Une cellule nationale d’accompagnement
La Coordination nationale de gestion de crise a mis en place un réseau de référents qui assure une écoute et un soutien psychologique de tous les acteurs qui en font la demande. Une réponse aux situations de stress générées par la crise sanitaire.
François Husson
« La Coordination nationale de gestion de crise de l’enseignement catholique, dont je fais partie, réunit des psychologues de l’enseignement catholique, des directeurs diocésains et des membres du Sgec, explique François Holland, en charge du diocèse d’Arras. Elle est sensibilisée à toutes sortes de risques et se prépare à y faire face. » Mobilisée depuis le début de la crise sanitaire, elle constate que de nombreux acteurs de l’enseignement catholique doivent gérer des situations de stress et d’angoisse.
« Dès la semaine du 23 mars, nous avons rédigé une fiche pour que soient vécues le plus sereinement possible toutes les situations de confinement », déclare Marie-Agnès Brethé, présidente de l’Anpec (Association nationale des psychologues de l’enseignement catholique). Ce document intitulée « Accompagner les acteurs de l’enseignement catholique pendant un temps de confinement », délivre des conseils utiles aux chefs d’établissement et aux éducateurs.
Autre initiative de la Coordination : mettre en place des temps d’écoute pour ceux qui le souhaitent (y compris les jeunes et les parents). Un réseau de psychologues référents assure l’écoute des personnes en souffrance ou à la recherche de conseils. Une urgence, au vu des signalements qui remontaient. « Nous n’avons pas utilisé de numéro vert national, indique la présidente. Les chefs d’établissement ont été chargés par les directions diocésaines d’informer les familles et les personnels du fait qu’elles peuvent appeler un psychologue référent. Certains psychologues proposent un échange par écrit, d’autres par visio ou téléphone… Ce sont souvent les chefs d’établissement qui nous interpellent en premier quand une situation les inquiète. »
Réouverture et relecture
Si l’accompagnement était la première des urgences, une nouvelle problématique a surgi : la réouverture des établissements, avec son lot d’inconnus. « On sait que certains enfants et adultes seront fragiles, prévient Marie-Agnès Brethé. Il faudra prévoir des temps avec les adultes avant d’accueillir les enfants et de l’écoute en groupe de jeunes ou d’adultes. » Et pour anticiper la réouverture, l’Anpec a élaboré un deuxième document, intitulé Pistes de l’ANPEC pour aborder l’après confinement,, en lien avec la Coordination et le Sgec. Réservé aux directions diocésaines, « il propose des pistes générales, une réflexion, commente François Holland. Il ne peut pas exister une seule façon de faire, mais quand on aura les précisions du ministère, on proposera un accompagnement sur le terrain. On vit un temps d’attente qu’on veut mettre à profit en se préparant. »
Marie-Agnès Brethé se félicite de la réouverture des établissements : « Il aurait été dramatique de ne pas finir l’année. On va réfléchir avec tous les acteurs à la façon de vivre ce temps de retrouvailles - peut-être entre établissements petits et grands qui auront besoin de se rapprocher. Certains enseignants seront également déstabilisés. C’est difficile de savoir si les gens vont bien ou pas... »
François Holland estime, quant à lui, que la nécessité d’écouter et de soutenir tous les membres de la communauté éducative se fera sentir jusqu’à l’automne. Il insiste sur la relecture des évènements que tous les acteurs devront faire, tant au niveau personnel que collectif.
« On est actuellement dans l’action et l’obligation d’accompagner les situations de souffrance. L’Anpec a déjà fait un travail remarquable. Mais chacun reviendra avec son histoire et il faut un recul suffisant pour se rendre compte que l’on ne va pas bien, et trouver du sens à cela. Pour la réouverture, il y aura un accompagnement à assurer. L’approche de l’Anpec, qui fait attention à chaque catégorie (élèves, familles, personnels, enseignants) est pertinente ; elle permet que personne ne se sente oublié. »
Textes accessibles sur le site de l'Anpec
Une permanence téléphonique à Vannes
Dans le Morbihan, une permanence téléphonique a été mise en place par la direction diocésaine. Katherine Vernier, vice-présidente de l’Anpec, est l’une des psychologues qui assurent cette écoute.
« Assez rapidement, on s’est aperçu de la nécessité de communiquer avec les familles. Nous avons envoyé un courrier, cosigné par le président de l’Apel 56 et le directeur diocésain, pour informer les familles qu’elles pouvaient appeler un psychologue. La direction diocésaine du Morbihan est dotée d’une cellule de sept psychologues, soit 5,8 ETP (équivalents temps plein). Pour que les familles puissent nous joindre, nous avons dédié à ces appels trois lignes fixes de la direction diocésaine, toutes basculées sur nos téléphones portables professionnels. Nous effectuons une permanence l’après-midi, du lundi au vendredi, de 14 h à 17 h. On a eu à ce jour, le 16 avril, une vingtaine d’appels, en majorité des mamans, parfois des chefs d’établissement ou des enseignants qui s’inquiètent pour leurs élèves. Il en ressort que dans les petites sections, les enfants sont plutôt contents d’être à la maison. Les plus grands qui comprennent ce qui se passe, sont parfois touchés, comme cet enfant qui avait peur d’être malade et qui mangeait moins. Les lycéens nous contactent peu. Une élève de seconde qui faisait une crise d’angoisse à cause du travail personnel qui lui était demandé, nous a tout de même appelés mais c’était aussi pour évoquer d’autres difficultés qu’elle traversait. Nous avons dû faire face à trois décès, sans lien avec le Covid-19. Mais cela a touché la communauté éducative. L’accompagnement devra être repris à la réouverture.
Au regard de la situation, le nombre d’appels est faible car ce n’est pas facile de décrocher son téléphone pour demander de l’aide. Mais aussi, parce le chef d’établissement (ou les enseignants) perçoit bien souvent les difficultés et fait baisser les tensions. Ainsi, même s’il donne notre numéro, l’appel ne suit pas forcément. Mais la personne sait qu’elle peut nous joindre, et le chef d’établissement ne porte pas seul cette responsabilité.
Nous n’avons pas envisagé de travailler en visio car nous ne sommes pas équipés, et il faudrait sécuriser les échanges. On n’en ressent pas le besoin, en fait. Au téléphone, on ne travaille qu’avec la voix. La personne est chez elle et nous chez nous, le contact est étrange, mais le téléphone favorise l’écoute. On découvre une autre modalité de travail, finalement très fructueuse. Le contexte nous amène à aller à l’essentiel et nous rend plus efficients.
En équipe de psychologues, on a pris l’habitude d’une réunion quotidienne, via Teams.
Cela nous permet de réfléchir et de préparer la réouverture. On sait que l’on aura plus de travail : il faudra accompagner les établissements – les adultes et les enfants. On ne peut pas rouvrir comme si de rien n’était. Ce sera une reprise progressive. Il faudra prendre un temps pour partager les émotions. Et dire ce qui été vécu pendant le confinement pour donner un sens à cette fin d’année. Dans cette période, le psychologue a vraiment son rôle. C’est une expérience positive. On est relié aux pédagogues et aux chargés de mission. C’est un travail d’équipe qui est loin d’être terminé ! »