Une médiation en faveur d’APB

Sur plus de 760 000 usagers du système d’affectation post-bac, seuls 137 ont recouru au médiateur de l’Éducation nationale et de l'enseignement supérieur en 2016, pesant moins d’1% des saisines de l’année. Son rapport publié le 29 juin 2017, consacre pourtant un large chapitre au logiciel APB, emblématique des enjeux liés à l’usage d’algorithmes pour la mise en œuvre des politiques publiques. Le médiateur y rappelle qu’APB n’est qu’un outil de gestion des flux et une interface de la loi. Pour rendre plus lisible et transparent un système très critiqué cet été, il propose notamment de renforcer la formation des enseignants en matière d’accompagnement à l’orientation.

Une préoccupation largement partagée par le Sgec. S’il juge inquiétant le sort des 6000 lycéens toujours en attente d'affectation fin août, l'enseignement catholique en appelle, lui aussi, à ne pas faire d’APB un bouc émissaire qui masquerait des problèmes de fond.

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Stop à l’APB Bashing!

En cette fin août, il resterait encore 6000 bacheliers en attente d'affectation. Et si le recours au tirage au sort a été limité à un quart des 169 cursus initialement concernés, certaines filières censées garantir une affectation car estampillées de pastilles vertes resteraient en tension.
Cette situation, a conduit Renasup à interroger la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle dès le 1er juin 2017. Toutefois, Jean-Marc Petit, délégué général de RenaSup et en charge des questions d’orientation pour le Sgec s’insurge contre l’APB Bashing : Prendre l’outil APB comme bouc émissaire évacue selon lui les vraies questions que ces difficultés incontestables posent aux politiques publiques : modalités d’entrée à l’université, polarisation excessive sur certaines filières… mais aussi des difficultés en matière d’accompagnement à l’orientation. Une mise en perspective du « tollé APB » que Pascal Balmand, secrétaire général de l’enseignement catholique promeut et relaie auprès des responsables du réseau.

Tribune  de Jean-Marc Petit,
délégué général de RenaSup,
en charge des question d’orientions pour le Sgec

 

« Le thermomètre n’est pas la cause de la fièvre !»

 

 

APB est un portail complexe aux règles nombreuses, dont année après année les gouvernements ont voulu faire un lieu universel de mise en oeuvre de leur politique (Quotas, 10% de méritants, expérimentation de la priorité d’accès aux Bacs Pro en BTS, etc…).
Nous n’avons pas manqué d’exprimer notre désaccord sur un certain nombre de modalités choisies par le portail.

À l’occasion des dernières péripéties du 1er tour de juin 2017, nous nous sommes adressés au Ministère pour l’interpeller sur la manière dont il comptait gérer la situation des jeunes sans proposition au premier tour malgré leur vignette verte.  Des jeunes souvent  très inquiets de leur devenir alors qu’ils devraient pouvoir passer les épreuves du Baccalauréat en toute sérénité.
La situation de ces lycéens est gravement préoccupante, et mérite que tout soit fait pour répondre de manière équitable à leur légitime incompréhension. Toutefois, il nous semble injuste de faire porter à ce portail des responsabilités liées à des flux (qu’il gère mais ne crée pas), à une règlementation qu’il se doit d’appliquer et à certaines difficultés, voire insuffisances, dans l’accompagnement des jeunes pour leur orientation.

Les difficultés qui ont généré un tollé tout à fait compréhensible trouvent avant tout leur origine :

Au niveau des flux. Dans un désajustement entre le nombre de places offertes dans certaines filières très inférieur aux demandes formulées par les jeunes. Cette année, ce phénomène a été amplifié par la conjonction d’un accroissement démographique et d’une règle nouvelle voulant que les étudiants en réorientation soient traités à égalité avec les bacheliers de l’année.

Au niveau de la règlementation. En effet, l’article code L612-3 de l’éducation interdit aux universités de procéder par sélection des dossiers et stipule qu’à défaut de places suffisantes le tri doit se faire sur la base du domicile,  de  la situation de la famille et de  la préférence exprimée par le candidat. Dernière condition traduite sur APB  par le rang du vœu.
Une fois ces priorités mises en œuvre que reste-t-il en dehors du tirage au sort pour faire correspondre les inscriptions avec les places disponibles et des conditions décentes d’études ?

Au niveau de l’orientation, il est clair que l’on observe une surconcentration dans certaines filières phares qui doit nous interroger :

  • Combien de jeunes qui auront obtenu un accès forcé en PACES obtiendront leur première année de Médecine y compris en deux ans ? Combien seront déçus, frustrés, pour avoir tout misé sur cette filière ?
  • Combien de jeunes inscrits dans les filières phares obtiendront un diplôme alors qu’aujourd’hui seuls 40 jeunes sur 100 inscrits en 1ère année de licence l’obtiennent en 3 ou 4 ans ?
  • Combien trouveront une insertion professionnelle à la hauteur de leurs espérances ?

Alors qu’existent des places disponibles dans de nombreuses filières, simplement parce qu’elles sont méconnues ou ne correspondent pas aux représentations de la réussite qu’entretient trop souvent le monde des adultes (Intellectuels, Médias, Encadrants, Parents,…).

  • Combien de places dans des filières universitaires sous-demandées alors que l’économie a besoin de diversité et que nous manquons, par exemple, d’enseignants dans ces domaines ?
  • Combien de places disponibles dans des BTS ou des DUT notamment des secteurs techniques qui permettent à des jeunes de s’épanouir dans des activités passionnantes, leur ouvrant des portes vers le marché du travail avec un salaire souvent supérieur à ceux qui sortiront de certains Master Phares mais pléthoriques ?
    Sans compter que très souvent, comme pour les BTS de notre réseau,  des dispositifs sont mis en place pour atteindre le niveau Licence ou rejoindre des cursus Grandes Ecoles.
  • Combien de places disponibles dans des CPGE à taille humaine, qui ne sont pas en haut du classement mais où des équipes enseignantes encadrent les jeunes sans compter pour les faire réussir dans des Ecoles qui les mèneront pour la plupart vers une carrière professionnelle qui n’a rien à envier avec d’autres filières ?
    Là, aussi des accords entre certaines de nos Prépas et des grandes écoles de la FESIC permettent à des jeunes d’accéder de manière sécurisée, ce qui ne signifie pas sans exigence, au cursus Ingénieur.

 

La première année d’Université est probablement à revisiter. On ne peut pas ouvrir des places pour augmenter les effectifs des filières sur-demandées alors que les besoins économiques sont ailleurs. Certains disent que la 1ère année est un temps d’essai. Mais combien ne s’en relèvent pas ? Et est-ce un coût supportable pour la Nation ?
Peut-être que des « Première année » communes à plus de cursus permettraient aux jeunes de se fixer de manière plus ouverte avec, certes, le risque de décaler le problème d’un an.
On parle aussi de sélectionner sur pré-requis : Filières résultats. Il convient d’être prudent car cette modalité pourrait attiser les tensions en fin de seconde pour les choix de filières. Elle poserait la question de l’harmonisation des évaluations entre lycées. Elle présuppose qu’existe une corrélation absolue entre performances en lycées et dans le supérieur. Or chacun sait que ce n’est pas si simple et que le supérieur rebat souvent les cartes.

Quoi qu’il en soit, il est urgent de faire découvrir aux jeunes la diversité des formations, en sortant des hiérarchies d’un autre temps.
Pour ce faire, il est nécessaire de prendre au sérieux, la formation des enseignants en matière d’accompagnement à l’orientation, de l’articuler avec le monde de l’enseignement supérieur et d’en faire un critère significatif d’évaluation pour le déroulement de la carrière.

On peut rêver à l’avant APB avec ses dizaines d’enveloppes timbrées à envoyer et les bonnes vieilles chaînes d’inscription à l’université où, après quelques heures d'attente, on vous dira que c’est complet !
Mais l’enjeu est bien de regarder les choses en face : Repenser l’offre de formation dans une logique de réponse aux jeunes que l’on y accueille et aux débouchés qu’offre le monde économique. C’est aussi améliorer le processus de construction du choix d’orientation de chaque jeune.

« Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt  » Le débat de fond doit s’ouvrir sans tabous, les jeunes valent mieux que cette vaine querelle autour d’APB!

Analyses et préconisations du médiateur de l’Éducation nationale et de l'enseignement supérieur 

Sur les 12 053 saisines reçues en 2016 par le médiateur de l’Éducation nationale, seules 137 concernent APB (dont 80 émanent d’Île-de-France).
Pour le médiateur Claude Bisson-Vaivre, la gestion algorithmique imposée par la masse des usagers et des personnels administrés par le ministère de l’Éducation nationale semble donc faire ses preuves : «APB permet à tout usager (futur bachelier ou bachelier en réorientation) de visualiser le foisonnement de l’essentiel des formations post-bac qui s’offrent à lui et de choisir, par voie électronique, celles qui correspondent le mieux à son profil et à ses souhaits d’études supérieures en classant des vœux de filière. »
Par ailleurs, il relève qu’en 2016, 14% de son action a eu pour but d’expliquer le fonctionnement de la plateforme, le plus souvent en adressant les requérants aux services d’orientation ou aux chefs d'établissement (contre 37% en 2015). Ces chiffres, tendent à prouver que les néo-bacheliers s'approprient plutôt bien la plateforme APB.

Néanmoins, le rapport du médiateur propose des pistes d’amélioration pour assurer la transparence d’APB, sa lisibilité, son adéquation fidèle à la règlementation, sa compréhension par les familles.
Au-delà, il entend attirer l’attention sur l'importance de concilier gestion d'effectifs massifs et respect des parcours et besoins individuels: « La puissance industrielle des nouveaux algorithmes pourrait éloigner l'école des valeurs fondamentales qui sont les siennes et inviter à la transparence de la technologie et des codes utilisés pour que l’humanisme reste fondateur des apprentissages et des parcours des élèves.

 

Face à la complexité,
la nécessité d’interlocuteurs

La succession des phases de la procédure  (trois phases de proposition d’admission dans la procédure normale, puis une procédure complémentaire) perd un certain nombre de familles. Les requérants se retrouvent parfois seuls, en juillet et août, face à leur problème d’admission dans le supérieur.
Le processus ABP est souvent perçu comme anxiogène, faute de proposer un interlocuteur identifié permettant de répondre aux questions posées par les jeunes et leurs familles tout au long de la procédure.
Pour corriger cette lacune, le médiateur recommande d’indiquer la rubrique « Contact » en première  page de tous les guides APB, flyer et fascicules existants. En effet, c’est par ce biais que les usagers pourront disposer des premières informations sur les démarches à effectuer en cas de  difficulté.
Il propose aussi d’organiser un accueil personnalisé des usagers sans admission ou qui croyaient à tort en avoir une, dans toutes les académies et universités (services centraux) de la mi-juillet (soit à la fin des 3 phases de proposition d’admission de la procédure normale d’APB) à la fin du mois d’août. Les modalités de cet accompagnement devraient être précisées dans la rubrique « contact » de la plateforme APB afin d’éviter une « pêche » aux informations énergivore. Il conviendrait d’offrir une typologie d’interlocuteurs correspondant aux problèmes possiblement rencontrés (réorientation interne ou externe, primo-entrant sans admission).

Accompagnement à l’orientation

Pour que le logiciel fasse moins l’effet d’être hors sol, le médiateur préconise d’y adapter les systèmes d’orientation active proposés en établissement. Il souhaiterait voir généralisé, à l’intention des familles, dans tous les établissements scolaires, une information sur l’algorithme APB et un accompagnement à la saisie des vœux, tout au long du processus. Seul un tel accompagnement permettra d’adapter les stratégies de classement des vœux d’admission en fonction de l’objectif d’orientation arrêté. Cet accompagnement doit être conçu de manière à favoriser la présence des parents et à permettre aux familles éloignées de la culture numérique et/ou qui ne disposent pas de l’outil informatique de l’utiliser au lycée, avec leurs enfants, à des moments choisis et en dehors des heures de travail.
Le rapport invite aussi les chefs d’établissement à s’emparer du décret n° 2015-475 du 27 avril 2015 qui permet de mettre en place des missions d’accompagnement des élèves dans l’élaboration de leur parcours de formation, en y associant des temps de formation à l’orientation et à l’actualisation des connaissances concernant APB.

Quid des
761 659 candidats APB de 2016 (+3%) ?

 

En 2016, 51 % des candidats (soit 330 170) ont reçu, à la fin de la procédure normale, une proposition d’admission sur leur vœu 1. Mi-juillet 2016, seuls 108 544 candidats étaient sans proposition, contre 123 858 en 2015, soit une diminution de 12 %.
À noter: la majorité des candidats sans proposition ne sont pas titulaires du baccalauréat (candidats ayant suivi une scolarité étrangère, candidats titulaires d’un diplôme de niveau IV...).

Le médiateur conseille les familles

-Tenir compte des conseils formulés par les acteurs de l’orientation dans les EPLE, les salons d’orientation, en classe, dans les CIO...

-Penser à confirmer ses candidatures début avril, puis à classer ses choix avant fin mai ;
-Se renseigner sur les critères d’attribution d’une place pour un vœu exprimé dans une filière en tension ;

- Connaître les enjeux de la réponse normée «non mais» qui sous-entend que la proposition qui est faite est refusée de façon définitive. Cette proposition ne sera plus offerte, seuls les vœux exprimés et classés avant celui ayant donné lieu à cette proposition seront examinés ;

-Utiliser la procédure complémentaire d’APB en connaissance de cause car elle comporte des risques à mesurer, puisque seules les formations disposant de places vacantes après la procédure normale seront proposées ;

-Savoir qu’en cas de difficulté de janvier à fin septembre, la rubrique «contact» de l’application APB peut être utilisée et qu’il s’agit du premier moyen d’obtenir une réponse ou une solution à un obstacle, quelle que soit sa nature.

 

Le médiateur Claude Bisson-Vaivre © SH

Clarifier la procédure

Critères de tri, modalités d’entrées, recours au tirage au sort… Le médiateur recommande de sécuriser juridiquement toutes les procédures utilisées pour l’admission des bacheliers (primo-entrants ou non) dans l’enseignement supérieur : APB ne doit être que la traduction de la mise en œuvre d’une politique publique prévue par les textes, ni plus ni moins.

 

Un logiciel perfectible

Le médiateur propose des adaptations du logiciel visant par exemple à supprimer la réponse normée « non mais » qui facilite certes la gestion des flux mais impose aux usagers de renoncer à leurs choix antérieurs.
Autre vecteur de fluidification du système, le médiateur propose d’intégrer dans APB de nouvelles formations pour tendre à l’exhaustivité. Plus le nombre de filières intégrées et gérées dans APB sera important, plus la gestion des listes d’attente sera facilitée;
Le médiateur interroge enfin la responsabilité des établissements qui ne sont pas gérés dans APB : ils proposent qu’ils puissent renseigner dans le portail les résultats de leurs inscriptions avant la troisième phase de la fin de la procédure d’admission d’APB. Cela permettrait de prévenir les désistements de dernière minute et rendrait superflue la pratique du surbooking qui fait que certains candidats se retrouvent « désaffectés à la rentrée ».

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