Une terminale pour les décrocheurs
Depuis la rentrée 2014, le Lycée de la Nouvelle chance, installé sur le campus Ozanam de Lille, accueille de jeunes décrocheurs pour les préparer au bac. Une initiative lancée par la direction diocésaine de Lille, avec l'aide de sept lycées catholiques.
Par Coline Léger
Romain Natalaï a arrêté ses études en 1re pour travailler. Il a vite déchanté : « Je n'ai rien trouvé d'intéressant, seulement des stages ou des petits boulots », se souvient le jeune homme de 21 ans. Désormais, il est déterminé à obtenir le bac pour se construire un meilleur avenir. « Mais je n'envisageais pas de me présenter en candidat libre, sans accompagnement », confie-t-il. C'est ainsi que peu avant Noël, il a rejoint le Lycée de la Nouvelle chance, hébergé au sein du campus Ozanam, à Lille. Cette structure, lancée à la rentrée 2014 sous l'impulsion de la direction diocésaine de Lille avec l'appui de sept établissements, aide les jeunes adultes ayant interrompu leurs études à obtenir le bac. Elle est composée de deux classes, une classe de ST2S (sciences et technologies de la santé et du social) et une classe de ES. Au total, 12 élèves âgés de 17 à 23 ans sont inscrits et une vingtaine de professeurs se relaient quotidiennement pour assurer les cours. Le dispositif est accessible à tous les jeunes décrocheurs, dès lors qu'ils ciblent l'une des deux filières proposées et qu'ils ont suivi une classe de 2de. Comme Romain, certains n'ont pas le niveau de 1re : « Je rattrape les notions qui me manquent en fournissant beaucoup de travail personnel », souligne cet ancien élève dissipé. devenue maman pendant sa terminale en 2009, avant d'obtenir son bac l'an dernier grâce à ce dispositif. « La plupart sont des élèves fragiles. Ils ont besoin de s'appuyer humainement sur l'équipe enseignante », souligne Jean-Christophe Laval, coordinateur de vie scolaire de la structure et professeur de SVT.
En la matière, l'effectif réduit des classes est un atout. « Je n'hésite plus à poser des questions quand je ne comprends pas, bien que je sois une grande timide », confie Célia Dessenne, 19 ans, orientée par l'une de ses enseignantes de 1re vers ce cursus alors qu'elle décrochait. « J'avais des réticences à retourner au lycée. Mais ici, le rapport aux profs est totalement différent », témoigne Margot deux-tiers du programme de terminale.
En contrepartie, les ordinateurs portables fournis aux élèves leur permettent d'avancer à la maison sur les cours théoriques, accessibles via un site dédié. Autant de temps libéré pour insister en classe sur les notions difficiles.
« Notre cahier des charges inclut l'innovation pédagogique : nous souhaiterions par exemple développer des cours en vidéo », anticipe Bertrand Leclercq. Le Lycée de la Nouvelle chance est né de la volonté de Marie-Claude Tribout, directrice diocésaine de Lille, de lutter contre le décrochage scolaire, dès son arrivée en 2011. « Une commission est allée en repérage au Lycée Nouveau départ de Notre-Dame-des-Oiseaux, à Paris, un établissement membre de l'Association des Lycées du Soir », se souvient Christine Verrier, chargée de mission à la direction diocésaine qui a porté le projet. Finalement, c'est un dispositif fonctionnant en journée, plus facilement compatible avec les emplois du temps des professeurs, qui a été retenu.
Onze bacheliers sur douze élèves
« L'idée de redonner confiance aux jeunes et de les remettre en projet m'a séduite », témoigne Isabelle Petitprez, professeur d'histoire-géographie au lycée Saint-Rémi à Roubaix, qui dispense 2h30 de cours par semaine à la Nouvelle chance. Elle fait partie de la vingtaine de professeurs, qui a répondu à l'appel à candidatures lancé par le diocèse. Une formation d'un mois leur a été proposée : « Ce temps nous a permis de construire une cohésion d'équipe, mais aussi d'apprendre à gérer les jeunes décrocheurs, pour éviter qu’ils éprouvent à nouveau de l’appréhension scolaire », se souvient Jean-Christophe Laval.
Les moyens horaires mis à disposition du Lycée de la Nouvelle chance sont financés dans le cadre du plan de réussite éducative de l’enseignement catholique. Mais le dispositif ne peut fonctionner sans les établissements qui acceptent de libérer leurs professeurs et d'apporter leur soutien à la démarche : Ozanam, Notre- Dame-d’Annay, Notre-Dame-de-la-Paix à Lille, Saint-Vincent-de-Paul à Loos, Marie-Noël à Tourcoing, Saint-Rémi et Saint-Martin à Roubaix. Tous ont fondé l'association Les parcours de la nouvelle chance. Présidée par Benoît Bulteau, directeur de Notre-Dame-d’Annay, cette association est garante du bon fonctionnement du lycée éponyme. « Les élèves n'étant inscrits dans aucun de ces établissements, ils passent le bac en candidats libres », précise Christophe Leroy, directeur d'Ozanam et trésorier de l'association. Le coût de la scolarité demandé aux familles est de 140 € l'année. « C'est plus accessible que les cours par correspondance qui dépassent les 1000 € », souligne Margot Fontaine. Ce tarif vise à n'exclure aucun candidat. « Le dispositif est actuellement déficitaire, de l'ordre de 14 000 €, ce qui est conforme à nos prévisions, indique Christophe Leroy. Pour le pérenniser financièrement, nous envisageons de créer des antennes, par exemple, à Arras, Cambrai … Sous réserve que ces diocèses et leurs établissements nous suivent dans la démarche. » Pour l'heure, les résultats sont au rendez-vous. « Sur douze inscrits à la première session, une seule élève, hospitalisée, a échoué… et encore, elle s'est resocialisée grâce au Lycée de la Nouvelle chance », indique Jean-Christophe Laval. Aujourd'hui, la structure souhaite travailler plus en amont avec les lycées de la région, pour intégrer les élèves dès les premiers signes de décrochage. Face aux demandes, elle envisage en outre d'ouvrir une section S. Une façon d'offrir une chance supplémentaire à davantage d'élèves encore.
Dix lycées "nouveau départ" en France
L'Association des Lycées Nouveau départ rassemble dix établissements catholiques accompagnant les jeunes décrocheurs jusqu'au baccalauréat, à travers la France. Créée en 2001 sous l'appellation « Association des Lycées du Soir », elle a changé de nom l'an passé : « À l'origine, les Lycées du Soir accueillaient des personnes en activité souhaitant passer le bac pour évoluer professionnellement. Progressivement, le public a changé, avec beaucoup de jeunes adultes en décrochage scolaire ou en réorientation vers les filières générales et technologiques. Dans l’ensemble, les cours ne se déroulent plus le soir », indique Emerik Flamment, directeur du Lycée Nouveau départ de Sainte-Agnès, à Angers, et président de l'association. Certains de ces établissements accueillent jusqu'à une centaine d'élèves, d'autres une dizaine. Comme les effectifs, les filières proposées varient d'un lycée à l'autre (L, ES, S, STMG, ST2S). L'association vise à promouvoir le partage d'expérience entre les établissements ayant entrepris ou souhaitant s'engager dans cette démarche.
Emerik Flamment, Lycée Nouveau départ de Sainte-Agnès, Angers
Mail : nouveaudepart@sainteagnes49.fr
Tél. : 02 41 88 07 78
Par ailleurs, les Jésuites ont choisi de décliner un dispositif similaire du ministère appelé « Micro-lycée » à Saint-Joseph-de-Tivoli, à Bordeaux, à Saint-Jospeh, à Avignon, et à Saint- Marc, à Lyon.
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