Enseignants issus du concours interne: Quelle formation continue ?
Favoriser le développement professionnel des professeurs lauréats des concours de recrutement interne et réservé: personnaliser les parcours de formation
Auteurs: Rachel BUCAILLE et Aude ALEXANDRE-ORRIN
rachel@bucaille.info
C.U.C.D.B., ISFEC Bourgogne Franche-Comté, Dijon, France
Accompagner chaque professeur stagiaire dans la construction de ses compétences et former des enseignants du 21e siècle, compétents, réflexifs, voilà ce que chaque institut de formation tend à proposer aux professeurs stagiaires qui lui sont confiés. Nous avons entrepris une réflexion approfondie, laquelle a débouché sur une recherche autour de la problématique : « Comment penser un parcours de formation à même d’aider un professeur, au profil singulier, dans la prise de conscience et dans la construction de ses compétences, tout en en permettant une évaluation par l’organisme de formation ? ». Nous montrerons comment nous avons mis en œuvre un dispositif de formation axé sur la personnalisation des parcours afin de favoriser le processus de professionnalisation et le développement professionnel continu des professeurs stagiaires plus expérimentés, en s’appuyant sur les principes clés de l'Andragogie, les travaux de Wittorski et des recherches sur le champ de la didactique professionnelle et de l’analyse réflexive. Cette évolution veut s’inscrire dans le cadre éthique: accompagner les professeurs stagiaires au plus près de leur réalité professionnelle, croiser les regards entre les différents acteurs , tout mettre en œuvre pour permettre à chacun de progresser et de valoriser ses réussites, adapter le suivi en étant garant d’un dispositif visant l'acquisition de compétences professionnelles du référentiel métier. Deux années de fonctionnement de ce dispositif et une évaluation régulière de ses effets nous permettent d’en constater l’efficacité, et de mesurer la reconnaissance qui en est faite par l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle des professeurs.
Introduction
Accompagner chaque professeur stagiaire dans la construction de ses compétences, faire de l’année de validation une année qui marque un tournant dans la carrière des enseignants, former des enseignants compétents, réflexifs, voilà ce que chaque centre de formation tend à proposer aux professeurs stagiaires qui lui sont confiés.
Nous montrerons dans cet article comment l’ISFEC Bourgogne Franche Comté a réfléchi et mis en œuvre un dispositif de formation axé sur la personnalisation des parcours afin de favoriser le processus de professionnalisation ainsi que le développement professionnel continu des professeurs stagiaires lauréats des concours interne et réservé. Dans une première partie, nous décrirons le contexte et les origines du dispositif qui nous ont amenés à repenser le parcours de formation des professeurs stagiaires, puis nous développerons ce dispositif mis en place qui prend appui sur des lectures théoriques dans le domaine de l’andragogie, principalement à partir des travaux de Malcolm Knowles mais aussi à partir des travaux sur la professionnalisation de Richard Wittorski et enfin des travaux sur la pratique réflexive de Donald Schön, Philippe Perrenoud ou encore Anne Jorro. Dans une dernière partie nous analyserons les résultats du dispositif et exposerons des pistes d’amélioration en perceptive.
“Penser la formation des enseignants aujourd’hui,
c’est améliorer la formation de tous pour demain”
Former les enseignants du 21e siècle
Chaire UNESCO de l'ENS
1. Contexte et origine du dispositif
Les Instituts Supérieurs de Formation de l’Enseignement Catholique (I.S.F.E.C) sont des établissements d’enseignement supérieur missionnés par le Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique pour la formation initiale et continue des enseignants du premier et du second degré de l’enseignement privé sous contrat avec l’État. L’ISFEC de Bourgogne Franche Comté est l’un des vingt instituts missionnés et est lié à l’université Catholique de Lyon. Nous intervenons dans tout le parcours de formation de l’enseignant : en formation initiale et en formation continue.
Depuis la rentrée 2014, notre ISFEC fonctionne en prenant appui sur deux antennes académiques de notre région, basées à DIJON et à BESANCON, pilotées par deux responsables d’Antenne. Les deux académies accueillent et forment les deux promotions de professeurs stagiaires (1er et 2nd degrés) soit environ 140 enseignants : les professeurs stagiaires en Alternance issus des concours externes et les professeurs stagiaires issus des concours internes et réservés. Cette dernière promotion de stagiaires représente environ 75 enseignants pour les deux académies, placés sous la responsabilité de deux responsables “CIR” (Concours Interne et Réservé).
En vue de “valider” leur année de stage afin d’accéder à la titularisation, les lauréats issus des concours internes et réservés sont donc placés avec un contrat “de Professeur Stagiaire” sur un service en établissement à temps complet et bénéficient d’un dispositif de formation et d’accompagnement, qui repose essentiellement sur deux moyens :
- l’affectation d’un Tuteur, enseignant expérimenté et formé, exerçant si possible dans le même établissement (et dans la même discipline en 2nd degré…)
- des temps de formation, placés sous la responsabilité des Instituts Missionnés de l’Enseignement Catholique et financés par Formiris, généralement.
La formation des lauréats de concours est destinée à outiller le professeur stagiaire, pour lui permettre d’acquérir progressivement la maîtrise des compétences nécessaires à l’exercice de son métier, tant sur le plan éducatif, pédagogique, didactique, que relationnel...en intégrant également la dimension spécifique de son engagement dans l’Enseignement Catholique. La formation doit entraîner le professeur stagiaire à une analyse réflexive de sa pratique, et ainsi l’aider à intégrer l’ensemble des compétences de l’enseignant, au-delà des seuls besoins nécessaires à l’année de stage, en vue de ses prises de fonctions ultérieures.
Or, les professeurs stagiaires issus des Concours internes ou réservés (qu’on appelle les CIR) ont déjà une expérience professionnelle d’au moins trois années d’enseignement (parfois plus importante). L’enjeu est donc de parfaire en référence aux dix-neuf compétences de l’enseignant du bulletin officiel du 18 juillet 2015, leur pratique professionnelle déjà développée.
Avant la rentrée 2014, le dispositif de formation proposé comportait un module « tronc commun » et un module « disciplinaire et didactique » soit au total vingt journées obligatoires pour les deux promotions de stagiaires lauréats des concours internes et réservés et lauréats des concours externes, de façon non dissociée. Les évaluations qui en ressortaient laissaient poindre beaucoup de frustration, tant chez les formateurs que chez les stagiaires. Ce dispositif uniforme était peu adapté à l’expérience accumulée des stagiaires.
Les lauréats du concours externe ont, pour la grande majorité d’entre eux, peu voire pas d’expérience dans l’enseignement. Il faut donc « tout apprendre » du métier. Concernant les lauréats des concours interne et réservé (CIR), c’est l’inverse, eux ont obligatoirement plusieurs années d’expérience (condition indispensable pour présenter le concours).
On pourrait imaginer que faire « tabula rasa » pour tous les lauréats pourraient fonctionner. On reprend depuis la base, on construit la formation en fonction des modules identifiés comme les incontournables (gestion de la classe, activités didactiques, suivi des élèves…). Toutefois, cela paraît peu pertinent de proposer à des enseignants ayant déjà développé des pratiques – parfois peu efficaces on peut en convenir – de reprendre « à zéro ». La prise en compte du connu, du vécu est un élément essentiel de l’engagement dans un processus de formation. Comme évoqué précédemment, les professeurs stagiaires CIR à qui sont imposés des modules de formation uniformes seront moins enclins à s’y investir puisque non considérés comme déjà engagés professionnellement.
La mastérisation de la formation représente un tournant et entre en vigueur à la rentrée 2014. A partir de là, les promotions de stagiaires sont dissociées, les lauréats des concours externes bénéficient d’un temps de formation plus conséquent (mi-temps) et il a fallu mettre en place deux dispositifs de formation distincts sur chacune des Antennes et donc « inventer » un dispositif particulier uniquement à destination des lauréats CIR. L’idée directrice reste malgré tout de faire bénéficier tous les lauréats des modalités « qui fonctionnent ». Le dispositif de formation des lauréats CIR est alors diminué à 8 journées pour le module « tronc commun » et 6 journées pour le module “disciplinaire didactique”.
Les modalités de l’évaluation des stagiaires changent aussi courant 2015 dans le Bulletin officiel du 26 Mars 2015 avec la création de l’Avis de l’Institut de Formation (ISFEC), avis sur la titularisation des stagiaires y compris les concours internes et réservés, complétant aussi l’avis du chef d’établissement (avis CE) et celui de l’Inspecteur (avis IEN/IPR) à destination du jury de validation.
Le conseil de formateurs de l’ISFEC Bourgogne Franche Comté décida qu’il fallait construire un autre dispositif de formation et notamment en améliorant le suivi des professeurs stagiaires avec la généralisation des « équipes de suivi » pour tous les stagiaires issus de tous les types de concours (1er et 2nd degrés). C’est à l’occasion du colloque organisé par le laboratoire de Recherche L.I.R.E.F.O.P (Laboratoire Interdisciplinaire de Recherches Éducation, Formation et Personne - Ucly) à Dijon en mai 2015, que ISFEC Bourgogne Franche-Comté a pu exposer la communication suivante « Accompagner le développement des compétences professionnelles des professeurs stagiaires dans le cadre d'équipes de suivi » (BOUCAUD P. BUCAILLE R. ; WATTEYNE C - Acte du colloque- “L’éducation à l’épreuve de la démarche qualitative”,(2016) sous la direction de RICHARD Philippe, Saint Ouen, Les éditions du Net ; p 271-284). Cette intervention pointe la mise en place et le rôle important des « équipes de suivi » dans l’accompagnement du professeur stagiaire ce qui renforce les regards croisés des différents acteurs de la formation : tuteurs de terrain, tuteurs formation (dits “tuteurs I.S.F.E.C”), chefs d’établissement et responsables institutionnels, qui se retrouvent deux fois au minimum dans l’année (décembre/janvier et mars) sur différents lieux, proches des établissements de stage pour faire le point sur l’avancée des compétences attendues par les professeurs stagiaires.
2. Un dispositif à penser
A la suite du colloque de mai 2015, l’ISFEC Bourgogne Franche-Comté a donc entrepris en équipe une réflexion approfondie pour aboutir à la création d’un dispositif de formation plus adapté aux lauréats “CIR”, personnalisé et permettant d’émettre un réel avis (une vision à la fois globale et suffisamment précise en termes de mise en œuvre des compétences professionnelles) sur la titularisation de ces lauréats.
2.1. Emergence
de la problématique
Ce travail approfondi au sein de l’équipe des formateurs a débouché sur un travail de recherche autour de la problématique suivante :
« Comment penser un parcours de formation à même d’aider un professeur, au profil singulier, dans la prise de conscience et dans la construction de ses compétences, tout en en permettant une évaluation par l’organisme de formation ? ».
Nous verrons donc en quoi ce public est « singulier », et comment une ingénierie de formation appropriée et un accompagnement rapproché et « croisé » peuvent permettre au centre de formation – et par extension à tous les partenaires – d’avoir une vision précise de la mise en œuvre des compétences professionnelles des professeurs lauréats.
2.2. Le public de stagiaire “CIR”
En France, pour enseigner dans une école, un collège ou un lycée général, technologique ou professionnel, il faut obtenir le concours de recrutement correspondant à son projet professionnel. Les maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat passent des concours et exercent des fonctions d'enseignement comparables à ceux et celles de leurs homologues de l'enseignement public, dans un cadre réglementaire spécifique prévu par le code de l'éducation pour le recrutement et la formation. Les lauréats des concours de l'enseignement privé doivent remplir les mêmes conditions de diplômes que leurs homologues de l'enseignement public. Ainsi, pour enseigner dans les établissements privés en contrat définitif, il est nécessaire de passer soit un concours externe, soit un concours interne ou enfin un concours ou examen réservés dans l’un des niveaux : premier ou second degrés. Les concours du premier degré sont académiques alors que les concours du second degré sont nationaux.
Les concours internes ou CAER (Concours d'accès à l'échelle de rémunération) concernent certains enseignants qui ont déjà travaillé dans un établissement privé sous contrat, pouvant alors justifier de 3 ans de services. Les recrutements réservés sont destinés à certains maîtres remplissant des conditions d'ancienneté de quatre années d'enseignement en équivalent temps plein en qualité de maître délégué dans un établissement d'enseignement privé sous contrat.
La plupart du temps, les stagiaires “CIR” sont des enseignants qui ont suivi peu de formations personnelles, plutôt des formations en intra établissement. Passant de postes en postes, au fil des années de suppléance, ils n'ont pas forcément pu s'investir et se construire au sein d'une équipe. La plupart d'entre eux (75%) ont néanmoins reçu une visite conseil de la part d'un inspecteur (IPR ou IEN) ou bien d'un chargé de mission (plus dans le second degré que le premier).
Mis à part les enseignants du premier degré ayant présenté le concours interne sous la forme d'une épreuve écrite et quelques enseignants des disciplines comme Education Musicale et Chant Choral, Documentation et Education Physique et Sportive, tous les autres stagiaires ont présenté un dossier de Reconnaissance des Acquis de l'Expérience Professionnelle (R.A.E.P) puis une épreuve orale après l’admissibilité. Ce dossier a été établi conformément aux modalités décrites dans les arrêtés du 19 avril 2013. Il comporte deux parties : dans une première partie (2 pages maximum), le candidat a décrit les responsabilités qui lui ont été confiées durant les différentes étapes de son parcours professionnel, dans le domaine de l'enseignement et dans une seconde partie (6 pages maximum), le candidat a développé une séquence d’apprentissage en justifiant les choix didactiques et pédagogiques permettant ainsi son analyse précise. Il est à noter que ce dossier est par nature un travail de démonstration de la préexistence de compétences professionnelles.
Ainsi, forts d’une éventuelle visite conseil au cours de leur suppléance et de leur réussite au concours, les professeurs stagiaires “CIR” sont très surpris de devoir faire preuve de la maîtrise de leurs compétences professionnelles au cours de cette année de validation.
2.3. A l’origine de nos réflexions : de la théorie à la pratique
A l'heure de la personnalisation des parcours d'apprentissage et de formation, il nous a paru judicieux de nous appuyer d’abord sur les principes clés de l'Andragogie. Ainsi, on peut retenir des travaux de Malcolm Knowles (1973) - "L'apprenant adulte", certains éléments clés dont le principal est le suivant: “l'adulte apprenant enrichit ses connaissances et compétences en partant de sa propre expérience.” Ce principe fondamental peut être décliné selon plusieurs points qui seront les garde-fous de la conception d’un dispositif de formation adapté.
- Les apprenants ont besoin de savoir pourquoi ils doivent apprendre quelque chose avant d'entreprendre une formation. Le rôle de l'enseignant est d'aider l'apprenant à prendre conscience de son "besoin d'apprendre" et d'expliquer aux apprenants que la formation vise à améliorer leur efficacité et leur qualité de vie.
- Les adultes ont conscience d'être responsables de leurs propres décisions et de leur vie. Ils ont besoin d'être vus et traités par les autres comme des individus capables de s'autogérer.
- Les adultes arrivent dans une formation avec de l'expérience. Leur identité s'est constituée à partir de leur expérience, ne pas la prendre en compte c'est les rejeter en tant que personne.
- Les adultes ont la volonté d'apprendre si les connaissances et les compétences nouvelles leur permettent de mieux affronter des situations réelles.
-Les adultes orientent leur apprentissage autour de la vie, d'une tâche ou d'un problème. Ils sont disposés à investir de l'énergie pour apprendre, seulement s’ils estiment que cela les aidera à affronter cette situation.
- Si les adultes sont sensibles à des motivations extérieures (meilleur emploi, salaire, promotion...), ce sont les pressions intérieures qui sont le plus grand acteur de motivation (désir d'accroître sa satisfaction professionnelle, estime de soi).
Par ailleurs, les travaux de recherche de Richard Wittorski (2009) - « A propos de la professionnalisation » nous ont permis de mettre en lien « professionnalisation » et «développement professionnel », déjà bien présent chez ces stagiaires. Le professeur stagiaire CIR a une identité “agie et vécue”, selon Richard Wittorki, issue de son évolution professionnelle qu’il définit comme étant le processus de transformation de l’enseignant dans ou hors d’un dispositif de formation. L’auteur explique que la professionnalisation passe par la mise en place de dispositif de formation permettant à un enseignant stagiaire de développer des compétences pour atteindre la prescription, donnée par le référentiel de compétences des enseignants, ce qu’il appelle « l’identité prescrite ». Selon, lui, la professionnalisation doit se faire lors d’une étape de reconnaissance par un tiers ; l’attribution des compétences (processus de négociation identitaire) conduit à « une identité reconnue et/ou attribuée ».
A partir de ces recherches, Richard Wittorski propose alors six voies de professionnalisation sur lesquelles nous nous sommes appuyés pour construire notre dispositif de formation. On mesure la diversité des modalités de développement professionnel des enseignants en fonction des activités qu’ils ont déployées dans les situations vécues avant le concours :
- la première voie de professionnalisation est appelée «logique de l’action» caractérise des enseignants en situation de travail, en prise avec une situation professionnelle qui leur est connue mais qui peut, à certains moments, présenter un caractère de nouveauté (utilisation de nouveaux outils, par exemple) qui les conduit alors à modifier leurs façons de faire le plus souvent sans qu’ils ne s’en rendent compte.
- la seconde voie appelée “Logique de la réflexion et de l’action” caractérise les situations dans lesquelles les enseignants sont face à des problèmes nouveaux. Leurs façons de faire habituelles ne leur permettent pas de surmonter la difficulté, c’est pourquoi nous appelons ces situations inédites (du point de vue de l’acteur). On observe alors des stratégies de recherche d’informations auprès d’autres personnes (conseils) ou dans des ressources documentaires. Il existe alors un aller- retour entre les connaissances ou savoirs recueillis, et la tentative d’utilisation de ces savoirs pour agir conduit l’individu à construire, pas à pas, c’est le début de la réflexivité.
- la troisième voie est “la logique de la réflexion sur l’action” Elle correspond aux moments où les enseignants analysent de façon rétrospective leur action soit pour l’évaluer ou mieux la comprendre ou encore pour la transmettre. Dans ces situations, on constate qu’ils prennent conscience d’un certain nombre de principes guidant leur action, ils construisent ainsi des « connaissances sur leur action » participant de l’enrichissement de leur «patrimoine» d’expérience.
- la quatrième voie “logique de la réflexion pour l’action” caractérise également les moments de prise de recul individuel ou collectif à propos de situations vécues mais dans la perspective de définir par anticipation une nouvelle façon de faire de manière à être plus efficace: il s’agit d’une réflexion anticipatrice de changement quant à l’action.
- la cinquième voie “la logique de la traduction culturelle par rapport à l’action” correspond aux situations de travail où un tiers (tuteur ou formateur) accompagne des enseignant dans la réalisation d’une activité. Ce tiers assure une fonction de transmission de savoirs ou de connaissances mais aussi une fonction de mise à distance de l’action, de modification des façons de voir et de penser l’action et la situation.
- la dernière voie la “logique de l’intégration assimilation” caractérise certaines situations d’autoformation, lorsque les individus utilisent des ressources pour acquérir des savoirs ou des connaissances. L’intention dominante ici de transmettre des savoirs.
Comme l'explique Nadine Faingold (2012), dans son chapitre “Du stagiaire à l'expert : construire les compétences professionnelles” les professeurs stagiaires “CIR” font preuve d'intuition au cours de l'analyse de leur travail. Il est donc nécessaire que les actions de formation visent à les accompagner vers la prise de conscience de la nécessité de la mise en mots des savoirs experts et ainsi de favoriser la construction des schèmes professionnels. Les tuteurs terrains pourraient accompagner les stagiaires dans ce processus mais, bien souvent, on constate qu'ils n'osent pas le faire. L'auteure préconise donc de mettre en place des dispositifs de formation faisant part importante à la réflexivité ce qui revient à mettre en place des temps d’analyse de pratiques plus régulièrement. C’est par des outils de recueil d’information favorisant cette mise en mots de l’intuition, que les professeurs stagiaires pourront conscientiser qu’il s’agit là d’un agir professionnel, expression de la compétence en situation. Une fois la compétence “conscientisée”, on pourra travailler à en améliorer son niveau de maîtrise.
D’autres auteurs experts posent la pratique réflexive comme garante “d’un agir professionnel” notamment Donald Schön, (1994), dans « Le praticien réflexif, à la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel », Philippe Perrenoud (2001), dans Développer la pratique réflexive dans le métier d’enseignant ou encore Anne Jorro (2006)- « L’agir professionnel de l’enseignant ». En prenant le temps de la réflexion sur l’action et donc sur ses propres procédures, on obtient une meilleure lisibilité de sa pratique de terrain.
Le schéma proposé par D. Kolb (1984)- "Experiential Learning - Experience as the source of learning and development" montre le mouvement continu qui doit s'opérer entre la pratique de terrain, la réflexion, les apports théoriques et la modification de la pratique. Se décentrer de l’action, de ses ressentis pour analyser, comprendre par le bais de ceux qui ont “écrit sur” pour revenir à l’action réadaptée à la situation. Le temps de la formation doit être celui de l’analyse, de la généralisation et de la préparation du transfert aux réalités nouvelles du terrain. Elle doit donc permettre d’acquérir un certain nombre “d’automatismes” en termes d’analyse. Passer de la réflexion sur l’action à la réflexion pendant l’action, afin de faire les choix pertinents et ainsi de justifier d’actes professionnels réfléchis.
Figure 2: Schéma de Kolb
Kolb, D. A. (1984). Experiential Learning - Experience as the source of learning and development. Englewoods Cliffs (NJ): Prentice-Hall.
Compte tenu des spécificités du public CIR et en regard aux lectures théoriques, il nous a paru nécessaire de proposer davantage de temps d'analyse de pratique afin travailler la prise de conscience de l'évolution des compétences professionnelles mais aussi de personnaliser les dispositifs proposés en suggérant des voies de professionnalisation variées.
En travaillant en collaboration avec le Directeur territorial adjoint Bourgogne Franche-Comté de Formiris, nous avons mis en place un accompagnement plus resserré afin de mieux identifier les besoins et les demandes de ce type de professeur stagiaire. La formation « Coeur de dispositif » est réduite à quelques journées. L’identification des modules de besoins sera faite par un auto-diagnostic préparé en amont de la journée d’accueil par le stagiaire puis analysé par le responsable “CIR” accompagné de l’équipe des formateurs.
2.4. Vers la démonstration d’une évolution dans la maîtrise des compétences professionnelles
L’avis ISFEC comptant pour un tiers dans la décision du jury académique de validation se fonde sur trois points: l'assiduité et la ponctualité, l'implication dans la formation, et enfin la démonstration de la maîtrise des compétences professionnelles ciblées comme "à améliorer" dans le parcours personnalisé de formation.
Au fil de l’année, le stagiaire construit, sur la base de l’auto-diagnostic appelé auto-positionnement, un portfolio de compétences sur lequel il s’appuiera en fin d’année pour démontrer sa maitrise « suffisante » des compétences professionnelles en lien avec le référentiel, en mettant en valeur son déplacement dans sa pratique.
2.5. Le portfolio de compétences : un outil de développement professionnel
2.5.1. Les enjeux d'un tel outil
Le public des CIR ne possède, en majorité, que peu de repères fixes en termes de niveau de compétence. Certains d'entre eux n'ont que peu conscience du faisceau de compétences à l'œuvre dans leur pratique quotidienne. La première approche du référentiel métier s'est faite par la constitution du dossier R.A.E.P., pour la plupart d'entre eux, toutefois celui-ci est souvent centré sur les compétences disciplinaires et didactiques.
Les stagiaires “CIR” témoignent également souvent de peu de confiance en eux, plusieurs années (voire de nombreuses années) de suppléance et de précarité de l’emploi peuvent avoir engendré un sentiment d’infériorité et une absence de reconnaissance du travail fourni.
Les nouvelles modalités d’évaluation des enseignants (Parcours professionnels, carrières et rémunérations ou P.P.C.R. ) engagent les professeurs à "se mettre en valeur" lors de la rencontre et de l'entretien avec l'inspecteur. Les professeurs auront la possibilité, en amont de l'inspection, de remplir un document dans lequel ils devront se positionner en regard des compétences du référentiel métier et témoigner des actes professionnels correspondants lors de leur rencontre avec l’inspecteur.
Ainsi, le dispositif de formation est conçu de façon à mettre le professeur stagiaire au centre de son parcours de formation. Celui-ci ne trouvera son efficacité que si le professionnel trouve résonance dans sa pratique quotidienne, et que cette efficacité est conscientisée. Autant d'éléments qui confortent l'idée qu'accompagner la constitution d'un outil de "traçabilité "et de réflexion autour de la mise en œuvre des compétences professionnelles du référentiel est approprié. Ainsi c’est en alimentant son portfolio de compétences avec des "preuves" choisies que chaque enseignant accédera à un premier stade de réflexivité.
2.5.2. L’auto-positionnement
La base de ce portfolio est l'auto-positionnement de début d'année de stagiaire, qui doit faire une "photo" de quel enseignant il est au moment de l’obtention du concours. L’enjeu se situe à différents niveaux pour le stagiaire et pour les responsables de formation. Pour le professeur stagiaire il s’agira d’entrer dans une dimension auto-évaluative afin de montrer un certain niveau de maîtrise des compétences du référentiel en choisissant les pièces témoins pertinentes. Cela sera rendu possible si le professeur stagiaire a conscience du fait que ce travail va faire socle dans son année de formation. Pour les responsables de formation, l’enjeu sera d’évaluer la pertinence des pièces témoins fournies afin de positionner le professeur stagiaire dans un niveau de maîtrise des compétences professionnelles. Le travail qui s’en suivra devra faire émerger le besoin de formation chez le professeur stagiaire. A partir de l’analyse de l’auto-positionnement, nous établissons une proposition de parcours personnalisé de formation, soumis à l’avis du tuteur terrain et à celui du chef d’établissement (regards croisés permettant d’affiner les propositions).
2.5.3. Portfolio et réflexivité
Un premier temps de régulation permettra de faire émerger « la bascule » opérée de l’auto-positionnement vers le portfolio. L’enrichissement du portfolio au cours de l’année par des pièces nouvelles, témoins du déplacement dans la pratique professionnelle du professeur stagiaire, permettra un travail d’analyse réflexive soutenu par des temps d’ateliers. Odile Biel (2015) a montré dans son article « Portfolio, réflexivité, compétences » la démarche d’extraction de pièces témoins dans la logique de la mise en réseau des compétences professionnelles. Cette démarche sera utilisée par les formateurs d’analyse de pratique pour accompagner les professeurs stagiaires dans les choix opérés.
Une vigilance particulière doit être portée à la démarche et non au "produit fini". C'est pourquoi des temps d'analyse réflexive sont indispensables, afin d'initier ou de conforter une démarche de réflexivité et non un simple classement des pièces témoins.
L'idée est de permettre au professeur stagiaire d'entrer dans une véritable analyse réflexive de son agir professionnel selon une échelle de quatre niveaux “repères”:
- Niveau 1 : généralités, restitution simple, peu d’implication
- Niveau 2 : descriptif, incertitudes, ressentis
- Niveau 3 : mise en perspectives, prose de recul, auto-feed-back
- Niveau 4 : capacité à prendre des décisions, à innover, à auto-réguler sa pratique, à la mettre en regard aux formations/lectures…
Ces quatre niveaux ont été choisis et reformulés suite aux lectures croisées de différents auteurs, nous citerons plus particulièrement les travaux d’Anne Jorro (2005), « Réflexivité et auto-évaluation dans les pratiques enseignantes ». Elle souligne que les pratiques auto-évaluatives “souffrent”, fruits d’une crise identitaire et d’une certaine frilosité à s'aventurer dans ce registre de pensée. Elle indique que “la réflexivité suppose un contexte ouvert à la culture professionnelle” qui va “reconnaître les dilemmes auxquels ils sont confrontés quotidiennement”. L’analyse des situations vécues partagées à un groupe va permettre, dans l’idéal, d'accéder à une pensée critique.
Ces quatre niveaux “repères” seront explicités aux professeurs stagiaires lors des séances d’analyse de pratique.
Ces quatre niveaux répondent à plusieurs enjeux :
- Entrer dans ou consolider une démarche d’observation et de prise de recul de sa pratique
- Professionnaliser ses schèmes d’action
- Donner des repères clairs aux stagiaires permettant l’auto-évaluation
- Doter professeurs stagiaires, formateurs, et évaluateurs de critères communs.
La formation tendra à ce que les professeurs stagiaires atteignent a minima le niveau 3 en fin de parcours, lors de l'entretien réflexif. Pour cela l’ingénierie pédagogique des quatre demi-journées consacrées à l’analyse de pratique se doit d’être extrêmement efficace.
2.6. L'écrit réflexif : synthétiser son parcours
La première année de mise en place du dispositif, nous avons demandé aux professeurs stagiaires de rédiger un "écrit réflexif" à faire parvenir au tuteur I.S.F.E.C quelques jours avant l’entretien réflexif (fin avril). Cet écrit de une à trois pages devait faire la synthèse du parcours de professionnalisation, prenant appui sur la progression dans une compétence focus.
Deux enjeux pour cet écrit:
• permettre au stagiaire d’envisager son portfolio comme un tout cohérent et donc d’en préparer la présentation
• donner la possibilité aux formateurs du jury de préparer l’entretien avec le professeur stagiaire.
Cet écrit a posé des difficultés à de nombreux stagiaires, peu habitués à ce travail d’écriture réflexive. Le manque de temps d’accompagnement dédié à l’écriture a également été un frein. En effet, les professeurs stagiaires CIR n’ont que quatre séances de trois heures d’analyse de pratique (dont trente minutes de “régulation” en grand groupe autour des problématiques rencontrées et pour annoncer les objectifs et les étapes suivantes). Les deux premières sont consacrées à vivre une analyse de pratique à proprement parler, la troisième est consacrée à la préparation de l’écrit réflexif et la dernière à la préparation de l’entretien.
Ce temps imparti à l’écriture ne saurait suffire. Il fallait revoir nos exigences et les adapter davantage aux temps d’accompagnement et aux choix que nous avions faits.
2.7. L'entretien réflexif portfolio : démontrer et analyser
Il s'agit d'un moment clé dans le processus de formation. A l'issue d'une année riche, les professeurs stagiaires sont invités à présenter leur portfolio de compétences en faisant un focus sur une compétence pointée comme "à améliorer" dans le parcours personnalisé, et à montrer comment les autres compétences rayonnent et fonctionnent en réseau.
Si les écrits réflexifs n’avaient pas apporté la satisfaction escomptée, les entretiens représentent un moment “d’explosion”, de « feu d’artifice ». Les professeurs stagiaires se montrent enthousiastes. Le questionnement du jury, composé du tuteur ISFEC et d’un formateur visant l’échange de pratiques, favorise le sentiment d’efficacité personnel. Les professeurs se sentent reconnus, reflétés.
Un temps de méta-analyse à l’issue de l’entretien permet au professeur stagiaire d’exprimer son ressenti quant à cet entretien et aux membres du jury de partager leur évaluation de la présentation faite du portfolio et de la mise en valeur des compétences professionnelles.
3. Le dispositif mis en place en 2015-2016 : analyse, évaluation et évolutions
Dès la nomination des professeurs stagiaires sur leur poste en 2015-2016, l'ISFEC Bourgogne et Franche Comté recherche tout d'abord le tuteur terrain pour accompagner le stagiaire dans sa professionnalisation, avec l'aide et l'accord du chef d'établissement puis des inspecteurs. La formation “cœur de dispositif” est planifiée sur l’année. A partir d’un dossier d’auto-positionnement, le parcours personnalisé sera construit. Les professeurs stagiaires devront faire preuve au cours de l’entretien réflexif de la maîtrise des compétences pointées comme à améliorer dans le parcours.
3.1. Le dispositif mis en place en 2015-1016
Le dossier d’auto positionnement se construit à partir d’un questionnaire faisant l'inventaire des compétences professionnelles que le stagiaire aura construites au cours de l'été précédant l'année de stage. La plupart des questions posées sont dichotomiques à réponse binaire OUI et NON; dans le cas d'une réponse positive, il doit apporter une ou plusieurs preuves, ce qui constitue un dossier pouvant aller, selon des stagiaires de cinq à quatre-vingt pages. Ce dossier d'auto positionnement sera l'étape initiale de la construction du portfolio de compétences.
Les stagiaires CIR entrent en formation fin août avec une journée d'accueil institutionnel (Rectorat et Directeurs Diocésains) complétée par un temps d'information sur le déroulé de l'année de stage (présentation du dispositif) animé par le responsable CIR de chaque région. Puis une première journée permet travailler sur le référentiel de compétences et sur les différentes situations et façons dont elles s'expriment.
Le “cœur de dispositif” est réduit aux journées didactiques si celles-ci sont proposées sur le territoire Grand Est ainsi qu'à quatre demi-journées de formation "analyse de pratique" et deux demi journées de "pastorale"
Le responsable CIR et quelques formateurs étudient alors longuement les dossiers d'auto-positionnement construits par les stagiaires. L'idée est de repérer dans les preuves fournies les éventuelles compétences qui ne semblent pas assez approfondies. Un parcours personnalisé de formation est alors proposé afin de tenir compte des enjeux identitaires c’est-à-dire à la fois sur du développement de la personne, du développement des compétences professionnelles et les besoins de l’organisation (les Institutions) . Il comporte trois rubriques : constat des compétences maîtrisées (dont les preuves devront être intégrées dans le portfolio), les compétences qui restent à améliorer au regard des preuves fournies ainsi que les préconisations de formation en complément du tronc commun.
Ainsi pour une grande part des stagiaires de 2015-2016, il était nécessaire d'approfondir :
- la didactique disciplinaire
- la prise en compte de la diversité des élèves
- l'utilisation des outils numériques
- l'interdisciplinarité et la pédagogie de projet
Pour cette année de stage 2015-2016, les préconisations proposées étaient notamment
- des formations complémentaires sur plan de formation (FORMIRIS ou PAF)
- des lectures théoriques complémentaires
- des stages d'observation disciplinaires (pour notamment les disciplines plus rares) ou dans un autre niveau (Cycle 3, lycée professionnel, ULIS,..)
Lors du dernier regroupement de l'année 2015-2016 nous avons proposé aux professeurs stagiaires de compléter une évaluation du dispositif de formation sous la forme d'un questionnaire "papier" à renvoyer à l'issue de la formation. Cette évaluation proposait de mesurer le degré de satisfaction des professeurs stagiaires concernant la formation didactique, le parcours personnalisé, les journées « cœur de dispositif », l’entretien réflexif et l’organisation matérielle. Elle comporte également une rubrique « mise en perspective » qui visait à la fois à suggérer des améliorations du dispositif et à envisager des prolongements possibles dans leur formation continue.
D'une manière générale, les professeurs stagiaires CIR ont émis une satisfaction globale sur le dispositif de formation proposé au cours de l'année avec notamment l'envie de poursuivre la démarche de formation : de nombreuses propositions dans les domaines comme les TICE, les neurosciences, le travail de groupe,… de la même façon, les stagiaires notent un désir d’enrichir leur portfolio de compétences déjà bien alimenté durant l’année. Toutefois, ils ont souligné la nécessité d’améliorer la lisibilité du dispositif en général dès la rentrée ainsi que de définir plus précisément le rôle des différents acteurs autour d'eux. De plus, ils ont pointé le fait que la construction des dossiers d'auto-positionnement n'avait pas toujours été réalisée de manière rigoureuse car certaines preuves n'étaient plus à leur disposition en juillet/août comme par exemple un extrait du cahier de texte électronique.
Nous avons également récolté les remontées des différents formateurs impliqués dans le dispositif : une satisfaction globale a été exprimée avec un constat d'une meilleure appréhension des compétences du référentiel.
Par ailleurs, plusieurs inspecteurs (IPR/IEN) ont pris appui sur les portfolios, certains même les emportant avec eux quelques journées pour échanger avec leurs collègues.
3.2. Le dispositif « amélioré » de 2016-2017
Fort de ces constats, nous avons procédé à certains réajustements.
3.2.1. Du référentiel de compétences au parcours « arc en ciel »
Afin de donner plus de lisibilité aux stagiaires dans les compétences professionnelles, nous avons décidé de regrouper certaines compétences proches sous la forme du « parcours arc en ciel ». Cet outil met en lien entre les différentes compétences du référentiel et les unités professionnelles de développement des compétences. Ce document sert aussi de référence aux promotions de stagiaires en alternance et permet une équité entre les deux promotions.
- Unité professionnelle A: Exercer le métier en s’inscrivant dans un contexte institutionnel (enseignement catholique, éducation nationale…)
- Unité professionnelle B: Travailler en partenariat, être en relation avec des adultes (équipe, parents, partenaires…)
- Unité professionnelle C: Créer un climat de classe propice aux apprentissages, être en relation avec des élèves
- Unité professionnelle D: Concevoir et évaluer des situations d’apprentissage en utilisant des démarches pédagogiques et didactiques adaptées
- Unité professionnelle E: Elaborer des parcours d’élèves dans une logique interdisciplinaire- Prendre en compte les élèves dans leur diversité
- Unité professionnelle F: Maîtriser les savoirs disciplinaires et didactiques
- Unité professionnelle G: Maîtriser les outils numériques au service des apprentissages
- Unité professionnelle H : Maîtriser une langue étrangère
- Unité professionnelle I: Adopter une analyse réflexive de sa pratique
- Unité professionnelle J: Mener une recherche
Le document « auto-positionnement » a donc été modifié autour des différentes unités professionnelles du parcours arc en ciel. De plus, pour plus d’efficacité dans la lecture et l’analyse des dossiers d’auto-positionnement par les formateurs, une grille, également adossée au parcours au en ciel a été créée ; elle permet aussi une traçabilité et la mesure de l'écart entre le regard que portent les professeurs stagiaires sur leurs niveaux de maîtrise des compétences et les preuves apportées et l'évaluation que peuvent en faire les formateurs.
3.2.2. Les évolutions dans la mise en œuvre du dispositif
Nous avons mis en place une équipe de suivi "zéro" réunissant les différents acteurs autour du stagiaire pour échanger autour du parcours de formation établi. Les échanges ont pu en effet pointer des erreurs dans les propositions de formation : le dossier d'auto-positionnement n'avait pas permis pas de mesurer le niveau de maîtrise des compétences professionnelles notamment sur la compétence de gestion de la classe
Un grand nombre de stagiaires CIR de 2016-2017 atteste de la maîtrise des unités "s'inscrire dans le cadre institutionnel ", "travailler en partenariat" à partir des éléments de preuve fournis dans le dossier d'auto-positionnement. La plupart maitrise aussi l'unité "créer un climat propice aux apprentissages » ce qui a pu être prouvé soit par les rapports d'inspection et/ou autre visite conseil dont le compte-rendu a été donné dans le dossier d'auto positionnement ou alors, lorsqu'aucune preuve n'a été fournie par le stagiaire, nous avons organisé une rapide visite conseil par un formateur didacticien.
Nous constatons que le degré de maîtrise des professeurs stagiaires dans certaines unités professionnelles n’est pas suffisant au regard des preuves apportées :
- Concevoir et évaluer des situations d'apprentissage (UP D)
- Maîtriser les savoirs didactiques et disciplinaires (UP F)
- Prendre en compte les élèves dans leur diversité (UP E)
- Utiliser les outils numériques. (UP G)
- Adopter une analyse réflexive de sa pratique (UP I)
3.2.3. Les voies de professionnalisation utilisées
Afin de répondre au mieux aux besoins ainsi identifiés et selon les compétences reconnues comme acquises par les professeurs stagiaires, nous avons proposé une diversité de « voies de professionnalisation » davantage en lien avec les recherches de R. Wittorski sous d’un contrat de formation appelé « parcours personnalisé ».
Le tableau suivant montre à la fois les propositions de formation en lien avec les voies de professionnalisation ainsi que les différents acteurs autour du professeur stagiaire.
La voie 1 est la « logique de l’action ». Bien souvent le stagiaire CIR a été formé “sur le tas” demandant conseil parfois aux pairs. Cette voie est celle que les stagiaires CIR ont pu développer au fil de leurs années de pratique. Ici, pas d’action de formation « formalisée ».
La voie 2 est la « logique de la réflexion et de l’action ». Les formateurs, au cours de modules de formation, le tuteur terrain et/ou le tuteur ISFEC accompagnent le professeur stagiaire dans les modifications de la pratique en lien avec des observations ou des prescriptions. Le professeur stagiaire n’est donc pas à l’origine de la modification de sa pratique.
La voie 3 est celle de la « logique de la réflexion sur l’action ». C’est lors des demi-journées d’analyse de pratique et à l’occasion de l’entretien qui suit l’observation du tuteur terrain dans la classe que le professeur stagiaire analyse de façon rétrospective son action. Ainsi, l’enseignant va développer des schèmes d’action réflexifs.
La voie 4 est celle de la « logique de la réflexion pour l’action ». Cette logique est mise en œuvre par le professeur stagiaire lors de formation ou de travaux de groupe avec les pairs (en établissement, en formation « analyse de pratique », en formation didactique, ...). Elle est également empruntée par le professeur stagiaire lorsqu’il travaille à l’enrichissement de son portfolio dans l’analyse qu’il porte sur l’évolution dans sa pratique.
La voie 5 est celle de la « logique de la traduction culturelle par rapport à l’action ». Cette voie est utilisée lors des visites conseil par un formateur didacticien, ou bien au cours des formations didactiques lorsque le professeur stagiaire bénéficie de l’expertise du formateur. C’est également le cas lors des formations « thématiques » proposées dans le parcours personnalisé de formation comme par exemple « évaluer pour accompagner » ou « la différenciation pédagogique, est-ce si compliqué ? ». Nous proposons également des stages d’observation au sein d’un autre établissement afin d’échanger avec un professeur de la même discipline reconnu comme « expert ».
La voie 6 est celle de la « logique de l’intégration assimilation ». Lorsque nous constatons dans le dossier d’auto-positionnement une absence de références théoriques, nous demandons aux professeurs stagiaires de lire un ou plusieurs ouvrages ou bien de participer à un M.O.O.C. (Massive Online Open Course) ou une conférence afin de combler et d’améliorer des connaissances spécifiques identifiées comme lacunaires. Ainsi, par exemple, nous pouvons citer :
- « Evaluer sans dévaluer » de Gérard de Vecchi
- « Les petites bulles de l’attention » de Jeans Philippe Lachaux
- « Apprendre oui mais comment ? » de Philippe Merieu
- MOOC « Education par le recherche » FUN
3.2.4. Evaluation du dispositif « amélioré »
Cette année nous avons choisi d'envoyer une évaluation sous la forme d'un Google Form pour procéder à notre évaluation du dispositif. Le dernier regroupement était trop précoce cette année pour le faire compléter in situ.
Une première partie proposait une auto-évaluation au professeur stagiaire afin de faire émerger ce qui selon lui avait le plus évolué dans sa pratique au cours de cette année de formation.
Dans un second temps, une évaluation de satisfaction associée à un espace d’expression libre visait à apprécier les différents « pôles » du dispositif de formation (formation didactique, parcours personnalisé, formation « cœur de dispositif », évaluation globale), ainsi que la mise en perspective comme proposé l’année précédente. Toutefois, une plus grande importance a été accordée à l’appréciation de l’entretien réflexif.
Les professeurs stagiaires ont exprimé une satisfaction globale, particulièrement sur la pertinence des parcours personnalisés et les formations proposées. Ils évoquent notamment des progrès significatifs dans la gestion de l’hétérogénéité et de la diversité des élèves ainsi que dans l’utilisation des outils numériques et dans leur capacité d’analyse réflexive. Ils soulignent que la prise en compte des expériences passées représente un point positif mais déplorent une année très intense. Un des points qui suscitent le plus de difficultés reste cependant la constitution du portfolio.
L’entretien portfolio demeure un « temps fort » pour le professeur stagiaire soucieux d’avoir la reconnaissance des compétences ciblées comme « à améliorer » en début d’année. Ainsi, malgré un stress notifié dans les évaluations, les stagiaires en reconnaissent les bénéfices ;
- J’ai eu l’impression d’avoir de la valeur
- Réfléchir sur ses compétences est bénéfiques pour les élèves
Les formateurs ISFEC ont constaté que les stagiaires étaient relativement "sereins". Cependant, on a pu noter la difficulté des stagiaires à constituer leur auto-positionnement, base du portfolio qui s'étoffe toute l'année. Les journées proposées fin août ont permis « d’entrer » dans le dispositif avant la rentrée scolaire, ainsi que de répondre à des interrogations sur la constitution de l'auto positionnement. Toutefois, préoccupés par l'approche de la rentrée scolaire, parfois dans un nouvel établissement, les enseignants ont été peu disponibles pour enclencher le travail "de fond" nécessaire à la réflexion sur les compétences professionnelles.
Conclusion
G. Le Boterf (2015) « Construire les compétences individuelles et collectives » préconise de « créer un contexte favorable à la réalisation de parcours individualisés, qui s’élaboreront et se piloteront comme des parcours de navigation », au sens où le parcours de chaque apprenant est déterminé par le « cap compétences » qu’il s’est fixé. C’est dans cette direction que l’ISFEC Bourgogne Franche-Comté a fixé le cap. Personnaliser les parcours pour permettre aux professeurs stagiaires de développer leurs compétences en fonction de leurs besoins : c’est en faisant l’expérience des bénéfices d’un tel dispositif d’accompagnement, qu’ils pourront à leur tour le faire vivre à leurs élèves (principe d’isomorphisme).
Des perspectives d’évolution pour 2017-2018 s’offrent également à nous.
Pour palier la difficulté exprimée par les professeurs stagiaires à comprendre les enjeux et à constituer l'auto positionnement, base du travail sur le degré de maîtrise des compétences professionnelles, nous avons pris la décision d'inviter les nouveaux lauréats à une demi-journée de formation “1er contact” fin juin/début juillet 2017. L'objectif est de les informer aussi tôt que possible des modalités de l’année de validation, mais aussi de leur permettre de mesurer l’importance du dossier d’auto-positionnement. Un diaporama support commenté oralement sur Youtube sera envoyé à tous les professeurs stagiaires afin de leur donner de l’autonomie et de pouvoir “revenir” pendant l’été aux enjeux et attendus de ce dossier.
L'évaluation proposée reste une évaluation de satisfaction et ne revêt pas réellement une dimension auto-évaluative. Elle permet de percevoir les points qui apportent de la réassurance et ce qui doit être amélioré, mais le fait que les professeurs stagiaires soient amenés à le compléter "à chaud" ne permet pas une prise de recul sur les apports en termes de déplacement à long terme.
De même demeure le sentiment que nous n'arrivons pas à accompagner chaque professeur stagiaire aussi efficacement qu'il le faudrait. Ainsi certains passent à travers les mailles du dispositif et nous constatons lors de l'entretien que le déplacement est faible et que la conscientisation du chemin effectué et de celui restant à parcourir est peu présente voire même absente.
Ainsi il apparait comme judicieux et nécessaire en terme de démarche qualité de construire une évaluation “à froid”, à distance suffisante de l‘année de formation (N+1 voire N+2), afin de mesurer les impacts de celles-ci dans le parcours professionnel. Cela est actuellement en réflexion.
Des liens plus étroits avec les tuteurs et les chefs d’établissement sont indispensables pour croiser les regards et accompagner au plus près des besoins. Ainsi une journée « lancement du tutorat » sera proposée cette année afin d’impliquer le tuteur terrain le plus tôt possible et afin de lui permettre de prendre connaissance des attendus de l’année. A l’occasion de cette journée on proposera également aux professeurs stagiaires de montrer leur auto-positionnement à leur tuteur, permettant ainsi d’engager un rapide travail sur les objectifs prioritaires.
Fidèles à notre éthique, nous comptons poursuivre notre travail auprès des CIR afin d'accompagner leur processus de professionnalisation. Nous gardons à l'esprit un certain nombre de lignes directrices dans notre action.
• Prendre en compte l’Humain : les professeurs stagiaires ont besoin d'être considérés en tant que personne singulière. Nous leur reconnaissons le droit de participer aux décisions qui les concernent.
• Croiser les regards : permettre à tous les acteurs de l'année de validation d'apporter leurs lumières sur les compétences et les besoins du professeur stagiaire.
• Personnaliser pour enclencher un changement : cette prise en compte doit s'approcher au maximum des besoins de chacun. C'est en reconnaissant ces besoins que nous permettrons un déplacement. Un défi que de permettre à ce public « captif » de devenir pleinement acteur de sa formation.
• Engager un processus de développement professionnel continu : c'est par la pertinence des actions de formation et l'accompagnement que nous engagerons un processus de formation sur le long terme.
• Faire rayonner dans les établissements : nous faisons le pari que l'implication des tuteurs et des chefs d’établissement aux côtés des stagiaires permettra aux établissements de réfléchir sur leur pratique engageant également des processus de changement, afin de mettre l’innovation au cœur de l’enseignement, et ainsi accompagner au mieux nos élèves dans le projet porté par l'enseignement catholique.
Bibliographie
Faingold,N. (2012) - «Du stagiaire à l’expert: construire les compétences professionnelles»,
Knowles M.(1973) - "L'apprenant adulte", traduit en français aux Éditions d'Organisation (1990)
Kolb, D. A. (1984)- "Experiential Learning - Experience as the source of learning and development". Englewoods Cliffs (NJ): Prentice-Hall
Perrenoud Ph (2001), -"Développer la pratique réflexive dans le métier d’enseignant", Paris
Schön D. (1994),-" Le praticien réflexif, à la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel", Montréal (Canada), Les Editions Logiques, collection Formation des maîtres.,
Wittorski R.(2009) « A propos de la professionnalisation »
• Les contributions dans un ouvrage collectif
Jorro A (2005), « Réflexivité et auto-évaluation dans les pratiques enseignantes ». Revue « Mesure et Evaluation en Education » , Association des spécialistes de la mesure et de l'évaluation en éducation, 27 (2), p 33-47
Paquay L ; Altet M. ; Charlier E. ; Perrenoud P., (1996) - «Former des enseignants professionnels, quelles stratégies? quelles compétences?», Bruxelles, De Boeck, 4ème Ed
• Colloque et séminaire
Boucaud P. ; Bucaille R. ; Watteyne C ; (2015) - Accompagner le développement des compétences professionnelles des professeurs stagiaires dans le cadre d'équipes de suivi- Acte du colloque- “L’éducation à l’épreuve de la démarche qualitative”,(2016) sous la direction de RICHARD Ph, Saint Ouen, Les éditions du Net ; p 271-284
Biel O. (2015) – Portfolio, compétences, développement personnel : une « entrée » pour la professionnalisation des professeurs d’école stagiaires ?- Acte du colloque- “L’éducation à l’épreuve de la démarche qualitative”,(2016) sous la direction de RICHARD Ph, Saint Ouen, Les éditions du Net ; p 271-284
Jorro A. (2006)- « L’agir professionnel de l’enseignant ». Séminaire de recherche du Centre de Recherche sur la formation- CNAM, Paris (France)