Collège: une réforme qui bouscule mais interpelle
Benoit Skouratko, du département Éducation du Sgec, a coordonné une enquête sur la mise en place de la réforme du collège dans l’enseignement catholique. Ce bilan d’étape rend compte de changements de postures éducatives intéressants, qu’une journée nationale, le 18 mai prochain, entend faire fructifier. Analyse des enseignements d'une enquête inédite.
Malgré les polémiques, les équipes qui ont répondu à votre enquête semblent s’être bien approprié la réforme du collège... peut-être plus en profondeur que la réforme du lycée qui avait pourtant été a priori mieux acceptée...
Bien sûr, les 183 établissements (soit 11,6 % de nos effectifs en collège) qui nous ont répondu représentent les structures qui se sont laissé bousculer par la réforme, ont osé se questionner et faire évoluer leurs pratiques. D'ailleurs, leurs témoignages n’ont pas occulté la complexité, les difficultés et la surcharge de travail qu'a générées la mise en œuvre d’une réforme très ambitieuse car systémique. En effet, elle a concerné tous les niveaux, de multiples dispositifs tels que les fameux Enseignements de pratique interdisciplinaire et a impacté autant les pratiques enseignantes que les élèves ou les modalités de pilotage. Mais c’est justement pour cela qu’elle a réussi à interpeller et à déplacer les acteurs. Et ce, de manière plus significative que la précédente réforme du lycée qui était axée sur les dispositifs, la "vitrine", plus que les fondamentaux de l'enseignement et de la transmission.
Les retours recueillis sont d’une grande diversité…
Cela montre que les équipes ont saisi, avec la réforme, l’opportunité d’interroger leur propre projet, d’analyser ce qui pouvait répondre le mieux à leurs besoins et c’est tant mieux : ainsi la réforme a permis de nourrir une réflexion au long cours dans l’enseignement catholique sur le sens et la cohérence du collège.
Quels points saillants ressortent de l’enquête ?
Les aspects de la réforme les mieux investis semblent être le travail en équipe, l’évaluation et l’enseignement par compétences ainsi que l’accompagnement personnalisé. Des dimensions qui excèdent la simple dynamique de classe pour impacter le management, les relations avec la vie scolaire, la question d’une éducation intégrale, celle de l’interdisciplinarité et de la construction des savoirs…
Un autre élément frappant est de constater que, dans les établissements qui sont entrés dans la réforme en privilégiant la concertation, l’horizontalité et la subsidiarité, quelque chose de nouveau est né qui rejoint la dynamique du Réenchantement de l’École.
Les aménagements introduits à la rentrée menacent-ils la réforme?
Comme dans toute réforme, il y a un risque d'usure des acteurs les plus engagés qu'il faut veiller à éviter. En revanche, les établissements qui ont répondu à l'enquête me paraissent avoir trop bougé pour revenir en arrière. D'autant que les équipes ont pu mesurer les bienfaits, tant pour elles-mêmes que pour les élèves, d'une collégialité accrue ainsi que du travail par compétences.
Les assouplissements consentis à la rentrée 2017 me semblent plutôt de nature à rassurer les établissements qui s'interrogent, à les inciter à entrer dans la réforme à petits pas, de manière plus progressive.
Comment faire fructifier cela ?
Le Sgec, fort de la richesse d’initiatives dont témoigne cette enquête, a décidé d’organiser, le 18 mai prochain, une grande journée de partage et d’expression pour les acteurs du collège. Elle prendra la forme de cinq séminaires organisés dans différentes régions pour mutualiser, échanger des pratiques et des ressource. Il s'agira de célébrer l’existant, de continuer à relier la réforme au projet de l’École catholique mais aussi de susciter dans des établissements moins investis dans la réforme, l'envie et les balises pour s'engager.