Le Snceel s’autorise l’utopie
Pilotage horizontal, personnalisation des apprentissages, souci des valeurs et d’équité… Le Congrès du Snceel a offert des éclairages multiples et variés à quelque 600 chefs d’établissement pour les encourager à « rêver l’école » et annonce déjà que son temps fort de l’an prochain réinterrogera la notion de contrat d’association.
C’est sous ce mot d’ordre que le Snceel, organisation professionnelle des chefs d’établissement de l’école libre a placé son Congrès, les 24 et 25 janvier. Son président, Eric Hans a invité les 600 adhérents réunis au Palais des congrès d’Issy-les-Moulineaux à s’extraire de « la dictature de l’instant et de l’urgent » pour « imaginer, oser, expérimenter, être libres, dans des établissements autonomes », en privilégiant des approches qui font la part belle à l’intelligence collective ». Le tout pour « penser par soi-même et s’autoriser l’utopie».
La conférence introductive, donnée par Alain Boissinot, ancien président du Conseil supérieur des programmes, a traité du «choc des temps », pointant la nécessité de repérer, dans ces réformes successives du système éducatif, les continuités afin de leur donner du sens. Sans jamais céder à l’exigence de l’innovation à tout prix, les nombreuses interventions qui ont rythmé ces deux demi-journées de Congrès ont toujours rappelé combien « la réussite éducative était un processus en constant devenir », selon les mots de Son-Thierry Ly l’un des co-auteur du rapport France Stratégie qui invite à repenser les finalités de l’école en termes d’insertion professionnelle, d’épanouissement personnel et de partage d’une culture commune. Le jeune docteur en économie de l’Éducation et spécialiste de mixité sociale a aussi évoqué l’outil Didask qui permet d’individualiser les apprentissages, de consolider les acquisitions et de mesurer les progressions en quelques clics.
Il a d’ailleurs été largement question de personnalisation des enseignements et des parcours, d’éducation à la relation ou de sanctions bienveillantes, le chercheur Benjamin Moignard alertant toutefois sur le fait que « trop de modularité renforce les inégalités sociales… tandis qu’un socle curriculaire commun garantit une forme d’équité du système. »
François Taddei, chercheur à l’Inserm et spécialiste d’éducation a quant à lui insisté sur la nécessité d’impliquer les élèves dans cette entreprise de « rêver l’école » en leur proposant « un cadre de liberté évolutif et fécond » qui ménage « des tiers lieux de célébration et de partages des Savoirs » tels que des « rapports d’étonnement » ou des « fêtes de l’apprendre ». De quoi contribuer à aider les jeunes à découvrir leur « Ikagai », expression japonaise qui désigne une « raison d’être » sur un mode plus léger que celui qui caractérise nos questionnements existentiels.
Le rêve québécois
Cette soif de sens de la jeunesse, qui doit inciter à expliciter les valeurs, a aussi été repérée par Pierre-André de Chalendar, PDG du groupe international et tri-centenaire Saint-Gobain. Entre la tendance forte à la décentralisation, le numérique qui participe à bousculer les hiérarchies traditionnelles et les impératifs environnementaux, il a aussi livré son éclairage sur l’horizontalisation des modes de pilotage.
Le point d’étape des réformes en cours, notamment celle du bac, livré par Jean-Marc Huart, Dgesco, a été mis en perspective par l’exposé de Bernard Tremblay, directeur des collèges d’enseignement général et professionnel, un jeune et dynamique réseau d’établissements supérieurs québecois. Atypiques, ces établissements proposent conjointement des cursus techniques de trois ans et des parcours pré-universitaires sur deux ans, avec un tronc commun et des passerelles. Résultat un tiers des jeunes se réoriente, 40% de ceux qui se destinaient à des filières techniques poursuivent finalement à l’université et les études supérieures se sont largement démocratisées.
Autant de pistes pour articuler le rêve aux enjeux éducatifs qui se posent à l’enseignement catholique parmi lesquels son secrétaire général Pascal Balmand a notamment pointé la scolarisation des mineurs migrants dans un contexte de moyens contraints qui doit inciter les territoires à faire valoir localement leurs besoins spécifiques. Des chantiers qui nourriront la réflexion du congrès 2019 que le Snceel entend consacrer à une réflexion sur le contrat d’association et à ses possibles évolutions.