Terreau de coexistence

Les nombreux projets portés à l’Institut Saint-Louis - Saint-Clément de Viry-Châtillon (91) font rayonner hors les murs un climat scolaire fraternel. Avec un fil rouge : une pastorale d’ouverture.

 

Par Virginie Leray

Les élèves en visite à l'épicerie sociale de Viry-Châtillon.
Les élèves en visite à l'épicerie sociale de Viry-Châtillon. © VL

Un club Unesco (1) à l’automne 2015 et à présent l’ouverture d’une section « Coexister » (2) pour faciliter les échanges sur les religions. À Viry-Châtillon (91), les lycéens de l’Institut Saint-Louis - Saint-Clément se bougent pour monter des projets. Tous sont désireux de partager hors les murs de l’établissement le climat fraternel qui y règne, comme l’explique Matthieu, l’un des élèves de terminale fondateurs du club Unesco : « Ici, l’ambiance est familiale. On se connaît tous et on sent que les enseignants sont impliqués dans notre réussite. Chaque classe a un groupe Facebook dédié à l’entraide dans le travail. Il y a aussi un tutorat formalisé entre élèves de terminale et de seconde… Tout cela structure, habitue à être attentif aux autres et donne envie de prolonger la solidarité à l’extérieur de l’école. »

Mais les membres du Club Unesco ont dû revoir leurs ambitions altruistes à la baisse pour des raisons de sécurité liées au contexte géopolitique. Après l’attentat d’Istanbul de janvier dernier, l’action culturelle qu’ils voulaient conduire dans un camp de réfugiés en Turquie a pris la forme d’un financement participatif sur une plateforme en ligne. Puis, les tensions liées au démantèlement partiel de la Jungle de Calais, les ont empêchés de livrer eux-mêmes au Secours catholique local les chaussures collectées pour les migrants. Les jeunes se sont alors rapprochés de l’épicerie sociale de Viry-Châtillon pour laquelle ils ont rempli des caddies de produits d’hygiène et posé des jalons pour y instituer des activités de soutien scolaire et d’aide informatique le mercredi après-midi : « Nous avons enfin pu avoir de vraies rencontres à l’épicerie. Heureusement car c’est sortir de notre microcosme qui nous fait grandir. Au final, nous n’aurons pas effectué beaucoup d’actions… mais mesurer qu'on ne va pas au devant des autres en claquant des doigts a aussi été formateur. Et puis le cadre est posé pour les successeurs », philosophent Adrien et Arthur.

Échanges littéraires avec Jérusalem

Gage de sérieux et catalyseur de projets, ce club Unesco lycéen, précurseur

d'un label Unesco que l’institut va chercher à obtenir, devrait profiter aux nombreux autres engagements proposés aux élèves : rencontres intergénérationnelles avec les pensionnaires de la maison de retraite voisine, soutien à des acteurs humanitaires locaux ou partenariat avec la médiathèque la ville…

Sylvie Jopeck, l’enseignante de lettres qui a accompagné les jeunes dans la fondation du club, pourra aussi par son biais conforter les échanges littéraires qu’elle a déjà organisés avec des établissement de Jérusalem. Et ce, dans le cadre du réseau Barnabé qui coordonne des actions entre écoles catholiques de France et de Terre sainte. En 2013-2014, un projet théâtral d’envergure entre sa classe de 1re L et des élèves de 2de du lycée du Saint-Rosaire de Beit Hanina a donné lieu à des voyages avec, à la clef, des représentations conjointes, à Jérusalem ainsi qu’au Théâtre National de Chaillot, autour de lectures mises en scène de Wajdi Mouawad, Mahmoud Darwich et Pierre Notte. « Ce partage d’un répertoire contemporain entre des élèves que tout sépare fut une aventure humaine exceptionnelle : la rencontre avec les textes, d’autant plus vivants qu’ils sont récents et joués, se double de la rencontre d’une autre culture… », s’enthousiasme l’enseignante qui prépare un projet d’échange épistolaire avec une école de Naplouse.

En prévision d’un séjour de prise de contact, elle apprend d’ailleurs l’arabe avec Catherine Thuillier, adjointe en pastorale scolaire (APS) dans l’établissement, autre cheville ouvrière du club Unesco et partie prenante de nombreux autres projets, dont la visite à Auschwitz par quatorze élèves et trois enseignants qui embarqueront à l’automne 2016 à bord du Train de la mémoire : « La fraternité passe aussi par la mise en cohérence des actions. C’est ce liant qu’entend apporter notre pastorale d’ouverture qui se tisse autour du projet d’établissement et des initiatives portées par les personnels et les élèves. » Un état d’esprit partagé par son collègue APS Koffi Martin Yao : « Au-delà de la généralisation, pour tous les niveaux du collège, d’un parcours de culture religieuse, nous nous avons organisé une Journée pour l’unité des croyants, avec la venue d’un rabbin et d’un imam aux côtés de notre prêtre référent. »

« Les attentats ont aussi rapproché les gens »

Cette dernière initiative a été prise en réponse aux inquiétudes des enseignants musulmans soucieux d’éviter tout risque d’amalgame et de stigmatisation suite aux attentats terroristes. Catherine Thuillier a aussi souhaité sensibiliser les élèves aux stéréotypes religieux en invitant l’association Coexister « dont les intervenants ont été surpris par l’intérêt, la tolérance et la maturité de la réflexion des jeunes », commente l’APS. Sur ce terreau favorable à la coexistence a germé l’idée de lancer l’an prochain une section lycéenne de cette association pour promouvoir des échanges et des actions interreligieuses dans l’établissement mais également dans la cité. « Les événements dramatiques de janvier et novembre 2015 ont créé des crispations largement relayées par les médias. Elles ont aussi rapproché la plupart des gens, une majorité silencieuse qui doit se faire entendre davantage », estiment deux élèves de 2nde, Gabin qui se définit comme « déiste de culture chrétienne », et Rim, musulmane pratiquante. « Souvent, on échange en petits groupes affinitaires mais les moments festifs, certaines épreuves comme des décès ou maladies de nos camarades ainsi que les actions de solidarité arrivent à nous fédérer plus largement. D’où mon envie de participer à l’aventure de Coexister où le moteur est à la fois l’action, l’attention à l’autre et l’intérêt pour la différence », explique Ariane, élève de 1re. Comme en écho au tout nouveau projet de l’établissement qui promeut justement une École « de la rencontre, de l’ouverture et de l’engagement ». Les trois ingrédients d’une fraternité en actes ?

(1). Club Unesco

(2). Coexister

fraternite-adultesLa fraternité, entre les adultes aussi

Les travaux d’agrandissement de l’Institut Saint-Louis-Saint-Clément de Viry-Châtillon (91) ont eu raison de la traditionnelle salle des profs. À la place, un vaste espace se décompose en cinq lieux distincts : deux salles pour les enseignants, l’une dédiée au travail individuel, l’autre aux travaux collectifs ; un salon pour se reposer au calme ; une cafétéria pour les pauses conviviales où se tient le « café info » hebdomadaire afin de partager ses actualités ; une salle de réunion pour les temps de concertation et les conseils de classe, de direction, pédagogique… « Ces espaces sont conçus pour favoriser le travail personnel en même temps que la rencontre et les échanges. Ils répondent à la fois au besoin de concertation accru qu’impliquent les nouvelles modalités d’enseignement et au souci de promouvoir un climat fraternel entre tous les adultes de l’établissement », fait valoir Jérôme Vannier, le directeur-coordinateur de l’ensemble scolaire Notre-Dame - Saint-Louis-Saint-Clément. Autre front de fraternisation, celui ouvert par la fusion en 2015 de l’institution avec l’ensemble scolaire du Sacré-Cœur, basé à Savigny-sur-Orge, commune voisine. « Il s’agit de donner chair à un processus qui ne doit pas se limiter aux aspects techniques et financier, l’enjeu étant de marier deux cultures d’établissement », explique Jérôme Vannier qui a déjà institué des temps forts communs à tous les sites (notamment à Noël, et des journées pédagogiques) entre lesquels cinq enseignants partagent par ailleurs leur service. Prochaine étape en perspective : proposer à tous les enseignants un séjour de cohésion sur le modèle du séjour d’intégration proposé aux élèves de 6e et 2de.

Eca-ecole-creuset-fraterniteLe hors-série de juillet 2016 du magazine ECA est entièrement dédié à la notion de fraternité et sur la manière dont elle se vit dans les établissements scolaires.

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