un bout de papier et remet son billet à l’intervenante.
« Mettre en mots des situations qui ont pu être douloureuses peut soulager des élèves. »
« Mettre en mots des situations qui ont pu être douloureuses peut soulager des élèves », explique Maritza Desjonquères-Añasco. Quand viendra le tour des 4e, plaisanteries et ricanements seront plus fréquents durant la séance. « Ils sont plus cyniques que les 5e et ne se laissent pas convaincre facilement. Il faut du temps pour qu’il accorde leur confiance », reconnaît Philippe Chevant, professeur de mathématiques.
« C’est aussi un âge où les mécanismes de défense sont plus marqués. Et ils sont sensibles au regard des autres », observe la conseillère en image qui envisage de séparer filles et garçons lors d’une prochaine intervention. Quelques collégiennes sont pourtant venues se confier à la fin de la séance. « On se moque de moi parce que je suis trop ronde », dira l’une. « Je suis timide. On vient m’insulter à l’arrêt du bus », confie une autre. Pour cette professionnelle, les moqueries subies par un jeune sont souvent liées à l’image qu’il présente. Et la différence peut être stigmatisée : des cheveux roux, une apparence fragile, etc.
Acception du corps
Du côté de l’adolescent oppresseur, l’agressivité exprime souvent un mal-être qui se décharge sur un plus faible.
Dans les deux cas, le jeune souffre d’une mauvaise estime de lui-même. Comment lui redonner confiance ? « En lui permettant de se connaître, de se respecter pour être mieux préparé à aimer et à respecter les autres », soutient Maritza Desjonquères-Añasco, présidente d’AICI France (association internationale des consultants en image) et responsable de la campagne éducative en France intitulée « beauté responsable », qu’elle a initiée et qui sous-tend cette démarche. Le projet est ambitieux puisque quinze pays y sont associés. La vraie beauté, selon la consultante en image, consiste à être en cohérence avec soi-même, sans se conformer aux canons de beauté véhiculés par les médias qui rendent difficile l’acceptation du corps à l’adolescence. « Comment prendre soin de moi ? » demande l’animatrice aux élèves. Elle poursuit : « En m’appuyant sur mes cinq sens, je peux décider de détourner mon regard d’images choquantes, préserver mon espace intime, ma bouche d’un excès de nourriture ou l’inverse. »
Infirmière de formation, Maritza Desjonquères-Añasco s’est formée au coaching et a animé pendant plusieurs années des ateliers d’adultes puis d’adolescents au Chili, pour s’installer ensuite à Clermont-Ferrand avec son mari et ses deux enfants. « En arrivant en France, j’ai été frappée par le jugement peu gratifiant des ados sur eux-mêmes et sur les autres. Ils sont soumis à de telles exigences de réussite qu’ils peuvent les vivre comme un fardeau s’ils ne trouvent pas en face d’eux des adultes qui les écoutent et les soutiennent. » L’objectif de ses ateliers est de leur apporter des outils pour se connaître, s’ouvrir à la différence, communiquer de manière bienveillante et surtout rester en cohérence avec soi. « Il est important d’être en lien avec sa personnalité pour soigner son image, insiste la coach. La beauté, c’est aussi une manière d’être vis-à-vis de soi-même et des autres. » Un atelier sur le comportement en société et un autre sur des conseils en matière d’hygiène sont également proposés. Ces deux ateliers s’ajouteront au programme renouvelé à la rentrée de septembre auprès des collégiens de Billom. Ceux du collège de Riom et de Massillon, à Clermont-Ferrand, ont déjà suivi la démarche. Un projet est en réflexion auprès des CM2 à but préventif. L’Auvergne est la région pilote de cette campagne d’éducation, qui a pour finalité d’aider les jeunes à grandir en beauté et à accueillir leurs différences pour apprendre plus sereinement à l’école.
« S’appuyer sur les atouts plutôt que sur les manques »
Marie-Odile Plançon, en charge du dossier Education affective, relationnelle et sexuelle (EARS) au Sgec.
« Notre mission vise à la formation intégrale de la personne. Le désir profond de tout être est de tisser des liens. L’adolescent, particulièrement, est désireux d’investir des relations avec d’autres jeunes de son âge. C’est en renforçant l’estime qu’il a de lui-même, qu’il pourra le mieux aller à la rencontre de ses pairs. Il y a urgence à faire comprendre aux jeunes l’importance de leur « beauté intérieure », en apprenant à se connaître, à définir leurs points d’appui tout en les aidant à accepter leurs fragilités. Chacun est différent et unique. D’où la nécessité de leur proposer des temps de réflexion, d’intériorité et d’échanges pour mettre en mots leurs ressentis et leurs difficultés du moment. Une étape indispensable qui permettra aux adolescents de prendre plus de distance par rapport aux exigences de performances induites par la société. L’action éducative menée par cet établissement est intéressante car elle propose aux collégiens de s’appuyer plutôt sur leurs atouts que sur leurs manques et d’adopter des valeurs positives favorables au mieux vivre ensemble. »