Revue de presse Philippe Delorme dans La Croix

« La vaccination risque de créer des tensions dans les établissements » »

 

 

À la veille de la reprise des cours, Philippe Delorme se veut confiant, même s’il redoute que le sujet de la vaccination ne génère des tensions dans les établissements.

Propos recueillis par Denis Peiron
La Croix, le 31 août 2021

Certains experts redoutent que cette rentrée ne dope la pandémie. Partagez-vous leurs craintes ?

Philippe Delorme : Je ne suis pas particulièrement inquiet vis-à-vis du risque sanitaire. Ce que je redoute, c’est que nos établissements soient contraints de multiplier les fermetures de classe ou de revenir à des demi-jauges. Avec des conséquences scolaires et psychologiques néfastes, surtout pour les élèves les plus fragiles. Le ministre a bien fait de se battre pour que les écoles restent ouvertes. Car par-delà la question sanitaire, il y a celle de l’équilibre des enfants et des jeunes. D’ailleurs, en Italie ou en Allemagne, où les élèves ont été plus longtemps privés de cours, la situation sanitaire n’a pas été meilleure qu’en France.

Les collégiens et lycéens pourront se faire vacciner dans ou à proximité de leurs établissements, et ce, même sans l’accord des parents s’ils ont plus de 16 ans. Cela ne risque-t-il pas d’engendrer des tensions ?

Sur Radio Notre-Dame, à la veille de la rentrée, Philippe Delorme, a présenté la raison d'être de l'Enseignement catholique et sa proposition spécifique.

 

Il était accompagné, dans cette table ronde  Xavier de la Villegeorge, directeur diocésain adjoint de l’Enseignement catholique des Hauts-de-Seine et de Catherine Lepagnol, APS (animatrice en pastorale scolaire)

Ph. D. : Si un jeune de 16 ans ou plus veut se faire vacciner contre l’avis de ses parents, nous respecterons la règle, tout en cherchant à associer les familles.

Le sujet de la vaccination pourrait d’ailleurs générer d’autres tensions : certains professeurs vaccinés pourraient moyennement apprécier de devoir remplacer des collègues non vaccinés, tenus de rester chez eux parce qu’ils sont cas contacts.
Se pose aussi la question de l’accompagnement des élèves non vaccinés susceptibles de devoir s’isoler à la maison : les professeurs disent à raison qu’on ne peut pas faire à la fois du présentiel et du distanciel.

 

Comment cette crise a-t-elle influé sur vos inscriptions ?

Ph. D. : La souplesse apportée par l’autonomie et la responsabilité entière du chef d’établissement, de même que la capacité d’adaptation de nos enseignants, ont permis de répondre au mieux à l’évolution de la situation sanitaire. Cela a pu être un argument pour certaines familles qui nous ont rejoints.
Mais cet effet est contrebalancé par l’impact financier de la crise, avec des baisses de revenus ou des pertes d’emploi, notamment chez les artisans et commerçants.

 

L’an dernier, pour la première fois en dix ans, l’enseignement catholique a perdu des élèves (– 0,4 %). Cette érosion est-elle enrayée ?

Ph. D. : Nous connaîtrons les chiffres dans quelques semaines, mais la baisse se poursuivra sans aucun doute dans le primaire, pour des raisons essentiellement démographiques. Nous verrons ce qu’il en est dans le secondaire.

Ce qui est sûr, c’est qu’il nous faut continuer à adapter notre maillage à la demande des familles, en regroupant voire en fermant certaines écoles pour redéployer des moyens vers des métropoles, des banlieues, certaines zones rurales où beaucoup de familles sont sur listes d’attente. C’est un redéploiement complexe car une école catholique, c’est aussi une présence d’Église.

 

Comment se traduit votre engagement en faveur de la mixité sociale ?

Ph. D. : Dans le cadre de la nouvelle politique d’éducation populaire, qui s’applique désormais par établissement et non plus par zone, nous lançons une expérimentation dans les académies de Lille, Nantes et Aix-Marseille sans nous soumettre à la carte scolaire.
Dans chacune d’elles, deux de nos établissements, qui présentent un profil similaire à ceux d’éducation prioritaire, recevront des heures supplémentaires et de quoi financer l’achat de matériel ou des interventions extérieures, avec un projet validé par le rectorat.

« Cantonner la question religieuse à la sphère privée
est le meilleur moyen d’entretenir le séparatisme »

 

 

En pleine session du baccalauréat aménagée, Philippe Delorme, secrétaire général d’un réseau d’établissements privés sous contrat, plaide pour « le renforcement du contrôle continu » et rappelle son soutien à la réforme du lycée engagée par le gouvernement.

Philippe Delorme est secrétaire général de l’enseignement catholique, un réseau de 7 300 écoles, collèges et lycées privés sous contrat avec l’Etat scolarisant un peu plus de 2 millions d’élèves, soit un cinquième de l’effectif total. En pleine session du baccalauréat aménagée du fait du Covid-19, il reconnaît que la« souplesse d’adaptation » du privé a permis de privilégier les cours en présentiel pour les lycéens de terminale.

 

Propos recueillis par Mattea Battaglia
et Cécile Chambraud
Le Monde, le 19 juin 2021

Nous sommes en pleine session du premier « bac Blanquer », au terme d’une année marquée par la crise sanitaire. Vos lycéens ont-ils bénéficié d’un temps de préparation plus important que dans le public, comme on l’entend dire ?

Les chefs d’établissement ont essayé de respecter pleinement les consignes sanitaires. Ce qui était demandé, c’était une demi-jauge globale dans les lycées, non pas par niveau ou par classe. Notre souplesse d’adaptation nous a permis de privilégier le 100 % présentiel pour les terminales.

Les chefs d’établissement ont une pleine autonomie et une grande liberté pour s’organiser, mobiliser leurs équipes rapidement. Il n’a pas fallu attendre 50 réglementations ou que la collectivité investisse pour, par exemple, poser des Plexiglas. S’il en a besoin, un chef d’établissement prend son téléphone et trouve un fournisseur ou un parent d’élève qui va l’aider. Cela nous a permis de maintenir le plus possible les cours.

Comment la préparation du grand oral s’est-elle déroulée  ?

Il n’y a pas de crise chez nous sur cette question ! Au contraire, il y a une vraie mobilisation des professeurs. Ceux qui réclamaient la suppression de cette épreuve ne se sont pas mis à la place des élèves. On aurait pénalisé les plus fragiles, qui ne sont pas forcément les plus à l’aise à l’écrit.

En outre, un bac donné sur tapis vert, c’est décourageant pour nos jeunes. Le fait de passer deux épreuves [la philosophie et le grand oral] mobilise. Cela aurait été dommage de ne pas aller jusqu’au bout. Il y a une fragilisation des jeunes qu’il faudra prendre en compte à la rentrée.

Comment vos lycéens se sont-ils approprié la réforme du lycée, les choix de spécialité ?

A la première rentrée, il y avait eu beaucoup de combinaisons nouvelles et les lycées ont joué le jeu. En terminale, les choix se sont resserrés d’une façon plus classique. Une réforme comme celle-là, il faut dix ans pour qu’elle s’installe. Tant que les jeunes et leurs familles n’ont pas une visibilité claire des attendus du supérieur, ils vont se rassurer en retombant dans des schémas classiques. S’il y a des signes forts du supérieur, notamment dans des filières sélectives, en faveur de profils et d’options variés, cela fera bouger les choses. Les jeunes oseront choisir des combinaisons qui ne correspondent pas à celles des anciennes filières.

Il faut aussi que les chefs d’établissement ne reconstituent pas les filières avec les groupes-classes. Des groupes-classes mélangeant profils plutôt littéraires ou plutôt scientifiques créeront une dynamique enrichissante. Je pense que c’est une bonne réforme. On aimerait la voir se déployer en vrai ! Le renforcement du contrôle continu me semble aussi être une bonne chose.

L’élitisme scolaire et social des établissements catholiques est-il une caractéristique que vous assumez ?

Je suis très réservé sur les classements des établissements. J’ai la conviction qu’un élève qui a des facilités peut pleinement les valoriser dans un établissement sélectif comme dans un établissement plus mélangé. Je ne veux pas opposer des lycées sélectifs aux autres, montrer du doigt des établissements qui auraient moins de mixité sociale et scolaire. Un établissement est implanté dans un contexte social. Dans les villes où une large majorité de la population est socialement très favorisée, il n’y a pas un grand écart entre un établissement public et un privé. L’histoire fait que nous sommes beaucoup implantés dans des centres-villes où il y a peu de mixité sociale.

Ce que je défends, c’est l’excellence pour tous. Dans les lycées professionnels comme généraux, on doit faire en sorte que chacun soit en mesure de donner le meilleur de lui-même. Pour y arriver, certains jeunes auront besoin de sentir une pression sur eux, d’autres d’être plus en confiance. L’important est que chacun trouve sa place. En revanche, ce que je n’admets pas, c’est quand, dans nos établissements, on n’assume pas jusqu’au bout un jeune et qu’on lui dise : « tu es trop faible, au revoir. » Ce n’est pas catholique.

C’est pourtant une pratique qui a cours…

Pas tant que ça. Qu’un établissement puisse ne pas convenir à un jeune, cela arrive. La diversité de nos projets éducatifs permet de trouver chaussure à son pied. Mais notre vocation est d’accueillir tous les jeunes, de ne pas en laisser au bord du chemin parce qu’ils ne seraient pas dans les rails.

Concrètement, comment contribuez-vous aux défis de l’éducation prioritaire ?

En septembre, j’ai demandé au ministre de l’éducation que l’enseignement catholique puisse participer à la nouvelle politique d’éducation prioritaire. Il a accepté. Elle est déployée dans trois académies – Lille, Nantes, Aix-Marseille. Deux de nos établissements dans chacune de ces académies vont entrer dans cette expérimentation à la rentrée. Le contrat local d’accompagnement est en cours de rédaction. C’est une première !

Dans la discussion parlementaire sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République, beaucoup d’amendements ont tourné autour de la mixité sociale, qu’il faut développer pour lutter contre le séparatisme. Certains nous visaient. Je partage l’avis qu’une des difficultés que rencontre notre pays est l’insuffisance de mixité sociale et scolaire dans les établissements.

On vous fait le reproche d’y contribuer assez peu. Et même de renforcer les phénomènes de ségrégation…

Nous sommes tout à fait d’accord pour être encore plus offensifs en faveur de la mixité. Mais pourquoi accueillons-nous peu d’enfants de milieux défavorisés ? Il y a d’abord l’obstacle de la contribution des familles. Il faut déjà que les collectivités locales versent le forfait à la bonne hauteur. Dans beaucoup de lieux, il faut se battre pour obtenir une vraie parité. Ensuite, l’obstacle majeur pour nous aujourd’hui, et c’est un sujet de fond, c’est celui de l’aide à la restauration scolaire, que les collectivités ne sont pas tenues de nous verser.

Le temps de cantine est devenu un temps scolaire – presque tous les élèves restent déjeuner – mais il n’est pas reconnu comme tel. Il n’est pas normal que les familles de nos élèves ne bénéficient pas des mêmes mesures sociales que celles d’enfants scolarisés dans le public. Rien ne le justifie. C’est ce qui nous permettra de favoriser une plus grande mixité sociale et scolaire dans nos établissements. Car la restauration est une charge incompressible. Dans certains établissements, elle est supérieure à la contribution des familles. D’ailleurs, dans l’enseignement catholique, le coût du service de restauration est beaucoup moins cher que dans le public. En Ile-de-France par exemple, le repas fourni à un lycéen du public coûte 9,50 euros. Chez nous, environ 7 euros. Pourquoi cette différence ?

Quelle appréciation portez-vous sur la conception de la laïcité portée par Jean-Michel Blanquer ?

La force de l’enseignement catholique, c’est d’avoir une conception ouverte de la laïcité, où la question religieuse n’est pas mise à la porte ou réservée à la sphère privée. La cantonner à la sphère privée serait le meilleur moyen d’entretenir une forme de séparatisme. C’est dans le dialogue et la rencontre qu’on apprend à se connaître, à s’enrichir les uns les autres, au-delà du respect.

« La force de l’enseignement catholique, c’est d’avoir une conception ouverte de la laïcité, où la question religieuse n’est pas mise à la porte »

On a parfois, en France, une conception de la laïcité extrêmement étriquée. Un maître a été sanctionné parce qu’il avait osé prendre un extrait de la Bible pour faire travailler les élèves. On marche sur la tête ! Des familles d’autres religions viennent chez nous en disant : je sais que chez vous, Dieu ne sera pas mis à la porte. Nous voulons vivre pleinement la laïcité, le respect absolu des consciences, mais sans exclure, et en disant clairement ce qu’on est. Ce n’est pas en rejetant, en refusant, en interdisant que des personnes qui ont du mal à intégrer notre société le feront mieux.

Le recensement des atteintes à la laïcité va-t-il trop loin ?

Ce qui me gêne, c’est qu’une forme de délation finit par se mettre en place. Chaque mot, chaque phrase, tout va être interprété. Il faut être vigilant mais pas trop en faire non plus. Un parent qui refuse de serrer la main d’une enseignante, c’est scandaleux, il faut le dénoncer. Mais faut-il toujours publier ?

Quelles sont les attentes des familles dont vous scolarisez les enfants ? Que viennent-elles chercher ?

Elles ne l’expriment pas toujours très clairement. Beaucoup emploient le terme un peu galvaudé de « valeurs ». Elles recherchent le « bien pour leur enfant », qu’il ne soit pas « noyé », que l’école « fasse bien son métier », un « encadrement ». Bref, un enseignement de qualité.

Nous évoluons dans une société sécularisée, où des parents ont reçu une éducation religieuse, d’autres pas du tout. Ce n’est pas une messe toutes les semaines qu’ils recherchent, autrement dit, pas le côté catholique de l’enseignement catholique. Non, ils souhaitent que leur enfant soit accueilli dans sa globalité. Et c’est ce que nous défendons : accueillir une personne avant d’accueillir un élève. Pas seulement un cartable et un cerveau, mais un enfant qui vient avec son histoire.

Faut-il y voir de leur part un rejet de l’enseignement public ?

Les familles exercent, en France, leur liberté de choix. Des effets conjoncturels peuvent jouer. Par exemple, un mouvement de grève massif dans le public peut être suivi d’une hausse des inscriptions chez nous. Cela s’est vu dans le passé, c’est cyclique.

Mais je crois que si des familles inscrivent leur enfant chez nous, c’est pour notre projet spécifique : un « commun éducatif », le fameux caractère propre de l’enseignement catholique. Ce qui nous importe, c’est que ces familles aient bien en tête que notre caractère propre n’est pas un à-côté mais un tout, auquel elles doivent s’associer pleinement. Elles restent le premier éducateur de leur enfant.

Ce caractère propre, comment se définit-il et se décline-t-il en 2021 ?

La loi Debré [qui, en 1959, a instauré un système de contrats entre l’Etat et les établissements privés] ne l’a pas défini. On peut penser qu’il renvoie à une proposition catéchétique, ou à la présence d’un prêtre dans les établissements : ça en fait partie sans se réduire à ça. Pour moi, cela veut dire que toute la vie de l’école doit être inspirée et vécue au regard de l’Evangile de Jésus-Christ.

Dans une société sécularisée, où 1,8 % des adultes vont à la messe tous les dimanches, où beaucoup n’ont reçu aucune éducation religieuse, l’enseignement catholique doit être en mesure d’exprimer qui nous sommes et ce qui nous inspire, d’aider tous les enfants – qu’ils soient croyants ou non – à cheminer, et à découvrir le Christ pour ceux qui le désirent.

Que pensez-vous de l’augmentation des ouvertures d’établissements musulmans ?

Il y a une demande. Nous resterons toujours attachés à la liberté. Si des établissements musulmans demandent à passer sous contrat et qu’ils remplissent les critères de la loi Debré, il me semble que c’est un moyen de ne pas exclure. Cela permet aussi d’éviter une certaine clandestinité, de lutter contre une forme de séparatisme. A condition qu’il y ait un accueil de tous sans discrimination, conformément à la loi Debré.

L’enseignement catholique à l’épreuve de sa démographie

Au terme de cette deuxième année scolaire touchée par le Covid-19, le réseau de l’enseignement privé catholique s’interroge sur l’évolution à venir des effectifs.

Par Mattea Battaglia
Le Monde, le 19/06/2021

 

« Si ça continue, on ira toquer à la porte du privé… » Dans le secret de leur bureau, il n’est pas rare, confient des chefs d’établissement, que l’argument soit agité par des parents mécontents. Derrière le « ça », un professeur absent, une méthode qu’ils réprouvent, des tensions entre élèves… Parfois aussi, ces derniers mois, des fermetures de classes au gré de la circulation du Covid-19. Ou des emplois du temps « en pointillé », source d’inquiétude dans les foyers.

« Cette façon de mettre en concurrence public et privé n’est pas nouvelle », objecte Bruno Bobkiewicz, tout juste porté à la tête du syndicat de proviseurs du public SNPDEN-UNSA. « Que certains parents puissent considérer l’éducation comme un marché ne nous étonne plus. Mais il est vrai que l’épidémie n’a rien arrangé, observe ce proviseur à Vincennes (Val-de-Marne) : le maintien des cours à 100 % en présentiel dans certains établissements, quand d’autres ont respecté à la lettre la recommandation de la demi-jauge, peut nourrir ce type de discours. »

Ces parents sautent-ils le pas pour autant ? Dans les rangs de l’enseignement catholique, la réponse est prudente : si « effet Covid » il y a, il se mesurera sur les effectifs « dans un an ou deux », et pas en septembre, explique Philippe Delorme, son secrétaire général.

 

Impact économique

 

Effet « à la hausse », effet « à la baisse » : à ce stade, le patron de l’enseignement privé n’exclut aucun des scenarii. « Oui, des familles viennent vers nous en nous disant qu’elles ont entendu parler de la manière dont nos équipes se sont mobilisées pendant la criseMais nous ne sommes pas à l’abri de l’effet inverse : l’impact de la crise sur les revenus de certains foyers – des artisans, des restaurateurs, des commerçants – peut aussi conduire à une baisse des inscrits. »

L’enseignement catholique en a fait l’expérience en septembre 2020, première rentrée touchée par le Covid-19 : face aux incertitudes économiques, des familles avaient préféré annuler ou retarder leur inscription dans le privé, et s’épargner des frais de scolarité variables d’un établissement à l’autre.

Si les pronostics sont prudents, l’évolution démographique générale est, elle, connue : selon le service statistique du ministère de l’éducation, on comptabilisera à la rentrée quelque 89 000 écoliers en moins, public et privé confondus (du fait de la baisse de la natalité depuis 2010), contre 43 400 collégiens et lycéens supplémentaires. « On s’attend mathématiquement à accueillir moins d’élèves au primaire », prévient M. Delorme.

Mais plus dans le secondaire ? A l’échelle du lycée privé Saint-Martin de Rennes, fort de 1 450 élèves, Denis Cospérec n’a pas de doute : « chez lui », la pression des inscriptions a « nettement » augmenté. « On accueille habituellement 490 nouveaux élèves chaque année, pour 600 demandes qui nous sont faites. Là, on a rentré 800 dossiers. On était plein fin mars, alors qu’on ne clôt la procédure, d’ordinaire, qu’à la mi-mai. »

 

« Incidence
sur les départs »

 

A Saint-Michel de Picpus, dans le 12e arrondissement de Paris, la pression est « forte », reconnaît aussi Marie-Astrid Courtoux-Escolle. Mais pas forcément « plus forte »« Quand on ouvre la procédure d’inscription, fin septembre pour le mois de septembre d’après, on atteint en quelques jours un plafond », dit-elle. L’équivalent de quatre classes de 35 élèves figure sur sa liste d’attente. « Je ne vais pas au-delà pour ne pas donner de faux espoirs aux parents. »

A Notre-Dame de Sion, dans le 6e arrondissement de la capitale, on comptabilise sept demandes pour une place à l’entrée en 6e, et quatre demandes pour une place en 2de« La pression est plutôt stable sur les trois dernières années », tempère toutefois Philippe Toussaint, le directeur.

Dans ces groupes scolaires de haute réputation, les familles disent venir « d’abord » pour le projet d’établissement, pour l’« encadrement », pour l’« exigence ». La dimension spirituelle est peu mise en avant. L’entre-soi, qu’épinglent pourtant les spécialistes de l’école, encore moins. « Les parents parlent beaucoup entre eux, reprend Philippe Toussaint. Ils savent que les cours ont été assurés au maximum cette année ; dans le contexte d’incertitude actuel, c’est rassurant. »

Lui, à Paris, a « strictement » appliqué le fonctionnement en demi-jauge, classes de terminale comprises. Denis Cospérec, à Rennes, a pu jusqu’en mai « tourner à plein » – à plein temps et avec des classes pleines. « Plus qu’une incidence sur les demandes d’inscriptions, j’en vois une sur les départs qu’on a pu éviter, témoigne-t-il. D’ordinaire, en fin de 3e, certains élèves nous quittent pour intégrer un lycée public. Cette année, on n’a pas cette évaporation. »

 

Pression « dans les métropoles en croissance »

 

Une évolution favorable réservée à des établissements favorisés ? Pas seulement. Au lycée Grégor-Mendel de Vincennes, la rentrée se prépare avec 650 élèves, contre 600 habituellement. A Valenciennes (Nord), le collège Sainte-Marie a très vite rempli ses quatre classes de 6e« On n’est pourtant pas implanté dans un territoire de forte pression, souligne Jean-Christophe Balique, le principal, mais on sent que les familles éprouvées par la crise recherchent un cadre. »

Au secrétariat général de l’enseignement catholique, on insiste sur une« géographie contrastée ». « La pression ne faiblit pas dans les métropoles en croissance, rapporte Philippe Delorme. Mais en parallèle, dans certaines zones rurales et tout au long de la diagonale du vide, d’autres établissements se vident. » Une « réflexion prospective » est engagée à ce sujet.

Covid-19 : les débuts laborieux de la campagne d’autotests au lycée

Depuis le 10 mai, les lycéens volontaires sont censés s’autotester une fois par semaine dans leur établissement. Mais rares sont ceux qui ont eu accès à un kit de dépistage. Cet outil pourrait bientôt être distribué pour une utilisation à domicile, sous la supervision des parents.

Denis Peiron,
le19/05/2021

 

« Les autotests peuvent contribuer
à faire baisser la pression sanitaire
»

 

 

Le ministère se garde de communiquer des chiffres. Il faudra, dit-il, patienter jusqu’au prochain point de situation Covid hebdomadaire, prévu ce vendredi 21 mai, pour avoir une idée précise du déploiement des autotests dans les lycées. Mais l’entourage de Jean-Michel Blanquer n’en fait guère mystère, la mise en œuvre de cet outil demeure « progressive », neuf jours après le lancement d’une campagne de dépistage supposée massive.

Le gouvernement a promis à tous les lycéens volontaires la possibilité de se tester une fois par semaine. Mais rares sont ceux qui ont déjà pu pratiquer un de ces tests antigéniques, qui doivent s’effectuer sur la supervision d’un « encadrant », dans une salle prévue à cet effet.

Retard dans l’arrivée des kits, couacs dans certaines notices et surtout manque de personnel… « Dans mon lycée, les tests sont arrivés dans le courant de la semaine dernière mais aucun n’a pour l’heure été utilisé », témoigne Agnès Andersen, proviseure à Strasbourg et secrétaire générale adjointe du syndicat de chefs d’établissement Indépendance et Direction. « Si nos 1200 élèves devaient tous s’autotester, nous serions obligés de mener ces dépistages sur des temps de cours, déjà très réduits pour respecter la jauge à 50 %. »

Cette proviseure a pu recruter l’un des 2 500 médiateurs supplémentaires récemment promis par le ministère. Un jeune qui sera en poste à compter du jeudi 20 mai. Il restera malgré tout à obtenir les autorisations des parents… « Pour l’heure, nous avons à peine 15 % de réponses positives de leur part », glisse-t-elle.

Dans leur ensemble, les proviseurs, en première ligne depuis un an face à la crise sanitaire, ne semblent guère pressés de déployer cette campagne. Dans le public comme dans le privé. « Dans les conditions actuelles, une majorité de lycées de notre réseau ne fera pas passer les autotests », prévenait ainsi dans La Croix, à la veille du lancement de la campagne, Arnaud Patural, le vice-président du SNCEEL, principale organisation de chefs d’établissement du privé.

« On peut comprendre la lassitude des chefs d’établissement et les difficultés de mise en œuvre de cette campagne mais les autotests peuvent contribuer à faire baisser la pression sanitaire », réagit Philippe Delorme, le secrétaire général de l’Enseignement catholique. « Ils constituent une contrepartie à la réouverture des lycées intervenue le 3 mai », insiste-t-il. Aussi, le mercredi 19 mai, Philippe Delorme a-t-il adressé une lettre aux directeurs diocésains, pour que « chacun, au-delà des difficultés et des réprobations, assume ses responsabilités jusqu’au bout et continue, à apporter sa contribution à la lutte collective contre ce virus ».

Reçu récemment au ministère, le SNCEEL insiste sur la volonté des chefs d’établissement de jouer le rôle de « facilitateurs ». À condition que la campagne d’autotests soit mise en œuvre « par du personnel formé, recruté par les rectorats ». Ce qui, ici et là, commence à s’organiser.

« Réalisons les tests dans la mesure du possible, en fonction des disponibilités de chacun », lâche sobrement Benoît Van Nedervelde, le président du Synadic, autre organisation de chefs d’établissement du privé. « Sachant qu’il sera difficile d’organiser un dépistage chaque semaine là où une large part des élèves est volontaire. »

Des autotests en septembre ?

Prenant acte des débuts laborieux de cette campagne, le gouvernement semble prêt à accepter une revendication quasi unanime des chefs d’établissement : permettre aux lycéens d’utiliser les autotests chez eux, sous la supervision de leurs parents. « L’idée est qu’ils apprennent à les faire dans leur établissement, avant de s’en servir à domicile », assure désormais le ministère.

La grande opération de dépistage hebdomadaire dans les établissements (avec la distribution de 60 millions de tests d’ici à juin) semble s’évanouir. D’autant que l’épreuve de philo du bac est programmée le 17 juin. Et qu’il faudra cesser les cours une semaine avant à titre de quarantaine préventive… « Ce travail n’est pas perdu », assure le ministère, qui vient de lancer sur les réseaux sociaux une campagne pour vanter le dispositif. « Car le virus sera sans doute toujours là à la rentrée. Les autotests conserveront hélas leur utilité. »

"On a besoin de jeunes qui s’engagent pour notre société"

Philippe Delorme sur RCF le 5 mai 2021

Comment l’enseignement s’est-il adapté pour terminer le dernier trimestre de cette année scolaire si particulière  ? Les élèves sont-ils prêts aux examens de fin d’années ? Les précautions sanitaires sont-elles en place ? Autant de questions posées à Philippe Delorme, secrétaire général de l'Enseignement catholique, invité de la Matinale RCF du 5 mai 2021.

 

L'envie d'école

Quelques jours après le retour des élèves dans les collèges et lycées, Philippe Delorme se félicite d’une rentrée qui s’est bien passée. "C’est une nécessité, un vrai désir de la part des enseignants, des élèves de revenir physiquement à l’école. Il y a la joie de revenir à l’école", témoigne-t-il.

Si le bilan tiré de cette année concerne en premier lieu "l’admirable travail des chefs d’établissement, qui se sont adaptés", "les jeunes sont en souffrance", alerte le secrétaire général de l’Enseignement catholique. "C’est difficile pour eux et on me signale ici ou là des élèves qui sont fragilisés psychologiquement", ajoute-t-il.

Être attentif aux jeunes en souffrance

L’enjeu est donc de les rassurer, les encourager, les écouter, selon lui. "L’enseignement catholique repose sur l’Évangile du Christ, donc c’est toute la communauté éducative qui est amenée à avoir cette attention pour les jeunes", explique Philippe Delorme. Le décrochage scolaire concerne plus de 100.000 jeunes en France. "Il faut pouvoir les suivre réellement, ne pas hésiter à prendre contact avec eux pour éviter qu’ils se perdent et puis il va falloir réfléchir à comment accompagner ces jeunes pour qu’ils ne perdent pas pied", affirme le secrétaire général de l’Enseignement catholique.

Face à la crise sanitaire et aux évolutions de la société, "ce qui nous semble déjà important c’est notre raison d’être", estime Philippe Delorme. "Je crois profondément que l’enseignement catholique fondé sur l’Évangile du Christ constitue une réponse aux problèmes de notre société notamment en matière de fraternité. On a besoin de jeunes qui s’engagent pour notre société", conclut-il.

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Echos dans la presse de l'année 2020 dans l'Enseignement catholique

Charles Péguy Bobigny: vitrine d'une laïcité apaisée

Dans cet établissement pour filles géré par la communauté Saint-François-Xavier, des élèves du CP à la terminale parlent sans ambages de leur foi, quelle qu’elle soit. Fêtant jeudi 3 décembre leur saint patron, les consacrées qui les encadrent veillent, avec le corps éducatif, à y maintenir un dialogue interreligieux ouvert et éclairé.

Malo Tresca
La Croix
Le 3 décembre 2020

La scène détonne, à quelques dizaines de mètres d’une artère passante et délabrée de Bobigny, en plein cœur de la Seine-Saint-Denis. À l’ombre des usines et des barres HLM qui percent au loin la ligne d’horizon, deux classes de fillettes, vêtues de blouses bleu marine brodées de leurs noms, sont assises en tailleur sous un préau d’école. La cloche vient de sonner, et comme chaque début d’après-midi, Agnès Bertheau, directrice du primaire du centre Charles-Péguy (800 élèves), les réunit pour un bref temps d’échange.

« Qui peut me dire qui était saint François-Xavier ? », lance cette membre de la communauté apostolique éponyme, au service de l’éducation des filles. Hésitantes, les réponses fusent : « Un apôtre de Jésus ? », « C’est une fête chrétienne ! » Fait notable, les réactions émanent aussi bien, dans cet établissement privé sous contrat où les catholiques sont minoritaires, de petites élèves musulmanes que de jeunes filles hindouistes. Car ici, les femmes consacrées de la communauté Saint-François-Xavier (SFX) et l’ensemble du corps éducatif du réseau Madeleine Daniélou cultivent un dialogue interreligieux et éclairé.

Liens interconfessionnels

En cette fin novembre, l’heure est déjà aux préparatifs de la « Saint-François-Xavier », le missionnaire jésuite fêté le jeudi 3 décembre. Le lendemain, la matinée sera traditionnellement banalisée, pour permettre aux élèves qui le souhaitent – y compris non-chrétiennes – d’assister à la messe. Le reste de la matinée s’égrènera au rythme d’animations sur la fraternité ou les liens interconfessionnels. « Il faut savoir valoriser chaque communauté, pour la libérer de toute agressivité, sans pour autant la porter aux nues ou la présenter comme unique », souligne Christiane Conturie (SFX), auteure de deux ouvrages sur la spiritualité et l’enseignement.

Pas question de verser ainsi dans le prosélytisme. « Tout est transparent avec les familles, les filles savent que nous reconnaissons leur religion et que nous n’allons pas les christianiser ! » abonde Christiane Foullon, responsable de la communauté locale.

À quelques pas de la mosquée de Pantin, frappée fin octobre par une fermeture administrative, ce modèle de « laïcité apaisée » interpelle dans le quartier. Et l’exemple en a encore été donné à l’issue des vacances de la Toussaint, marquées d’une pierre noire par l’assassinat de Samuel Paty et l’attentat de la basilique de Nice ; le jour de la rentrée, les élèves de terminales se sont donné le mot entre elles pour s’habiller toutes en noir, en signe de soutien à leurs enseignants et à la communauté.

 

Maturité impressionnante

« En amont, nous avions échangé pendant deux heures, avec les professeurs, sur la manière de mener le temps d’hommage et d’intériorité dans les différentes classes », explique Jean-Luc Barre, chef d’établissement collège-lycée depuis l’an dernier. Des documents évoquant des rencontres entre catholiques et musulmans ont été distribués, et les adolescentes ont visionné la vidéo d’une rencontre entre l’imam de la mosquée de Bobigny et le curé d’une paroisse Saint-André voisine.

« J’étais en colère, je trouvais qu’il y avait un décalage entre l’islam vécu chez moi et présenté aux infos, mais nos profs ont su calmer cela », confie Sofia, 13 ans, attablée à la cantine avec sa camarade – catholique – Maud. Sur ces sujets épineux, leur maturité impressionne, acquise peut-être lors des cours de catéchèse ou de culture humaine et religieuse (CHR) – permettant d’étudier les croyances et pratiques de chaque religion – qu’elles peuvent suivre chaque semaine.

Derrière ce beau tableau, le corps éducatif n’élude pas les difficultés éprouvées avec de tels brassages interculturels et religieux. « Pendant le Ramadan, notamment, le rapport entre des élèves musulmanes de courants très divers peut être compliqué ; certaines peuvent développer un complexe de supériorité », explique Marie de Castelbajac (SFX). Ici, le défi est loin d’effrayer, mais il faut à nouveau trouver les mots pour faire tomber barrières et préjugés.

Les échos de la conférence de presse de rentrée de Philippe Delorme
du 24 septembre 2020

Effectifs en baisse, classes fermées: l'Enseignement catholique au défi de la crise sanitaire

 

Les établissements privés catholiques sous contrat avec l'Etat font eux aussi état d'une rentrée compliquée

Par Mattea Battagila

Le Monde du 24 /09/ 2020

Huit mille élèves de perdus. Rapportés aux 2,1 millions scolarisés dans l’enseignement privé catholique sous contrat avec l’Etat, est-ce problématique ? Au SGEC, le secrétariat général qui chapeaute les 7 400 écoles, collèges et lycées sous contrat avec l’Etat, on prend cette baisse des effectifs très au sérieux.

« Cela fait trois rentrées scolaires successives [2018, 2019 et 2020] que nous perdons des élèves au primaire, mais, jusqu’à présent, la tendance dans le premier degré était compensée par une hausse des inscriptions dans les collèges et les lycées », a expliqué, jeudi 24 septembre, Yann Diraison, secrétaire général adjoint du SGEC, lors de sa traditionnelle conférence de presse de rentrée. Pour la première fois en cette rentrée particulière, le solde net est négatif. La baisse démographique [liée à la diminution des naissances depuis 2010] ne peut pas en être la seule cause. »

La crise sanitaire est passée par là, et, avec elle, des « désistements de dernière minute » auxquels l’enseignement catholique ne s’attendait pas. « Un peu partout, des chefs d’établissement nous ont fait part de reports d’inscription ou de désinscriptions annoncés par les familles durant l’été », a expliqué jeudi le secrétaire général du SGEC, Philippe Delorme.

Les premières remontées, relayées par les directeurs diocésains (l’équivalent des rectorats dans l’enseignement public), sont venues du Centre, du Morbihan et de la Bourgogne, avant de s’étendre au reste du territoire. « On a vu se désister des familles que l’on savait en difficulté financière, mais d’autres, aussi, qui gagnaient bien leur vie jusqu’à présent, des artisans, des commerçants, des restaurateurs qui ont peur de l’avenir. »

 

« Incertitudes économiques »

Autant de familles qui, face aux « incertitudes économiques liées à la crise sanitaire », préfèrent reculer d’un an leur inscription dans le privé, et s’épargner d’autant les frais de scolarité, très variables d’un établissement à l’autre. Ou renoncer à y faire entrer leur enfant en maternelle pour patienter jusqu’au CP. Parmi les autres explications évoquées : la perspective de potentiels nouveaux confinements scolaires qui rendraient moins « évidents » les avantages attribués, par certains, à l’enseignement catholique – dans l’encadrement, l’aide aux devoirs, le remplacement des enseignants absents…

A l’occasion de sa conférence de presse de rentrée, l’enseignement catholique a rappelé son souhait d’être associé à la politique d’éducation prioritaire en cours de refonte

« On a pu entendre ces dernières semaines que la crise nous procurerait un avantage concurrentiel » par rapport à l’enseignement public, a souligné M. Delorme, « il n’en est rien ». Au plan national, l’instance qu’il préside comptabilise cette année 14 855 inscrits de moins à l’école, pour 6 915 de plus dans les collèges et les lycées. En tenant compte de l’enseignement agricole privé, qui perd 783 élèves, on dépasse les 8 000 élèves perdus d’une rentrée sur l’autre.

Tous les départements – ou presque – sont concernés : les établissements privés parisiens perdent 243 élèves au primaire et 78 dans le secondaire ; ceux d’Amiens, respectivement 624 et 136 ; ceux de Lille, 1 987 et 70.

Même Créteil est touchée par cette érosion des effectifs – un territoire où, au premier jour de la rentrée, manquaient à l’appel près de 4 000 élèves du second degré dans le public. Elus et syndicalistes évoquaient alors, entre autres hypothèses, leur possible « fuite dans le privé ». Cela ne s’est pas vérifié : à Créteil, l’enseignement privé présente un solde positif dans le secondaire, mais de 712 élèves seulement ; les établissements du premier degré perdent, eux, 291 écoliers.

A l’occasion de sa conférence de presse de rentrée, l’enseignement catholique a rappelé son souhait d’être associé à la politique d’éducation prioritaire en cours de refonte. « Nous avons rencontré à ce sujet [le ministre de l’éducation] Jean-Michel Blanquer, a fait valoir M. Delorme. Nous devons encore dans les jours qui viennent rencontrer [la secrétaire d’Etat à l’éducation prioritaire] Nathalie Elimas pour définir, ensemble, les modalités de notre participation. »

L’entrée de l’enseignement privé dans l’éducation prioritaire bousculerait des équilibres anciens : à ce jour, l’enseignement privé bénéficie de subventions selon une règle en vigueur depuis la loi Debré de 1959 : il reçoit 20 % du total des enveloppes de l’Etat puisqu’il accueille environ 20 % des enfants en âge d’être scolarisés.

 

Des centaines de classes fermées dans le privé

Alors que le dernier bilan des établissements fermés dans le public, arrêté au 17 septembre, a atteint 89 structures scolaires et 5 056 élèves testés positifs au Covid-19 (cumul sur sept jours), l’enseignement privé catholique a communiqué, jeudi 24 septembre, son premier bilan : 26 classes ont dû fermer durant la première semaine de septembre, 281 classes durant la deuxième semaine, 123 classes au cours de la troisième et 10, seulement, cette dernière semaine. « Ces chiffres peuvent se cumuler », a précisé le secrétaire général de l’enseignement catholique, Philippe Delorme. Au total, ces fermetures ont touché 14 000 élèves.

L'Enseignement catholique perd des élèves

 

La crise du Covid contribue à une érosion des effectifs de l’enseignement catholique (– 0,4 %).

Par Denis Peiron

La Croix du 25 /09/ 2020
www.la-croix.com/

L’enseignement catholique scrutait un éventuel effet Covid sur ses inscriptions. Et effectivement, un peu partout, des désistements inhabituels sont survenus pendant l’été. « Cela touche un peu tous les territoires », précise le secrétaire général Philippe Delorme, qui tenait une conférence de presse jeudi 24 septembre à Paris. « Cela concerne surtout certaines des familles les plus fragiles mais aussi de parents qui d’ordinaire disposent de revenus assez confortables, des artisans, des commerçants, des restaurateurs, qui ont vu leur budget se détériorer brutalement. »

Débloquées par les organismes de gestion des établissements ou par l’Apel (Association de parents d’élèves de l’enseignement libre), les aides financières n’ont pas permis de contrer totalement ce mouvement.

Il faut dire qu’au moins les frais de cantine (7 € en moyenne par repas) restent à la charge des parents. En la matière, Philippe Delorme veut que cessent « les discriminations ». Il demande ainsi aux collectivités d’aider de la même manière, comme elles en ont le droit, les familles du public et du privé en prenant en charge une partie du coût des repas.

Nombre de familles ont choisi de repousser l’entrée de leur enfant dans le privé en se disant qu’il n’y a pas lieu de payer pour l’école avec le risque qu’elle se fasse de nouveau à distance (14 000 élèves de l’enseignement catholique ont déjà été concernés depuis la rentrée par une fermeture de leur classe).

Ces désistements sont venus s’ajouter à des tendances plus structurelles comme la baisse démographique dans le premier degré (1) et une implantation historique de nombreux établissements catholiques dans des zones aujourd’hui peu dynamiques – même si un redéploiement est en cours.

Cela explique que la baisse récurrente des effectifs dans le primaire (– 1,7 %) n’est plus compensée par la hausse dans le second degré, limitée à 0,6 % (contre 0,8 % l’an dernier). C’est la première fois en dix ans que l’enseignement catholique perd des élèves.

(1) Public et privé confondus, on compte aujourd’hui 6,65 millions d’écoliers, contre 6,70 millions à la rentrée 2019.

Covid 19: l'Enseignement catholique a perdu des effectifs dans le 1er degré

 

La crise du Covid contribue à une érosion des effectifs de l’enseignement catholique (– 0,4 %).

Par Isabelle Tournée

AFP, le 24 /09/ 2020

Pas d'"effet d'aubaine" dans l'enseignement catholique avec le coronavirus: les effectifs ont baissé cette année dans le premier degré sans être compensés par une hausse dans le second degré, sur fond d'"incertitude économique".

"On a pu entendre ces dernières semaines que la crise nous procurerait un avantage concurrentiel" par rapport à l'enseignement public, "il n'en est rien", a souligné jeudi lors d'une conférence de presse Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique.

Dans le premier degré, les effectifs ont baissé de 1,7% (-15.000 élèves). C'est la troisième année qu'ils diminuent en maternelle et au primaire mais cette année, ils n'ont pas été compensés par la hausse enregistrée dans le second degré (+7000).

Avec une baisse de 1,75% dans l'enseignement agricole, les effectifs ont diminué au total de 0,42% dans les établissements scolaires catholiques.

Il n'y a donc eu "aucun effet d'aubaine" lié à la crise du coronavirus, a affirmé M. Delorme. Il explique la baisse du premier degré par l'évolution démographique, mais aussi par des "facteurs économiques liés à la crise", qui a "fragilisé un certain nombre de familles".

"Les chefs d'établissement ont fait état d'un nombre important de désinscriptions des familles durant l'été", a-t-il dit. Des désistements répartis uniformément sur le territoire.

Parmi les autres explications possibles: la perspective de potentiels nouveaux confinements qui rendraient moins évidents les avantages attribués par certains à l'enseignement catholique (un encadrement plus rigoureux, un accompagnement personnalisé...).

M. Delorme a par ailleurs regretté qu'en cette période d'incertitude économique et financière, l'enseignement catholique soit exclu "dans la majorité des cas" des dispositifs d'aide à la restauration annoncés l'an dernier par le gouvernement pour les collectivités locales.

"Pour certains de nos élèves, la cantine est le seul repas équilibré de la journée", a insisté M. Delorme. Dans l'enseignement catholique, le coût moyen, à la charge des familles, est de 7,50 euros, a-t-il souligné.

Covid 19: première baisse des effectifs depuis 10 ans dans l'enseignement catholique

 

Philippe Delorme, secrétaire général de l'Enseignement catholique lance un appel pour lutter contre les inégalités qui pénalisent les élèves des écoles catholiques.

Par Marie Guerrier

RTL, le 24 /09/ 2020

Cest une première depuis dix ans. L'enseignement catholique a perdu des élèves, certains parents ont désinscrit leurs enfants pour des raisons financières.

Le secrétaire général de l'Enseignement catholique, Philippe Delorme fait état de désistements inhabituels pendant les grandes vacances, qui s'expliquent par la fragilisation de certaines familles : "Elles ont appris pendant l'été qu'elles risquaient de perdre leur emploi, ce sont celles aussi qui se sont brutalement retrouvées privées de revenus. Je pense aux enfants de commerçants, d'artisans, de restaurateurs... Il y en a beaucoup pour qui la situation est très préoccupante. Dans l'attente de jours meilleurs, ils ont préféré inscrire leurs enfants dans l'enseignement public", constate-t-il.

Car ce qui coûte le plus cher dans l'enseignement catholique, c'est la cantine. Les collectivités locales subventionnent les repas des élèves du public pour réduire les tarifs mais pas ceux du privé. Philippe Delorme lance alors un appel : "Nous demandons qu'il y ait une parité entre les enfants, qu'on gomme cette inégalité parce que l'on crée une discrimination entre les enfants. Ils devraient avoir les mêmes droits et aides".

En tout, on compte 8.723 élèves en moins dans l'enseignement catholique en cette rentrée, c'est donc la première baisse depuis dix ans. Cette baisse est forte en primaire pour des raisons démographiques (comme dans le public d'ailleurs). Mais par rapport aux années précédentes, la hausse des inscriptions en collège et lycée dans l'enseignement catholique ne compense pas.

Covid 19: première baisse des effectifs depuis 10 ans dans l'enseignement catholique

Payer pour la classe à distance a-t-il déçu les parents? L’école privée compte 15.000 élèves en moins à la rentrée.

Par Marie-Estelle Pech,
Le Figaro, le 24 /09/ 2020

L’enseignement catholique a constaté cet été un nombre important de désinscriptions d’élèves, particulièrement dans les classes de maternelle. Elles touchent quasiment toutes les académies, y compris les grandes villes et l’ouest de la France, où les écoles privées sont habituellement les plus attractives. Un mouvement «inhabituel», lié à la crise du Covid, selon Philippe Delorme, le secrétaire général de l’enseignement catholique.

 «Contrairement à ce qu’on a pu entendre, on n’a pas eu d’avantage concurrentiel avec cette crise», note-t-il. Primaire et secondaire confondus, les établissements confessionnels perdent 8 723 élèves cette rentrée. Si les collèges et lycées accroissent leur nombre d’élèves, bénéficiant d’une hausse démographique nationale pour cette tranche d’âge, ils ne peuvent masquer le fait que les écoles en perdent.

Certes, la chute des effectifs de 1,7 % en primaire, soit presque 15 000 élèves en moins, s’explique en partie par la baisse démographique: le nombre de naissances n’a cessé de chuter depuis 2010 et plus fortement encore depuis 2014. L’enseignement public perd aussi des élèves, mais dans une moindre proportion. «Des familles sont éprouvées financièrement à cause du Covid. Des familles d’artisans, de restaurateurs, de commerçants, très présentes dans l’enseignement catholique, ont vu leur budget baisser. D’autres sont au chômage…», observe le secrétaire général. Et les incertitudes économiques et sanitaires pèsent plus généralement sur tous les parents, «de tous milieux sociaux».

L’attente d’une situation économique plus stable

D’après des remontées de chefs d’établissements, certains parents, craignant à nouveau des confinements, ont préféré retirer leurs enfants du privé ou ne pas les y inscrire: l’enseignement à distance a pu affaiblir leur intérêt pour l’école privée. Surtout quand il est limité, comme en maternelle. Pourquoi payer pour un «service» sans spécificité ou «plus-value» particulière par rapport à l’enseignement public?, ont-ils pu se dire. Les avantages du privé, l’encadrement, le suivi des élèves, l’esprit de l’établissement paraissent moins évidents quand on ne le fréquente plus. Certains ont expliqué auprès des établissements qu’ils laisseraient leurs enfants dans le public en maternelle, attendant une situation économique plus stable pour les inscrire dans le privé, plus tard, en CP par exemple. «Il ne s’agit pas nécessairement de personnes en difficultés financières mais de familles qui préfèrent économiser en attendant des jours meilleurs», explique Philippe Delorme.

«Cet intérêt en baisse pour le privé, lié à la crise, explique-t-il 10 %, 20 %, 30% de cette chute d’effectifs? Impossible à dire mais c’est une réalité que nous rapportent tous nos directeurs diocésains, même s’il ne s’agit pas d’une bérézina». Des mécanismes d’aides financières internes ont été mis en place pour les familles durement touchées par la crise pour accorder des réductions, voire des gratuités totales. Philippe Delorme en appelle aussi aux collectivités locales pour qu’elles subventionnent les cantines. Le poids de la cantine dans l’enseignement privé - environ 7,50 euros par repas - est bien supérieur à celui des établissements publics, qui tourne autour de 4 à 5 euros, voire beaucoup moins pour les familles défavorisées. Ce coût constitue un véritable repoussoir pour les familles les plus fragiles, estime-t-il. La crise sanitaire a révélé que c’était pour certains jeunes l’unique repas équilibré de la journée, y compris dans l’enseignement catholique. Si certaines collectivités locales ont mis en place des aides significatives pour tous, comme en Côte-d’Or, rares sont celles qui n’ont pas mis de côté l’enseignement privé: «Cette situation n’est ni juste, ni équitable. Il y a une véritable rupture d’égalité, une forme de discrimination qui est une entrave à la liberté de choix des familles», insiste Philippe Delorme.

"La mixité sociale et scolaire est une condition indispensable à l'éducation" affirme Philippe Delorme. Le secrétaire général de l'enseignement catholique, à l'occasion de la traditionnelle conférence de presse de rentrée, affirme "je ne transigerai pas" à propos de certains "axes incontournables" parmi lesquels donc le désir "d'accroître (la) présence (de l'enseignement catholique) auprès des enfants et des jeunes moins favorisés", ce qui ne pourra se faire si le SGEC n'est pas "pleinement associé à la nouvelle politique d'éducation prioritaire". "Jean-Michel Blanquer (lui) a renouvelé son accord" et il doit rencontrer prochainement Nathalie Elimas, la secrétaire d'Etat en charge de ce dossier.

Il pointe à ce sujet une difficulté. "Si des mécanismes de solidarité permettent de réduire la contribution financière des familles, la question du coût de la restauration demeure un frein." En effet, la dépense n'étant pas obligatoire, elle n'est pas couverte par le forfait d'externat. Toutefois, certaines collectivités locales "ont fait le choix de ne pas faire de différence entre les élèves du public et du privé", mais "dans la majorité des lieux, ce n'est pas le cas", et un repas qui revient à 2€ pour les familles du public en coûte en moins 7,50€ dans le privé.

Moins d'élèves

Cette question de la mixité sociale est l'un des éléments de la vaste réflexion prospective engagée depuis deux ans pour donner à l'enseignement catholique "une vision d'avenir" et qui devrait aboutir à un texte d'orientation à la fin de l'année scolaire. Cette démarche est d'autant plus nécessaire que cette année, l'enseignement catholique perd quelque 8 700 élèves (- 14 855 dans le 1er degré, + 6 915 dans le 2nd degré mais - 783 dans l'enseignement agricole).
La démographie explique en bonne partie ces données, mais la crise a pu jouer et des familles se trouvant en situation d'incertitude économique se sont désistées cet été. A noter le cas particulier de la Martinique qui gagne près de 6 % d'élèves, du fait, explique le secrétariat général d'une restructuration des établissements qui les a rendus plus attractifs (mais peut-être aussi d'une grève très dure dans le public qui, combinée avec le confinement, a laissé de nombreux élèves chez eux de janvier à la fin de l'année scolaire, ndlr).

Cette démarche prospective "ne doit pas se faire qu'en fonction de critères économiques ou démographiques" et elle devra prendre en compte un état des lieux réalisé "à partir d'une soixantaine de critères objectifs" sur "l'organisation territoriale, la santé économique du territoire, les services rendus aux familles". Tous les acteurs doivent y être associés, notamment dans le cadre du "conseil d'établissement, qui est un lieu de décision et de partage". Philippe Delorme ajoute que peuvent y être évoquées des coopérations entre établissements, par exemple pour les enseignements de spécialité.

Ecole inclusive

Outre la mixité sociale et scolaire, le secrétaire général estime que deux autres points constituent des priorités. C'est d'abord "l'accueil des enfants en situation de handicap", un sujet sur lequel il dit rencontrer sur certains territoires, il cite les Yvelines, "des difficultés pour obtenir la présence d'AESH". C'est aussi la promotion "des formations professionnelles et de l'apprentissage". Autre point fort de la politique du SGEC évoquée au cours de cette conférence de presse, le dispositif EMER pour "établissements à moyens éducatifs renforcés". En plus du "plan en faveur de la réussite éducative et des mixités" qui, depuis une douzaine d'années, a mobilisé 1 383 postes, une étude menée en 2017 a permis de distinguer 104 établissements qui reçoivent un pourcentage d'élèves de catégories sociales C et D supérieur à ce qu'il est dans les autres établissements, publics et privés du département, qui n'évincent pas leurs élèves les plus faibles et qui ont une "plus-value" positive selon l'indicateur de la DEPP (service statistique de l'Education nationale). Ils ont reçu chacun neuf heures supplémentaires (un demi poste) hors DHG (a dotation en postes destinées à assurer les enseignements, ndlr) et donc pour donner de la souplesse de fonctionnement.

"Grenelle des professeurs" et forfait d'externat pour les maternelles

A noter encore que l'enseignement catholique sera associé au "Grenelle des professeurs", et qu'il s'inquiète notamment des salaires des "maîtres délégués" (les non titulaires) dont les salaires sont nettement inférieurs à ceux de leurs homologues du public. P. Delorme cite le cas d'un enseignant qui percevait 2 300 € dans le public et à qui ont été proposés 1 300 € dans le privé.

Interrogé par ToutEduc sur le forfait d'externat dû par les communes pour les écoles maternelles passées sous contrat, il indique que les négociations "se passent globalement très bien", même si elles ont pris du retard du fait du report de l'installation des conseils municipaux et si les communes sont en attente du document qui précisera, dans les jours qui viennent, les modalités de calcul de la compensation qui leur sera due par l'Etat, sachant qu'elles auront jusqu'au 30 septembre de l'année prochaine pour la demander. En l'état, l'enseignement catholique n'a pas de "vision globale" des montants en jeux (c'est pourtant sur une évaluation du SGEC que s'est fondé le ministère pour estimer la dépense à 50 M€ dans l'étude d'impact de la loi pour une école de la confiance, ndlr).

REVUE de presse
de la rentrée 2020

Voici les derniers articles de presse consacrés à la rentrée 2020 dans l'Enseignement catholique.

Dans un contexte de reprise épidémique, celle-ci est marquée par un souci d'adaptation, tant aux contraintes sanitaires qu'aux besoins éducatifs des élèves et par la volonté de lutter contre le creusement des inégalités.

COVID 19 : Pourquoi le privé s'en sort mieux?

 

Peu de décrocheurs, des réouvertures d’écoles plus rapides : l’enseignement libre a été plus réactif que le public face au Covid. Son secret : un management flexible et un esprit d’équipe solide.

 

Par Gurvan Le Guellec

Le Nouvel Obs
du 3 septembre 2020
www.nouvelobs.com/

 

 

 

 

« En septembre, on ne peut plus être dans le bilan.
On doit déjà être dans la projection ;
voire dans la capitalisation
des acquis »

Philippe Chodorge

Philippe Chodorge, en bon matheux, a tout planifié. Pour accueillir l’ensemble des élèves sans rogner pour autant sur les garanties sanitaires, il a multiplié les amendements au protocole du gouvernement au point d’en doubler le nombre de pages. A l’institut Saint-Joseph-du-Moncel, de Pont-Sainte-Maxence (Oise), il y aura donc « des cuillères individuelles pour se servir au salad bar », une « double entrée » avec, postée derrière chaque grille, un surveillant chargé de distribuer du gel hydroalcoolique aux élèves, des cheminements complexes adaptés à la configuration labyrinthique de l’établissement. Sans oublier des services à la cantine pour éviter le brassage entre les niveaux. Sachant que, dans les établissements catholiques, la tradition veut que, tout au long de la journée, ce soient les enseignants et non pas les élèves qui circulent d’une classe à l’autre. Ce qui, dans un contexte de pandémie, constitue un véritable atout du point de vue prophylactique.

Bref, si un établissement est « prêt » à affronter cette rentrée, conformément au souhait de Jean-Michel Blanquer, c’est bien le vénérable institut créé il a cent soixante-dix ans par les frères maristes. Mieux, le directeur se projette déjà dans la complexité d’une année scolaire sous Covid. EN sus du protocole actuel, il n’a pas moins de trois scénarios en tête : les deux schémas dégradés prévus e cas de circulation active ou très active du virus, mais aussi « l’hypothèse d’un taux d’absentéisme élevé » du fait des suspicions de covid . Une situation qui n’est jamais évoquée par les autorités, mais qui risque de se multiplier puisque, au moindre symptôme suspect, les malades, voire leurs camarades seront invités  rentrer chez eux.

Cet homme est-il particulièrement visionnaire ? Il fait en tout cas partie de ces très bons patrons, capables d’entraîner leur établissement dans une logique d’anticipation. Avec l’Institut Saint-Jospeh-du-Moncel, nous avons par ailleurs une établissement à la fois excellent -87MM de réussite au bac- et très mixte pour le privé, puisqu’il recrute largement dans la ville populaire de Creil et conserve la plupart de ses élèves, quels que soient leurs résultats.

Ces bonnes dispositions se sont retrouvées lors de la période de confinement. Les cours en distanciel ont été globalement bien suivis. « AU début, on était dans une logique de consolidation des acquis et puis finalement, les professeurs ont terminé le programme », souligne le directeur. Sans dégâts. « Tous les enfants n’ont pas avancé au même rythme, mais les décrocheurs parmi nos élèves, nous n’en avons eu que deux sur mille. »

Côté enseignants, comme partout ailleurs en France, les pratiques ont été diverses. Les élèves de 5e bilangue, que nous avons rencontrés fin juin, le disaient d’ailleurs sans filtre. Ils ont eu du très bon, notamment de la prof de SVT et « ses escape games franchement géniaux ». Et du moins bon : « Ceux qui se contentent d’envoyer leurs cours avec des tonnes d’exos et étaient surpris qu’on ait pas compris. »

En bon patron, Philippe Chodorgne prend toutefois la défense de ses troupes. « A deux exceptions près, personne n’a confondu distance et vacances. » Et, même si les profs du privé sont « avant tout des profs français », très attachés à leur liberté pédagogique, et potentiellement allergiques au numérique, il y a eu selon lui de très belles surprises. Notamment cette professeure « qui n’avait jamais déballé la tablette qu’on lui avait fournie et s’est transformée contre toute attente en experte de la visioconférence ».

L’établissement a en effet un très bel atout : un contrat avec Appel qui équipe déjà tous les profs en iPad et équipera l’ensemble des élèves d’ici à deux ans. Avec formation, accompagnement, mise en réseau et responsable numérique à temps complet pour optimiser les échanges d’informations et d’outils pédagogiques. Conclusion ; avant même le confinement, plus d’une centaine d’applis avaient été testées, approuvées et diffusées.

Comment en est-on arrivé à ce résultat ? Il y a très certainement ce qui relève du chef d’établissement. Notamment ce que Philippe Chodorge appelle son « approche systémique » : déléguer pour prendre du recul, pour anticiper, communiquer pour fédérer. A côté de cela, il y a néanmoins un autre système, celui de l’école privée et ses singularités managériales. Au -delà du cas Saint-Joseph-du-Moncel, c’est tout l’enseignement livre, de fait, qui a su tirer son épingle du jeu pendant la période de confinement.

L’enquête bilan publiée par les services du ministère le souligne. Certes, le privé profite d’une sociologie plus favorisée, mais l’écart creusé avec le public (hors éducation prioritaire) est assez net : 4% de décrocheurs contre 9% au collège et 85% des professeurs satisfaits contre 70%.

Quand on interroge le Secrétariat général de l’Enseignement catholique et l’Association des parents d’élèves de l’Enseignement libre (Apel) sur ces résultats plutôt flatteurs, les mêmes mots reviennent : liberté et communauté. La liberté, c’est celle que confère l’autonomie des écoles sous contrat. Un exemple : si une direction, comme celle de l’institut saint-Joseph du Moncel, décide de réorganiser toutes ses classes de primaire en multi-niveaux pour pousser les professeurs à travailler « la personnalisation des apprentissages », plus que nécessaire en cette rentrée, pas besoin d’attendre le feu vert des autorités académiques. L’autre atout, c’est la fameuse communauté éducative sur laquelle le public disserte beaucoup mais que le privé, lui fait vivre concrètement, depuis des années. A Pont-Sainte-Maxence, ce sont ainsi lq parents qui pendant le déconfinement, sont venus assurer la surveillance de la cantine et des récréations…

A ce diptyque, on pourrait rajouter un troisième principe : réactivité. Alors que côté public, on reconnaît que le bilan de l’école à distance n’a pas encore été tiré, le privé, lui, a déjà plusieurs longueurs d’avance. A la demande du SGEC ou sur leur initiative, la plupart des établissements ont débriefé leur personnel avant les vacances. Et des initiatives sont déjà lancées. Dans le Morbihan, un collège va proposer du soutien à distance à ses élèves lorsque les contraintes du transport scolaire les empêchent de rester à ‘étude. A Pont-Sainte-Maxence, un groupe de douze enseignants planche sur ces enfants -minoritaires mais pas si marginaux - qui se sont révélés scolairement pendant le confinement. « En septembre, on ne peut plus être dans le bilan, élabore Philippe Chodorge. On doit déjà être dans la projection ; voire dans la capitalisation des acquis ». Comment lui donner tort ?

L’autonomie des chefs d’établissement :
un véritable autout

 

Pour certains parents, l’école sous contrat a mieux géré la période du confinement . Mais il n’y aura pas plus d’inscrits

Marianne Enault
Le JJD 30/août 2020

 

Du confinement était née l’idée d’un boom du privé. «  Au printemps, j’ai reçu une vingtaine de demandes d’inscriptions, raconte le chef d’établissement d’une école sous contrat de 170 enfants en France-Comté. Mais lors de la dernière semaine de classe, j’en ai perdu quasi autant ! ».

 

Parmi les disparus, beaucoup n’ont finalement pas sauté le pas pour des raisons économiques. « Je suis prêt à parier qu’il n’y aura pas d’augmentation massive des inscriptions » , tranche Philippe Delorme, le secrétaire général de l’enseignement catholique. Les chiffres seront connus après la rentrée. (...)

 

Selon Philippe Delorme, si le privé a bien géré le tournant Coviv, c’est surtout grâce à l’autonomie de ses chefs d’établissement, seuls maîtres à bord et à la « fraternité » au cœur du projet de l’école sous contrat.

Rentrée 2020 : « Nos professeurs vont adapter leur enseignement »

Philippe Delorme, secrétaire général de l’Enseignement catholique, donne son ressenti sur la rentrée des classes qui se déroulera mardi 1er septembre, dans un contexte de reprise de l’épidémie. Pour l’Enseignement catholique, qui scolarise deux millions d’enfants, les défis sont nombreux.

Par Denis Peiron, pour le journal La Croix
Publié le 28 août 2020
www.la-croix.com/

 

La Croix : Dans quel état d’esprit l’Enseignement catholique appréhende-t-il cette rentrée singulière ?

Philippe Delorme : Je sillonne ces jours-ci la France à la rencontre des acteurs de l’Enseignement catholique. Heureux de reprendre, ils abordent globalement cette rentrée avec confiance, même si on sent poindre un peu d’inquiétude face à une possible détérioration des conditions sanitaires.

À ce stade, la principale difficulté évoquée par les chefs d’établissement réside dans le manque de visibilité. L’évolution incertaine de l’épidémie les a conduits à renoncer à de grands projets ambitieux qu’ils avaient l’habitude de mener chaque année : rassemblements, projets pédagogiques ou culturels incluant des voyages…

 

Le protocole sanitaire prévu par le ministère de l’éducation, avec notamment le port du masque obligatoire pour tous les professeurs, les collégiens et les lycéens, suffit-il à rassurer familles ?

P.D. : A ce jour, les règles en vigueur me paraissent suffisantes. Les familles demandent d’ailleurs massivement à ce que leurs enfants reprennent le chemin de la classe. Mais ce protocole exige de la part des équipes un gros effort d’adaptation. Il faut prévoir des plages d’ouverture plus larges dans les cantines pour limiter le nombre d’enfants prenant en même temps leur repas.

Nous devons aussi organiser des sens de circulation dans les couloirs pour éviter que des élèves de niveaux différents ne se croisent. La chance que nous avons, c’est que beaucoup de nos établissements, même dans le secondaire, attribuent déjà, en temps ordinaire, une salle fixe à une classe donnée. Ce sont généralement les professeurs, et non les élèves, qui se déplacent à l’intercours. D’autres questions néanmoins nous donnent du fil à retordre, comme le fait que les transports scolaires ont pu être réorganisés pour tenir compte des enjeux sanitaires, avec alors un impact potentiel sur les emplois du temps.

 

De nombreux parents ont le sentiment que leur enfant a, durant et après le confinement, accumulé du retard dans ses apprentissages. Comment éviter que certains élèves ne se trouvent laissés au bord du chemin ?

P.D. : Nos professeurs vont bien entendu tenir compte de cette situation exceptionnelle et adapter leur enseignement de façon à voir ou revoir des parties de programmes qui, après la mi-mars, n’auraient pas été abordées, mal traitées ou mal assimilées par leurs élèves. Certains établissements ont proposé des stages de remise à niveau en cette semaine précédant la rentrée. D’autres sessions auront lieu pendant les vacances de la Toussaint. Par ailleurs, c’est une excellente chose, le ministère de l’éducation a prévu en ce tout début d’année scolaire des évaluations en français et en maths (1) pour aider les enseignants à mesurer les conséquences du confinement sur le niveau et les acquisitions de chacun.

Cela étant, nous avons chaque année des élèves plus fragiles que d’autres et nos professeurs sont habitués à prendre en charge l’hétérogénéité des classes. Je ne suis pas sûr que celle-ci soit plus grande en cette rentrée car dans leur immense majorité, depuis mars, nos enseignants ont fait preuve de réactivité, de créativité, d’adaptation pour assurer le suivi des élèves.

 

Nombre d’enseignants ont cependant pu se sentir démunis face à la nécessité de dispenser, du jour au lendemain, leurs cours à distance…

P.D. : C’est vrai. Aussi, dès la fin du confinement, un certain nombre de chefs d’établissement ont proposé à leurs enseignants des formations au numérique pour se préparer à un éventuel reconfinement ou à une augmentation des contraintes sanitaires qui ne nous permettraient plus d’accueillir tous les élèves en même temps. Ces formations peuvent notamment se faire entre pairs, les plus aguerris partageant leurs compétences avec leurs collègues. Avec notamment l’objectif d’utiliser l’enseignement à distance pour offrir un meilleur suivi individuel des élèves.

Il s’agit bel et bien de capitaliser sur l’expérience acquise ces derniers mois, de prendre appui sur ce qui a fonctionné. Un exemple : les professeurs d’un établissement du Morbihan confronté à de lourdes contraintes de transport scolaire qui obligent les enfants à partir dès la fin des cours proposeront un accompagnement individuel en visio, le soir, de 18 heures à 19 heures.

 

Les conséquences économiques de l’épidémie fragilisent beaucoup de familles. La crise a-t-elle eu un impact sur les inscriptions et réinscriptions ?

P.D. : Difficile, à ce jour, d’en mesurer précisément les effets. Il y a pu y avoir, ici et là, des désistements, notamment dans la filière professionnelle. Des parents ont, de même, renoncé à inscrire leur enfant en internat. Mais beaucoup d’établissements ont vu aussi augmenter les demandes d’inscription.

Ce qui est sûr, c’est que les organismes de gestion de nos écoles veillent à apporter un soutien aux familles fragiles afin que leurs enfants puissent continuer à étudier dans l’Enseignement catholique. L’Apel, l’association des parents d’élèves, a elle aussi débloqué des fonds (2) pour leur venir en aide. Et nous mobilisons une partie des caisses de solidarité qui existent sous différentes formes dans notre réseau pour permettre d’accorder aux familles qui en ont le plus besoin des réductions de contribution, voire une gratuité totale.

 

La crise sanitaire a-t-elle aussi fragilisé économiquement certains établissements ?

P.D. : L’épidémie a engendré des frais supplémentaires. Par exemple, alors que les familles ne payaient pas la cantine puisque nos établissements étaient fermés, les sociétés de restauration ont continué à facturer des frais fixes durant le confinement. De même, il a fallu recruter du personnel supplémentaire pour assurer le nettoyage et la désinfection des locaux. Cela a fragilisé davantage certains établissements déjà mal en point et devrait accélérer les regroupements d’établissements entrepris dans un certain nombre de diocèses. Ici aussi, le Covid a servi de révélateur et d’accélérateur.

(1) Elles sont obligatoires en CP, CE1, 6e, seconde et CAP. Pour les autres niveaux, des outils de positionnement sont également mis à la disposition des enseignants.

(2) Les sommes pourraient atteindre des centaines de milliers d’euros, précise l’Apel.

L'Enseignement catholique serein face au retour des élèves

Tous les écoliers et collégiens pourront être accueillis à partir du 22 juin. Seul bémol: la cantine ne pourra pas être assurée partout.

Par Marie-Estelle Pech pour Le Figaro
Publié le 21 juin 2020
www.lefigaro.fr

Après trois mois de classe à la maison et six semaines d’école en dents de scie, tous les écoliers et collégiens sont censés pouvoir retourner ce lundi en cours, grâce à un protocole sanitaire allégé. Au moins 61 % des parents d’élèves comptent envoyer leurs enfants à l’école cette semaine, selon un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour Franceinfo et Le Figaro. Mais seront-ils accueillis partout? Certains chefs d’établissement du public, notamment dans l’enseignement secondaire, très agacés par les trois changements successifs de protocole depuis mi-mai, ont fait savoir qu’ils ne modifieraient pas leur organisation…

Dans l’enseignement catholique, on affiche une forme de sérénité, affirmant que la quasi-totalité des établissements sous contrat sont déjà ouverts sur l’ensemble du territoire: «Tous les élèves qui le souhaitent seront accueillis demain, mais nous ne savons pas encore combien ils seront à se présenter», assure-t-on dans l’entourage de Philippe Delorme, le secrétaire général de l’enseignement catholique. Seul bémol, pour des raisons logistiques, de nombreux établissements ne peuvent pas assurer la cantine, comme Saint-Jean-de-Passy ou Saint-Ambroise, à Paris. Il est souvent demandé aux parents de préparer un pique-nique.

D’autres limitent au maximum le péri-scolaire, les enfants sortiront donc plus tôt que d’habitude et de façon échelonnée pour ne pas se croiser. Certaines écoles ont aussi parfois «allégé» la semaine en supprimant les heures de cours du mercredi par exemple. Des parents de l’Apel, l’association des parents d’élèves du privé, ont parfois été mis à contribution vendredi en urgence pour réaménager les salles de classe, installer les bureaux des élèves différemment, etc.

Difficile de savoir si, dans cette crise, le privé a fait mieux que dans le public, comme le sous-entend l’enseignement catholique, car le ministère de l’Éducation nationale ne fournit aucun chiffre permettant la comparaison. Il semble toutefois que moins d’élèves aient été refusés dans le privé, la plupart des établissements ayant institué un «roulement», une partie des écoliers étant acceptés par exemple les lundi et mardi, les autres les jeudi et vendredi.

D’après les chiffres fournis par l’enseignement catholique 29 % des élèves ont été accueillis à l’école la première semaine de mai, 30 % celle du 18 mai et 31 % celle du 25 mai. On comptait 20 % d’élèves accueillis dans les collèges fin mai. Ces chiffres sont une moyenne des élèves accueillis chaque jour. Comme la plupart sont venus par roulement, les taux de retour sont en réalité supérieurs, tient à préciser l’enseignement catholique. Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale, a quant à lui évoqué le chiffre de 25 % d’élèves accueillis, privé et public confondus…

«Certains ont trafiqué des certificats d’employeur»

Tout n’a pas été simple. Le secrétariat général de l’enseignement catholique reconnaît que des tensions ont pu exister, surtout dans les «zones urbaines» où les parents «voulaient majoritairement remettre leurs enfants à l’école après le confinement» alors que les places étaient insuffisantes. Les choix des chefs d’établissement, refusant ou acceptant tel parent, n’ont pas toujours été compris: «Dans mon école, les parents se sont longtemps regardés en chiens de faïence. Certains ont trafiqué des certificats d’employeur, arguant qu’ils travaillaient en présentiel alors que ce n’était pas le cas, pour obtenir une place. Ce n’était pas toujours joli», raconte une mère parisienne. Tandis qu’une autre, à Lyon ne «comprend pas pourquoi (son) école limitait l’accueil à moins de sept élèves par classe alors que l’espace ne manquait pas. Il y a eu des réticences de l’équipe enseignante».

Dans l’académie d’Orléans-Tours, plus de 30 % des établissements sont restés fermés. D’autres tensions ont pu naître, du fait d’un accueil très restreint, seulement une matinée par semaine par exemple à l’école Eugène-Napoléon, raconte Guillaume Delpit, président de l’Apel Paris. De nombreux parents se sont fortement agacés du choix de l’Institut parisien de l’Assomption-Lübeck de rester fermer mi-mai car les enseignants considéraient que les cours en distanciel «fonctionnaient bien»…

Concernant ce travail à distance, le président de l’Apel national, Gilles Demarquet, considère que ça s’est «globalement bien passé». «Certains enseignants ont mis du temps avant de donner des nouvelles, d’autres ont surchargé les familles de travail. Mais tout cela s’est peu à peu régulé», précise Guillaume Delpit. Pour cette famille de six garçons de Boulogne (Hauts-de-Seine), scolarisés pour moitié dans le public, pour moitié dans le privé, «c’était hétérogène comme dans le public: à côté de beaucoup de profs investis, d’autres se sont contentés de peu».

À Paris, le lycée professionnel
Albert de Mun reprend vie
petit à petit

 

Par Caroline Beyer pour Le Figaro
Publié le 2 juin 2020
www.lefigaro.fr

 

Alors que le mardi 2 juin a sonné le retour des élèves de lycées professionnels partout en France - et des lycées généraux et technologiques des zones vertes -, l’établissement Albert de Mun, dans le quartier huppé des Invalides, à Paris, n’a pas vraiment fermé, lui, pendant le confinement. Patrice Hauchard, directeur de ce lycée professionnel de 1500 élèves, a très tôt lancé l’idée d’un atelier solidaire volontaire de confection de masques, pour que les lycéens de la section «métiers de la mode» ne perdent pas «les gestes professionnels».

Un atelier cuisine a aussi concocté des repas pour les soignants et les SDF. Les personnels administratifs et quelques enseignants volontaires sont, eux, présents depuis le 11 mai.

À l’accueil de l’établissement catholique sous contrat, Micheline assemble des morceaux de tissus et des élastiques. Ils vont rejoindre l’atelier masques, chapeauté depuis sa création, le 6 avril, par Valentin, 16 ans, en seconde professionnelle. Quelque 10.000 masques ont ainsi été distribués à la mairie du 7e et dans les Ehpad.

 

Port du masque

Ce mardi matin, une dizaine d’élèves sur 70 participent à ces ateliers. «Tu étais où Zoé?», interroge Valentin, ciseaux et tissu à carreaux en main, devant les machines à couture. «À Avignon», répond la jeune fille, qui remet les pieds dans son lycée pour la première fois depuis le 16 mars. « Il faut aussi porter un masque dans la salle? » «Bien sûr», lui répondent en chœur les habitués.

Ici, les gestes barrières et de distanciation sociale sont ancrés dans les esprits. Le proviseur a établi quatre règles: port du masque toute la journée, usage du gel, distanciation, nettoyage des locaux. « Ni plus, ni moins. J’ai refusé les fléchages au sol et autres règles exigées par les syndicats. Elles n’auraient pas tenu cinq minutes », explique Patrice Hauchard, qui a fait le choix de ne pas interrompre l’activité de son lycée, qui compte des filières mode, restauration et commerce. Au grand dam, parfois, des partenaires sociaux, qui ont brandi les dates de reprise énoncées par le ministre de l’Éducation. « En tant que chef d’un établissement privé sous contrat, je prends mes responsabilités, dans le respect des règles sanitaires. La loi Debré me le permet », explique-t-il.

 

50% de décrocheurs

Depuis le 11 mai, une soixantaine d’élèves sont revenus, sporadiquement, pour suivre des «ateliers» en économie, en anglais ou en maths. Priorité a été donnée à ceux qui passent une habilitation professionnelle. Le nombre de décrocheurs? «Colossal. Même en BTS.»Ce mardi, ce n’est donc pas le grand retour. La semaine va servir de préparation pour accueillir davantage d’élèves. Pour le directeur, pas question d’organiser «un retour brutal». Il faut « rassurer, donner envie, créer une ambiance ».

Dans ce vaste établissement, ce sont les «habitués» qui sont présents. Ceux qui, depuis le 6 avril, fabriquent des masques, et les lycéens du bac pro cuisine, qui ont concocté 300 à 500 repas par semaine pour les personnels de l’hôpital Necker et les SDF. En cuisine, les élèves s’agitent, masqués et gantés, sous les ordres de Magdalena de Baulieu, professeur et chef. Sur les 350 élèves de la filière, une cinquantaine ont répondu présent depuis le 6 avril. «Les plus motivés. Ceux qui étaient revenus pour voir leurs copains ou passer le temps, je les ai virés au bout d’une semaine », explique la chef.

 

À petits pas, sans injonction, le lycée Albert de Mun poursuit sa reprise. Une démarche pragmatique à l’heure où très peu de lycéens pro ont repris le chemin de l’école ce 2 juin. « En zone verte, 30 à 40 % déclaraient, la semaine dernière, qu’ils reviendraient. En réalité, ils ne sont que 10 à 20 % », constate Sigrid Gérardin, au syndicat de l’enseignement professionnel public (Snuep-FSU), sur la base de remontées syndicales. Si le ministre estime à 20 % le taux de décrocheurs dans cette voie professionnelle, Sigrid Gérardin avance plutôt le chiffre de 50 %. Du côté des lycéens généraux et technologiques, très peu ont fait leur retour ce 2 juin. « Pas sûr qu’il y ait beaucoup de monde. Dans la tête des lycéens, l’année est finie », résume Philippe Vincent, au syndicat des personnels de direction (SNPDEN-Unsa).

Retour à l'école : l'enseignement privé mobilisé

Dans les établissements scolaires privés, soumis au même protocole sanitaire que le public, la plus grande liberté de fonctionnement semble faciliter la reprise. Reportage à Saint-Jean-de Montmartre, à Paris.

Le Point - le 14/05/2020
Par Anne-Noémie Dorion, avec Julie Malaure

 

Lundi 25 mai, Noam* et Iris*, en CE1, feront leur rentrée des classes un petit badge coloré épinglé à leur gilet. Avec ce signe de reconnaissance – une couleur par niveau –, Saint-Jean de Montmartre, dans le 18e arrondissement de Paris, veut faciliter les arrivées échelonnées au sein de l'établissement et permettre ainsi le strict respect du protocole sanitaire établi par le ministère de l'Éducation nationale pour lutter contre la propagation du Covid-19.

Dans l'établissement, qui regroupe environ 200 élèves de maternelle et de primaire, les élèves seront accueillis progressivement. La « rentrée » se fera en alternance et en groupes restreints de 6 à 12 élèves, en fonction de la configuration des salles de classe et du niveau. Pour Noam et Iris, ce sera le lundi et le jeudi, entre 8 h 15 et 15 h 30, au sein d'un groupe de 12 enfants. Les mardi et vendredi, l'école se fera encore à distance.

Organisation millimétrée

L'organisation au cordeau a séduit Alice*, leur maman. « Après l'annonce de la reprise le 11 mai, nous étions vraiment dans le flou, se souvient la quadragénaire. Mais la manière dont la direction de l'école a pris les choses en main nous a beaucoup rassurés. Tout à l'air pesé et réfléchi. Même si le déconfinement reste anxiogène en général, nous les enverrons en classe en étant confiants. »

Comme dans le public, depuis le 11 mai, les élèves scolarisés dans le privé reprennent progressivement le chemin de l'école. Au total, le ministère de l'Enseignement national estime à 1,5 million (sur un total de 6,7) le nombre d'élèves concernés par cette rentrée. Difficile pour le moment de dire qui, du privé ou du public, accueillera le plus d'élèves. Une seule chose semble acquise : « Dans l'enseignement catholique, on assiste à une volonté forte d'ouvrir au maximum les établissements, considère Gilles Demarquet, président de l'Apel, fédération des parents d'élèves de l'enseignement catholique. Dans nos écoles, la communauté éducative formée par les parents, les directeurs et les enseignants a traditionnellement l'habitude de travailler ensemble, ce qui entraîne une fluidité et une flexibilité importantes dans l'organisation actuelle. »

Liberté pédagogique

Plus grande que dans l'enseignement public, la liberté pédagogique du directeur d'école semble avoir facilité les choses. « À la différence du public, nous avons de véritables chefs d'établissement, avec un pouvoir hiérarchique de décision. Cela nous laisse une très grande liberté dans l'organisation de l'accueil : par exemple, nous n'avons pas d'obligation concernant les classes prioritaires. Nous avons aussi choisi de prendre deux jours de prérentrée pour former et rassurer les enseignants », rappelle Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique.

Ainsi, selon une première étude menée il y a quelques jours par l'organisation au sein des 7 000 établissements regroupant 2 millions élèves, au moins 50 % des familles souhaitaient remettre les enfants à l'école. Les professeurs semblent eux aussi décidés à reprendre la classe en face-à-face. « Il y a eu des alertes sur des questions sanitaires, mais aucun blocage de la CFDT, de la CFTC et du Spelc. Ces trois syndicats représentatifs dans nos établissements ont signé les accords », explique Philippe Delorme.

Néanmoins, l'engouement diffère en fonction des endroits. « Dans les zones rurales, souvent pour des raisons de transport, il semble que moins de familles souhaitent scolariser leur enfant en présentiel », précise Gilles Demarquet.

Élève en CE1 à Angoulême, Colombe devrait reprendre le chemin de l'école avant la fin du mois de mai au sein d'un groupe de 15 élèves, après les élèves de CP et de CM2. « Je suis plutôt favorable à la reprise, mais j'attends de voir comment se passent les premières arrivées, raconte Fabienne, sa maman. Je redoute un peu l'effet psychologique que cela pourrait produire sur Colombe. Jusqu'à présent, elle n'a manifesté qu'une très légère inquiétude vis-à-vis du virus. On est restés confinés, elle n'est pas sortie du jardin et n'a donc pas encore vu les gens masqués, les distances de sécurité, les queues pour patienter devant la boulangerie... Du coup, elle va débarquer dans un nouveau monde pour le moins anxiogène, où sa maîtresse, les Atsem, la directrice sont masqués, où elle ne peut pas approcher ses copains et où, inévitablement, elle se fera gronder toute la journée car elle ne parviendra pas à tenir les distances avec ses amis, chose totalement impossible à son âge... »

Arrivées échelonnées et réparties entre les trois portes de l'école, température prise par les parents chaque matin, récréations en petits groupes et lavage des mains au savon toutes les heures..., l'organisation est stricte. « Faut-il la confronter à tout ça ? Depuis le début, tout a été hyper bien organisé. La maîtresse a envoyé du travail quotidiennement. Et, depuis quelques jours, elle assure une visioconférence tous les matins. Colombe a adoré. Elle a continué à bien travailler à distance, je trouve même qu'elle a progressé car on a pu l'aider sur des points qui n'étaient pas forcément bien acquis, elle voit ses amis régulièrement via WhatsApp... Nous habitons dans un département qui a été très peu touché par le virus, où plus personne n'est en réanimation. Les mesures générales semblent vraiment excessives par rapport à notre situation particulière. »

Des ouvertures inégales

Dans les quartiers défavorisés, les parents semblent moins enclins à renvoyer leurs enfants sur les bancs de l'école. « Les inquiétudes et les réticences y semblent plus marquées », évalue Philippe Delorme. Autre frein pour la réouverture, l'exiguïté de certains lieux d'accueil. « Aménager les lieux est parfois très compliqué. Le protocole sanitaire est énorme », ajoute-t-il.

Comme dans l'enseignement public, les ouvertures sont inégales. « C'est très disparate, résume Catherine Mary, directrice de Saint-François, dans le 16e arrondissement de Paris. Saint-Pierre-de-Chaillot est une toute petite école qui ouvre toutes ses classes, y compris les maternelles. Lübeck, qui est une grosse école, n'ouvre pas du tout ! » Il faut dire que la logistique tient de l'usine à gaz. « Pour notre école, qui s'apprête à accueillir tous les élèves qui le souhaitent, soit un peu plus de 200 sur un effectif habituel de 350, il a fallu s'organiser en fonction des enseignants présents et tout réorganiser, de la mise des bureaux en quinconce avec des étiquettes au nettoyage des rampes d'escalier deux fois par jour. Les enseignantes porteront des visières, et les élèves auront des masques pendant leurs déplacements pour comprendre que ce n'est pas comme d'habitude ».

Et particulièrement au collège, qui semble moins bien loti, les mécontentements commencent à se faire entendre du côté des parents. « Même si ce n'est pas formulé clairement, l'école laisse entrevoir peu d'espoirs de rentrée à mes enfants collégiens avant septembre, déplore Madeleine, mère de deux adolescents scolarisés dans un grand lycée privé laïque parisien. Alors que l'investissement financier est important,

je ne vois vraiment pas d'avantages à être dans le privé en ce moment. Cela me paraît normal pour ce qui est de la présence en classe, puisqu'il n'y a pas de raison que ce soit plus simple pour les écoles privées, mais c'est un peu décevant sur le niveau de suivi des enfants. Il est très variable. Certains profs prennent le boulot à cœur, mais d'autres ont l'air d'attendre que ça se passe ! »

Philippe Delorme nuance : « Nous avons conseillé de commencer raisonnablement, plutôt que massivement, en insistant sur la progressivité, développe-t-il. C'est mieux que d'accueillir les enfants dans de mauvaises conditions. »

« Les soignants sont montés en première ligne.
C’est notre tour ! »

Les enseignantes de l’école des Saint-Anges, à Paris, se sont réunies lundi pour organiser le déconfinement scolaire.

Marie-Estelle Pech
Le Figaro - le 11/05/2020

ME Pech

Tous les parents qui le souhaitent vont pouvoir remettre leurs enfants à l’école parisienne privée sous contrat des Saint-Anges, à Paris (15ème arrondissement). Une exception dans le paysage parisien, où la plupart des écoles ont fait le choix de limiter drastiquement le nombre d’élèves accueillis. Toutes racontent en ce jour de reprise, lundi, leur joie à l’idée de retrouver leurs élèves même si elle est mêlée d’un peu d’appréhension.

Ils seront 307 sur 380 à revenir dans les murs à partir de jeudi. Les autres, dont les familles sont parties « en province » préfèrent y rester car elles se sont organisées, d’autres encore ont peur du virus ou ont des enfants fragiles, raconte Marie Blanchet, la directrice. Baisse de motivation des élèves Autre particularité de cette école, seules deux enseignantes sur dix-sept, considérées comme « à risque » ne reprennent pas en présentiel. Toutes racontent en ce jour de reprise, lundi, leur joie à l’idée de retrouver leurs élèves même si elle est mêlée d’un peu d’appréhension. J’ai besoin de revoir mes élèves en vrai. Faire classe à travers les écrans, ce n’est pas faire classe. « J’ai besoin de revoir mes élèves en vrai. Faire classe à travers les écrans, ce n’est pas faire classe. On ne peut pas corriger le élèves à chaud. Il n’y a plus ce travail de vivre ensemble, de sociabilité intrinsèque à l’école primaire », explique Mélanie Lescher qui accueillera la moitié de sa classe le lundi et mardi et la seconde moitié le jeudi et le vendredi. Il était temps, estime-t-elle, après avoir constaté une baisse de motivation de ses élèves au bout de quelques semaines et de « plus en plus de conflits à la maison, de disputes concernant la mise au travail ». Les familles ont besoin d’une respiration mentale Réunies ce lundi, les enseignantes ont fait part de leur enthousiasme et de leurs craintes. Certaines ont peur de passer leur temps à se laver les mains. Pourront elles faire aussi bien en télétravail pour les enfants restés dans leur famille ? Après tout, l’enseignement à distance qu’elles ont découvert ne s’est pas si mal passé. « Elles ont su faire preuve de créativité. Certaines ont vraiment joué le jeu des rendez-vous vidéos, etc », raconte la directrice, « mais je leur ai aussi demandé de se mettre à la place des parents. Les familles ont besoin d’une respiration mentale. Ils veulent que leurs enfants retrouvent leurs habitudes, leur rythme, la vraie vie. Par ailleurs si certains, notamment les parents d’enfant unique, n’ont pas eu trop de mal à vivre le confinement, ça a été beaucoup moins simple pour les autres. Quelques uns étaient vraiment en détresse, complétement sous l’eau ». Même le télétravail, estime-t-elle, n’est pas compatible avec l’aide scolaire apportée aux enfants. De nombreuses écoles, à Paris, ont pourtant choisi d’exclure les parents qui travaillent à domicile de cette reprise scolaire.

 

On ne peut pas confiner pendant un an ...
la vie c’est aussi prendre des risques.

 

« On ne peut pas confiner pendant un an en attendant un vaccin, la vie c’est aussi prendre des risques. Les soignants sont montés en première ligne. C’est notre tour. On le doit aux enfants qui doivent reprendre une vie normale, aux familles qui doivent pouvoir travailler ». juge-t-elle. Pourtant, tout est loin d’être parfait. Elle n’a reçu que 100 masques et un flacon de gel hydroalcoolique de la part de l’inspection académique et de la ville. « De quoi tenir deux jours! C’est du bricolage. Du coup j’ai commandé et acheté moi-même des masques...». L’école, elle, ne sera pas une « garderie » comme l’ont assuré des responsables syndicaux, indiquent les enseignantes. Pas question d’évaluer ou de noter les élèves mais l’enseignante de CP entend bien revenir sur les fondamentaux, lecture et mathématiques, essentiels à cet âge: « Il faut qu’ils remettent le pied à l’étrier ». Malgré ses cinq enfants, MarieAstrid Garapon reviendra aussi devant sa classe de CE1 la semaine prochaine. Elle n’est pas inquiète pour sa santé ou celle de ses propres enfants qu’elle va aussi rescolariser: « Nous ne faisons pas partie des personnes à risque car nous sommes jeunes. Je suis surtout inquiète pour les grands-parents, les personnes âgées de la famille. ». Si le protocole sanitaire est très exigeant en terme de distanciation sociale, elle agira, comme les autres, dans l’intérêt de ses élèves : «Si un enfant se fait mal dans la cour, nous irons évidemment le relever et le consoler. Nous garderons une certaine distance mais elle ne peut pas être totale », estime-t-elle. Aide maternelle (Atsem), Sabine Mondel était inquiète à l’idée de reprendre son travail car elle a un peu d’hypertension. « Mon medécin m’a rassurée ce matin. Je ne suis pas une personne à risque. Mais avec ce que racontent les médias, on ne sait plus ». Elle est « contente » de revoir les petits élèves de maternelle dans la même classe que Marie Rollet qui triait ce lundi les jouets accessibles ou non à ses élèves : « J’ai retiré les légos, garages et dînettes. Mais je laisse certains livres et chacun aura son tas de kaplas. Les manipulations d’objets seront plus individuelles », raconte cette enseignante. Elle s’interroge sur ses élèves de petite et moyenne section, « très tactiles »: «Il faut que je trouve la bonne distance pour qu'ils ne soient pas choqués».

À Sainte-Thérèse, à Champigny, 100 % des profs répondent à l'appel

Caroline Beyer
Le Figaro, mardi 12 mai 2020

Maîtresse de moyenne section de maternelle à l'école privée catholique Sainte-Thérèse, à Champigny-sur-Marne (94), Stéphanie colle, sur les dossiers des petites chaises, les prénoms des huit élèves attendus ce mardi. Elle place et déplace les tables, pour s'assurer des «distanciations sociales » de rigueur. Mais s'interroge sur le devenir de ses ateliers « autonomes », mis en place depuis le début de l'année. Les élèves ont pris l'habitude d'ouvrir librement les tiroirs du meuble dédié, pour enchaîner, l'après-midi, des jeux de lettres, de mathématiques, de motricité fine. « Il faudra tout désinfecter après usage. Ou limiter leur utilisation à un élève par jour », hésite-t-elle. Comme l'ensemble du corps enseignant de cette école familiale, elle est heureuse de reprendre le travail. À son bureau, Caroline, professeur de CP, joue avec de la patafix. Elle vient de coller sur les tables les prénoms de ses dix élèves attendus. « Je ne vais pas pouvoir porter le masque tout le temps. Nous allons reprendre la lecture avec le son “ouille”. Impossible qu'ils ne voient pas mon visage », explique-t-elle. Elle se tiendra éloignée. Comme ses collègues, elle va faire un état des lieux de ce qui a pu être appris depuis le 16 mars, avant de reprendre sa progression. « Il ne faut pas que cette reprise soit anxiogène », répète-t-elle.

« J'ai la chance d'avoir 100 % de mes enseignantes qui reprennent mardi », explique Laurence Coureul, directrice depuis sept ans de cette école primaire, intégrée à un groupe scolaire. Ces enseignantes, mères de jeunes enfants, ou plus âgés aussi, ainsi que des AESH (accompagnants des enfants en situation de handicap), un personnel de surveillance et de ménage - qui s'apprête à suivre une formation sur les produits désinfectants - sont sur les startingblocks. En ce lundi, M. Kane, l'homme à tout faire de l'école, nettoie la cour de récréation, armé d'un tuyau d'arrosage. À l'heure où, en France, 15 % des élèves et 50 % des enseignants reprendront le chemin de l'école, selon les chiffres du ministère de l'Éducation, la directrice a conscience d'être dans une situation particulière. Un état de fait qui tient au statut privé de l'école, mais aussi, à en croire les parents, au « management » de la directrice. À Sainte-Thérèse, un tiers des 220 élèves sera de retour à temps plein mardi, selon un sondage auprès des parents. La directrice n'a pas voulu faire le choix de niveaux « prioritaires » - la grande section de maternelle, le CP et le CM2, ces classes « paliers », mis en avant par le ministre de l'Éducation - , mais a privilégié les fratries, pour éviter aux parents un casse-tête supplémentaire. Dans cette école socialement mixte, qui compte des enfants de médecins, mais aussi, de la communauté Tamoul de la cité de Boullereaux, certains n'ont pas eu d'autres choix que de remettre leurs enfants à l'école. D'autres attendent « de voir » d'ici la fin mai, avant d'envisager un retour. Mais comment la directrice fera-t-elle pour respecter le protocole de l'Éducation nationale, alors que son organisation tient tout juste, avec 100 % de professeurs présents ?

Ce matin, à 9 heures, l'équipe est réunie. « Comme une rentrée de septembre, les grandes vacances en moins », glisse la directrice qui, de son ordinateur, entre une bouteille de produit nettoyant et un flacon de gel hydroalcoolique, déroule sa présentation. Elle a mis quinze jours à élaborer son organisation, au rythme des interventions de l'exécutif. Ce lundi matin, l'école Sainte-Thérèse est revenue à la vie. À l'extérieur, sur les panneaux d'affichage, les menus de la cantine remontent à la mi-mars. À leurs côtés, sont restées les affiches des candidats aux municipales. Le temps s'était arrêté. Même si l'école a accueilli les enfants du personnel soignant. 50 litres de gel, 5 000 masques, des gants, des visières pour les plus exposés… Sans attendre le rectorat, l'école a commandé le matériel adéquat.

Ici, on est heureux de se retrouver. Plaisanteries autour des masques et des lunettes embuées, du coiffeur qui a cruellement manqué… Autour de cafés et de croissants, c'est dans une atmosphère enthousiaste que le personnel s'apprête à reprendre. Il y a cette histoire de Coco le virus, une BD qui explique la crise sanitaire aux enfants, cette comptine suffisamment longue pour assurer le lavage des mains, et ces jeux d'extérieurs sans contacts. Il n'y aura pas de cantine. Des plateaux-repas seront distribués dans les classes. À l'entrée de l'école, la directrice sera là pour rassurer les parents. « Ils sont inquiets de l'entrée en sixième. Ils se demandent si leurs enfants seront prêts. Mais les sixièmes ne seront pas prêts pour la cinquième et ainsi de suite », explique Françoise, maîtresse de CM2.

Avec quinze enfants par classe, au maximum, le temps d'enseignement, ne sera pas le même. En parallèle, les enseignantes assureront l'enseignement à distance. Priorité sera donnée aux « fondamentaux », le français et les mathématiques. « Si nous pouvons avancer, nous avancerons, sachant que nous reprendrons comme si l'école s'était achevée à la mi-mars », explique la directrice. En charge de la Pastorale, Sandra interviendra dans les classes. Et fera un parallèle avec l'Ascension, « ce temps où les apôtres ont été confinés, dans l'incertitude », explique-t-elle.

Autonomie et souplesse,
les atouts de l'Ecole catholique

Extrait de l'article de Caroline Beyer
Dans le Figaro daté du 5 mai 2020

L’enseignement privé plus souple ?

L’autonomie des établissements privés sous contrat est un indéniable atout dans cette reprise « progressive » de l’école, assujettie à des impératifs locaux. « Nous n’aurons certainement pas 100% des écoles ouvertes la semaine prochaine, mais c’est l’objectif », résume Philippe Delorme, secrétaire général de l’Enseignement catholique. La reprise sera progressive « pour s’assurer que les conditions sanitaires sont réunies mais aussi pour rassurer les équipes ». Ces équipes feront leur rentrée sur un à deux jours. Comme partout, les profs sont inquiets. « Mais nous avons la chance de travailler au sein d’une communauté éducative soudée, notamment avec notre association de parents (Apel) », ajoute Philippe Delorme.

 

 

"La reprise des cours est possible, et même souhaitable"

 

La matinale RCF du 28/04, présentée par Antoine Bellier

Pour l'enseignement catholique, comme pour les autres établissements de France, cette période de confinement aura vu naître le défi de la continuité pédagogique. "Cette période a très bien fonctionné. Je veux rendre hommage aux enseignants et aux chefs d'établissements. Cela demande énormément de travail. Globalement, cela s'est bien passé. Il y a eu de très belles initiatives durant ce confinement" explique Philippe Delorme, secrétaire général de l'Enseignement catholique.

Bien entendu, "comme partout, il y a des difficultés d'ordre social. On a aussi les zones blanches où la fracture numérique pénalise un certain nombre d'élèves. Quand un enfant ne peut pas être accompagné à la maison, c'est pénalisant pour lui. Maintenant, heureusement, une vie scolaire ne se joue pas sur un trimestre. Il faudra imaginer pour la rentrée de septembre les moyens d'y remédier" ajoute Philippe Delorme.

De l'importance de claore l'année scolaire

 

Concernant le retour à l'école, ce dernier ne souhaite pas se prononcer sur la bonne date de réouverture. "Je ne suis pas un spécialiste. Moi je ne sais pas. Je ne peux pas imaginer que l'on propose une reprise le 11 mai si les garanties sanitaires ne sont pas là. Il y a une décision politique. Il faut faire en sorte que cela se passe bien, dans la confiance. C'est important pour les jeunes de clore l'année scolaire d'une façon ou d'une autre. Sinon la rentrée de septembre serait difficile" lance-t-il. "La reprise est possible, et même souhaitable".

L'enjeu est autant pédagogique que psychologique, pour Philippe Delorme. "On en parle peu. On parle beaucoup des questions sanitaires. Mais on va accueillir des enfants et des adultes qui auront vécu plus ou moins facilement cette période là. Un confinement qui aura pu être douloureux. Il faut accueillir avec une écoute bienveillante tous ceux qui vont revenir chez nous un peu cabossés par ce qu'ils auront vécu. Avant d'avoir une volonté d'apprendre, il faut déjà réconforter et accueillir. Nous avons un message particulier à transmettre dans l'enseignement catholique" rappelle-t-il.
"On a déjà créé un groupe d'accompagnement au niveau national, sur la résilience. Ce groupe va se décliner soit par diocèse, soit par région, soit par académie. L'idée c'est de partager des ressources pour faciliter cet accompagnement et ce retour en classe. Nous avons un réseau de psychologues de l'enseignement catholique qui se tient à disposition. Nous sommes très attentifs à cette dimension-là. Il faut outiller nos chefs d'établissement" précise le secrétaire général de l'enseignement catholique.

"Dans toute crise, il y a des fruits inattendus. Il est évident que tant d'un point de vue pédagogique qu'éducatif, cela va nous inciter peut-être à avoir de nouvelles pratiques. Il y a plein d'éléments qu'il va falloir exploiter, pour tirer des conséquences de façon positive. C'est aussi l'occasion de se redire où est l'essentiel. Pour nous, c'est d'aider chaque jeune à découvrir ce chemin d'espérance" conclut-il.

Réouverture des écoles et des collèges :
"Dans l’enseignement catholique, c’est le chef d’établissement qui décide"

Dépêche de l'AEF du 06/05/2020

L’enseignement catholique breton, qui scolarise 252 000 élèves, se prépare à la réouverture des écoles et collèges. Françoise Gautier, présidente du CAEC de Bretagne, rappelle à AEF info que "dans l’enseignement catholique, c’est le chef d’établissement qui décide". "Après avoir calculé la surface de l’établissement, le nombre d’enfants qui souhaitent revenir, c’est lui qui décidera de rouvrir ou pas", explique-t-elle. L’enseignement catholique, qui juge la reprise "possible, et même souhaitable", rappelle que "la priorité, c’est de respecter les consignes sanitaires".

 

« La position de l’enseignement catholique, c’est d’accueillir le plus souplement possible les familles qui souhaitent remettre leurs enfants à l’école, avec comme priorité le respect des consignes sanitaires », déclare Françoise Gautier, DDEC des Côtes-d’Armor, et présidente du CAEC de Bretagne.

La décision de réouverture reviendra au final au chef d’établissement, qu’il dirige une école, un collège ou un lycée. « Dans l’enseignement catholique, c’est le chef d’établissement qui décide, rappelle-t-elle. C’est lui qui, après avoir calculé la surface de l’établissement, le nombre d’enfants qui souhaitent revenir, les particularités des locaux, décidera de rouvrir ou pas ».

Dans le diocèse voisin, à Nantes, un directeur de collège a annoncé dès le 1er mai qu’il ne rouvrirait pas son établissement. Dans son message aux parents, il évoque les risques sanitaires : « si un enfant ou un adulte contractait le Covid-19, j’en porterais la responsabilité, n’ayant pas su ou pu assurer la sécurité sanitaire qui leur est due ».

Il estime « ne pas disposer de tous les moyens et garanties nécessaires pour accueillir l’ensemble des enfants ». Expliquant qu’il a « une obligation de moyens et non de résultats », il fait le choix de poursuivre l’enseignement à distance, « et de n’accueillir que les enfants de soignants, des forces de l’ordre ainsi que de tous ceux qui n’ont d’autres choix que de quitter leur domicile pour relancer l’activité économique du pays ».

 

Beaucoup de familles hésitent

En Bretagne, pas de décision similaire pour le moment : "Nous n’avons pas eu de remontée de ce type de la part des chefs d’établissement", indique Françoise Gautier. "Les équipes éducatives travaillent actuellement sur leur plan de reprise. Les chefs d’établissement sont en train de recueillir le positionnement des parents sur un retour à l’école de leurs enfants. D’après les premiers éléments que nous avons, un petit pourcentage de familles sont sûres de remettre leurs enfants à l’école, un petit pourcentage de familles sont sûres de ne pas les remettre, et un gros pourcentage de familles hésitent. Ça peut tout à fait se comprendre. C’est pour cela qu’il faudra faire preuve de souplesse, et par exemple leur proposer de se positionner dans un premier temps, sans que leur choix ne les engage jusqu’à la fin de l’année scolaire".

Cette « souplesse » pourra aussi concerner la date de « rentrée » des élèves : « si les écoles ont besoin de l’étaler sur plusieurs jours, ce n’est pas un problème » Autre exemple cité par Françoise Gautier : « les personnels Ogec des collèges, qui n’ouvriront pas avant le 18 mai, peuvent intervenir dans les écoles pour aider à la reprise… Même chose pour les enseignants. La souplesse est aussi dans la solidarité ! »

 

La moitié des écoles de Côtes d’Armor sont restées ouvertes

Les personnels Ogec (personnels non enseignants salariés de l’enseignement privé) sont associés à la préparation de la réouverture. « Un bon nombre d’entre eux connaissent déjà les consignes en matière d’hygiène ou de nettoyage", estime Françoise Gautier, qui rappelle que la moitié des écoles catholiques, dans les Côtes-d’Armor, ont continué à accueillir des enfants (de personnels soignants en majorité) pendant le confinement. "Ce qui sera nouveau, c’est le port du masque, et les nouvelles consignes, comme l’aération des classes cinq fois par jour ».

Pour ce qui concerne les chefs d’établissements et les enseignants, Françoise Gautier est convaincue "qu’ils feront le maximum". « Ils ont déjà fait preuve, pendant le confinement, de beaucoup d’imagination et de disponibilité. Ils réfléchissent actuellement à des modifications des emplois du temps, à des sens de circulation dans les couloirs, à des changements de classe par les enseignants, plutôt que par les collégiens ». Autres pistes de réflexions : prévoir des arrivées à l’école ou au collège sur des plages horaires différentes, pour éviter un flux d’élèves important au même moment ; supprimer les temps périscolaires; organiser différemment la cantine…

 

 

La résilience dans les directions diocésaines

 

« Nous n’organisons pas un retour à la normale, mais une période II du Covid-19 », prévient Françoise Gautier. « Nous allons reprendre en ayant vécu deux mois inédits, avec plus ou moins de joie. Il est important que chacun puisse parler de cette période, qui a pu être source de richesse ou de souffrance. Ce n’était pas une simple parenthèse ». Des "fonctions de résilience" seront activées dans chaque direction diocésaine, "en lien avec les psychologues de la DDEC.

Pour Françoise Gautier, les chefs d’établissement et les enseignants auront également ce rôle de "tuteurs de résilience" : « tenir, reprendre, rebondir… Ce sont les objectifs que nous nous sommes fixés. Il y a eu beaucoup de créativité en matière de pédagogie, mais aussi de nouveaux modes de pilotage, de management. Le lien avec les familles a souvent été renforcé en cette période. Il est important de s’interroger : comment garder le meilleur ? Comment fonctionner autrement à l’avenir ? »

"Un enjeu éducatif, psychologique et spirituel"

Le secrétaire général de l’enseignement catholique, Philippe Delorme, commente la décision prise par l’exécutif de rouvrir progressivement les écoles à partir du 11 mai, au sortir du confinement strict imposé par la crise sanitaire du Covid-19.
Un retour à l’école qui exige des conditions sanitaires mais aussi un accompagnement psychologique et spirituel.

Propos recueillis par Denis Peiron
pour le Journal La Croix le 20/04/2020

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La Croix : L'exécutif prévoit une reprise progressive de l'école à partir du 11 mai. Comment accueillez-vous cette décision ?

Philippe Delorme : L’annonce de cette reprise progressive, que nous allons mettre en œuvre en lien étroit avec le ministère de l’éducation, suscite à la fois de l’espérance, notamment chez de nombreux enfants et jeunes qui ont hâte de retrouver une vie sociale, et de l’inquiétude chez beaucoup de familles, d’enseignants, de chefs d’établissement, qui se demandent comment la réouverture pourra se dérouler.

Pour réussir ce retour en classe, nous pourrons nous inspirer de l’expérience que nous avons acquise ces dernières semaines avec l’accueil dans nos écoles, par des personnels volontaires, de nombreux enfants de soignants (jusqu’à 8 000 par semaine).

Nous nous en remettrons aux autorités pour déterminer le moment opportun pour un retour en classe. Comme l’a laissé entendre le premier ministre, certains territoires, peu ou pas touchés par le Covid-19 pourraient reprendre plus tôt que d’autres. Nos établissements, qui sont associés au service public de l’éducation, rouvriront là où les écoles publiques recommencent à accueillir leurs élèves.

 

Avec quelles mesures de protection ?

Ph.D. : Il nous faudra disposer de gel, des masques, éventuellement de gants pour les plus jeunes, car il sera très compliqué de faire respecter aux tout-petits les mesures de distanciation. C’est une condition indispensable pour pouvoir reprendre, comme la mise en place d’une désinfection très régulière des locaux.

Et si le ministère de la santé le demande, élèves et enseignants pourraient même porter des masques en permanence. Je crois que ce serait de nature à rassurer les personnels comme les familles.

 

Que pensez-vous du scénario d’une reprise par demi-groupes, avec une alternance hebdomadaire ?

Ph.D. : Édouard Philippe a effectivement évoqué cette possibilité. On pourrait imaginer aussi, dans les petites classes, fonctionner avec uniquement un tiers des effectifs. En la matière, il est essentiel de laisser à nos établissements toute la liberté prévue par le contrat d’association avec l’État et de déterminer l’organisation la plus pertinente en fonction de leur territoire, de leurs personnels, des contraintes de transports, etc.

 

Que peut-on vraiment attendre, d’un point de vue scolaire, d’une reprise partielle ?

Ph.D. : Depuis le début du confinement, nos équipes éducatives ont fait preuve d’engagement, de créativité, d’innovation pour assurer, globalement, une vraie continuité pédagogique. Mais comme dans le public, la situation est plus difficile pour un certain nombre d’élèves qui ne peuvent pas être accompagnés dans les apprentissages par leurs parents ou sont victimes de la fracture numérique. On peut penser aussi à de nombreux enfants de CP qui ont commencé à lire et pour lesquels cette interruption peut s’avérer préjudiciable.

Plus largement, il s’agit de remettre en selle les élèves afin qu’ils retrouvent une dynamique et se projettent vers la rentrée de septembre. Tous ont besoin d’être remotivés. La reprise des cours constitue un enjeu psychologique autant que pédagogique. D’autant que certains enfants ou adultes auront été éprouvés par le deuil. La jeune fille de 16 ans, récemment décédée du Covid-19 dans l’Essonne, était par exemple l’une de nos élèves. Nous envisageons de faire revenir un peu plus tôt nos personnels pour préparer les conditions sanitaires, pédagogiques mais aussi psychologiques et même spirituelles de ce retour à l’école.

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