Au fil de la vie… On éduque avec qui on est

Une session de formation à l'éducation affective relationnelle et sexuelle a offert une précieuse occasion d'interroger les postures et ressentis des éducateurs, études de cas concrets tirés de la mallette pédagogique conçue pour le 1er degré "Au fil de la vie" à l'appui. Elle aussi permis un tour d'actualités sur la nouvelle circulaire EARS, les nouveaux programmes d'Éducation morale et civique et le Programme de protection des publics fragiles (PPPF)  élaboré par le Sgec.

Le 5 octobre dernier, trente-six membres du groupe EARS (Éducation affective, relationnelle et sexuelle) se sont réunis, rue Saint-Jacques à Paris, autour de Josiane Hamy, en charge de cette thématique au département Éducation du Sgec, et de deux membres du Cler (Centre de liaison des équipes de recherche sur l’amour et la famille)*.
Après des jeux brise-glace, les participants ont été répartis en trois ateliers correspondant aux thèmes abordés dans la mallette EARS (un parcours éducatif pour le 1er degré conçu par le Sgec) : Exister, aimer, être libre.
Dans le groupe « être libre », les participants étaient d’abord invités à noter sur des post-it, ce que leur évoquait personnellement cet état : « faire des choix », « exister »,« réduire le delta profond entre la pensée intime et le faire », « pouvoir et savoir dire non », « faire ce qui est bon pour soi en respectant les autres »... ont-ils écrit. « J’observe que vos réponses sont liées à la parole, à la relation mais aussi au cadre », a fait remarquer Josiane Hamy, qui animait ce groupe.

Cette dernière, qui tenait « à les rejoindre sur leur terrain », leur a ensuite demandé de travailler autour d’un cas concret tiré du livret Questions d’enfants, ajouté à la mallette : une fillette qui se met du rouge à lèvres, des enfants qui se disent amoureux et se tiennent par la taille, un garçon moqué par ses copains parce qu’il préfère lire plutôt que jouer au foot... Les participants pouvaient choisir le sujet qui les inspirait, en suivant une démarche précise : noter son ressenti personnel, identifier quelle devrait être l’attitude de l’adulte, imaginer l’exploitation pédagogique de la situation.
Un travail particulièrement riche tant les façons de réagir différaient selon les professions et les personnalités. Un trio composé d’un enseignant, d’un chef d’établissement et d’une psychologue a ainsi cogité sur le thème : dans ma classe, un élève se vante de regarder des films pornos avec son grand frère. Gêne, empathie mêlée de gravité, regret.... Face à des sentiments différents, les membres du groupe ont débattu de l’attitude à adopter.

Mieux vaut-il en reparler avec l’élève hors du groupe classe au risque de culpabiliser l’enfant qui pourrait alors se fermer ? Mais est-ce bien le rôle de l’enseignant ? Faut-il laisser le choix ou non à l’élève d’en reparler ? Serait-il plus judicieux de saisir l’occasion de cette confidence pour en parler avec tous les élèves, et en faire ainsi un acte éducatif fort ? Comment faire comprendre à l’enfant qu’on a entendu ce qu’il a dit et lui signifier que c’est un sujet important ? Faut-il avertir les parents ?
Pour ce qui est de l’exploitation pédagogique, la psychologue a plaidé pour un débat philosophique sur le sens de l’amour et le décalage entre la vraie vie et celle montrée sur les réseaux sociaux. Tous ont insisté sur la nécessité d'éviter tout regard moralisateur et de discerner quand il est nécessaire de protéger l’enfant.
Un exercice apprécié des groupes et surtout précieux car « réfléchir aux situations qui peuvent se présenter permet de s’y préparer et de mieux réagir », fait valoir Josiane Hamy qui a invité les participants à « écouter leurs émotions et à les accepter ». « On est tous éducateurs et on parle en « je » », a-t-elle expliqué. Parmi les pistes distillées : garder en tête que toute situation est exploitable sur le plan pédagogique, qu’il est toujours mieux d’aborder le souci avec les parents du point de vue de leur enfant en étant dans les faits, et non dans le jugement, et que certains cas peuvent aussi ne pas nécessiter de les avertir : il peut parfois être important pour l’élève que certaines choses restent entre lui et son enseignant.

Noémie Fossey-Sergent

 

 

 

 

Une nouvelle circulaire
sur l'éducation à la sexualité

Depuis le 12 septembre 2018, une nouvelle circulaire sur l’éducation à la sexualité vient réactualiser celle en vigueur depuis 2003. Ces textes, qui ne s’appliquent pas aux établissements privés sous contrat retiennent l’intérêt de l’enseignement catholique, très engagé sur le champ de ce qu’il préfère appeler l’éducation affective, relationnelle et sexuelle.

Il s’associe d’ailleurs à la recommandation ministérielle d’y consacrer trois séances annuelles par classe à partir du primaire en conseillant même d’amorcer une sensibilisation dès la maternelle, par exemple, sur l’éducation à l’intimité, les relations filles-garçon, la gestion des émotions ou en réponse aux premiers questionnements sur la naissance.
Dans le même esprit, Josiane Hamy, qui suit ce dossier pour le Département Education incite les établissements à réaliser les compte-rendu annuels pluridisciplinaires qui ne sont obligatoires que pour les comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté des établissements publics, mais offrent un levier intéressant pour impliquer l’ensemble des acteurs sur un champ éducatif nécessairement partagé.

Concernant les nouveautés de la circulaire, Josiane Hamy salue la bonne prise en compte de la dimension psycho-émotionnelle, en complément des approches biologique et juridique. Tout comme la définition d’une posture des intervenants caractérisée par le discernement, la confiance, le respect des consciences et la prise de recul, ces ajouts font écho au texte d’orientation publié en 2010 par le Sgec.

En revanche, Josiane Hamy estime que les valeurs d'égalité et de liberté ne sauraient suffire pour traiter, dans l'enseignement catholique des questions telles que  les rapports homme-femme –à la lumière du texte de loi de juillet 2018 sur les violences sexistes et sexuelles-, l’orientation sexuelle ainsi que les questions liées aux évolutions bioéthiques actuelles.  

L’enseignement catholique insiste sur l'importance d'une approche nuancée, centrée sur la dignité de toute personne et la valeur de fraternité.
Dans le même esprit, l'accent mis par les textes sur  la prévention en collège et lycée ne doit pas occulter l’importance du sens (projet de vie, engagement, spiritualité). De même, le prisme juridique conseillé pour aborder en lycée les questions sociétales sensibles gagne à s’accompagner, dans l’enseignement catholique d’un questionnement éthique et philosophique.

 

 

Partagez cet article

>