Grand débat: tous les jeunes ont voix au chapitre !
Les invisibles du système scolaire étaient sous les feux de la rampe, le 12 mars 2018, lors d'un Grand débat organisé à Saint Nicolas (75006) avec Sophie Cluzel, ministre chargée des personnes handicapées et 56 lycéens des Ulis de l'enseignement catholique de Paris. Citoyenneté, école inclusive et transition énergétique... les orateurs ont multiplié les propositions pour améliorer la société.
Invités à échanger avec Sophie Cluzel, la ministre en charge des Personnes handicapées, dans le cadre du Grand débat national, une soixantaine d’élèves de l’enseignement catholique de Paris n’ont pas boudé leur plaisir, le 12 mars dernier, au lycée parisien Saint-Nicolas (6e ).
Relevant des dispositifs Ulis (unités locales d’inclusion scolaire) de cinq lycées professionnels parisiens*, 56 jeunes en situation de handicap ont fourmillé de propositions pour améliorer l’existant en termes de citoyenneté et de démocratie ou de transition écologique, les deux thèmes retenus pour cette rencontre. Surtout « Écoutés, considérés, valorisés, ces jeunes ont repris une parole pas assez entendue, démontrant au passage tout le bénéfice de cette culture du débat que nous œuvrons à promouvoir dans nos classes », déclare Florance Mirande, responsable ASH à la direction diocésaine et cheville ouvrière de cette initiative organisée dans la foulée d’un précédent débat, organisé par des BTS communication du lycée Carcado-Saisseval : Sophie Cluzel y avait promis d’assister à tout prochain débat qui impliquerait des jeunes d’Ulis.
À l’issue de la rencontre, elle les a chaudement félicités, tant pour la pertinence des pistes d’actions émises que pour la qualité d’écoute de ce débat, « l’un des plus respectueux de la parole de l’autre parmi tous ceux auxquels j’ai assisté », a noté la ministre.
Marie-Noëlle Julien, chef d’établissement de Saint-Nicolas, l’établissement hôte a aussi beaucoup apprécié que ces « invisibles du système éducatif, trop avancés pour rester dans les structures adaptées et avec un niveau scolaire trop faible pour suivre en classe ordinaire » aient cette occasion unique de formuler eux-mêmes leurs solutions pour que les personnes en situation handicap aient une juste place dans la société. Et de conclure, à leur adresse : « Merci pour ces échanges menés avec dignité, conviction et talent. Merci car en nous parlant de ce qui vous tenait à cœur, vous l’avez fait arriver dans nos cœur ! »
Ci-dessous, le reportage
diffusé au JT de 20h de France 2
* Les établissements participants:
Saint Jean de Montmartre (18e), Saint Nicolas (6e), L’Initiative (19e), Sainte-Thérèse (16e), Saint Vincent-de-Paul (13e)
Paroles de profs
Ludivine Talon, chargé du développement durable à Saint Nicolas, labellisé éco-école
« Nos élèves ont aménagé un terrain en friche donnant sur une arrière cour, en maraîchage aux normes de la permaculture, agrémenté de bacs réalisés par les CAP menuisiers et d’un arrosage automatique conçu par des CAP électrotechnique. Ce projet, commun à toute l’école, favorise l’inclusion de nos élèves : ceux relavant d’Ulis y trouvent leur compte car ils ont souvent la fibre environnementales et on constate qu’ils s’orientent davantage vers l’horticulture ou les espaces verts. Pour toutes les autres filières techniques, c’est un plus d’être sensibilisés aux évolution des normes et de la gestion des déchets qui transforment les métiers qu’ils exerceront demain. »
Élodie Cardinal,
Coordinatrice Ulis de l’Initiative
« J’ai été touchée et heureuse de voir mes élèves ainsi écoutées : ce genre de débat participe pleinement à restaurer leur confiance en eux. Cela rejoint l’objectif principal des dispositifs Ulis tels que je les conçois : dans notre lycée, où les filières artistiques aident à interroger, déplacer la notion de norme, l’enjeu est bien de guérir les blessures de parcours scolaires antérieurs où ils ont vécu douloureusement une stigmatisation, une mise à l’écart. »
Mille et une propositions pour une société plus inclusive:
Voter... pour changer le système scolaire
Diego (Saint-Nicolas) : Je veux voter – européennes de mai, municipales de mars 2019- pour changer les choses… C’est un droit et un devoir important !
Christ (Saint-Nicolas) : On peut aussi donner son avis par les sondages, des manifestations, certaines émissions télévisées ou encore des débats comme celui-ci… Dans nos établissements, ce sont nos délégués de classe qui peuvent faire évoluer la vie quotidienne.
Tanguy (Sainte Thérèse) : Sauf que les campagnes de nos délégués sont plus faciles à suivre ! C’est parfois difficile de s’intéresser aux vraies élections, de bien comprendre les programmes des candidats…
Naomi (St-Vincent-de-Paul) : Et puis, il y a aussi d’autres injustices en matière de citoyenneté. Nous, on pense qu’accorder le droit de vote aux étrangers qui font leur vie en France permettrait par exemple qu’ils se sentent moins exclus…cela amènerait plus de paix et plus d’échanges entre les gens.
Paul (St-Vincent-de-Paul) : En votant on pourrait peut-être obtenir que le système scolaire change, s’assouplisse… que les façon d’apprendre soient simplifiées… pour moins de moqueries… un monde plus raffiné.
Berkan (Saint-Nicolas): … Et aussi les formations diplomantes, qui doivent être plus accessibles, alors que trop souvent les parties théoriques sont impossibles à valider pour nombre d’entre nous…
Juliette (L’initative) : On pourrait aussi réorganiser les niveaux, pour mieux prendre en compte la difficulté, la lenteur ...
Émilie (Saint-Nicolas) : Moi, j’aurais besoin d’une AVS pour m’aider pour la prise de notes…
Christ (Saint-Nicolas) : Il nous faudrait aussi davantage d’écoles, de places dans des dispositifs Ulis… Pour l’an prochain, il n’y aura que deux places disponibles à Saint-Nicolas en Ulis et nous avons reçu six stagiaires… sans compter les candidatures qui ont dû être refusées du fait d’un handicap trop lourd… C’est une sacrée sélection… alors qu’aller à l’école est censé être un droit pour tous…
... pour changer de regard sur le handicap
Cleo (L’Initiative) : On voudrait aussi faire changer le regard sur le handicap : c’est pas parce qu’on est différent qu’on peut se permettre de se comporter n’importe comment avec nous
Berkan (Saint-Nicolas) : Je propose de faire des films ou de donner des cours pour informer sur le handicap, faire connaître nos manières d’être, nos faiblesses… et nos forces aussi car on en a !
Alexandre Globalement, on manque de de visibilité dans la société : on est un peu comme des fantômes… On ne parle jamais de nous sauf en négatif, en termes qui font peur.
Paul (Saint-Vincent-de-Paul) : On pourrait aussi faire des exposés en début d’année pour les autres élèves et aussi les professeurs…
Xavier (Saint Jean de Montmartre): On devrait aussi faire plus de sorties et d’activités avec les autres, en milieu ordinaire.
Thomas (Saint-Nicolas ): On expliquerait que ça tombe sur nous au hasard… qu’on n’est pas responsables ni nos parents… et qu’on a d’autres qualités… Ça aiderait peut-être à ce qu’on soit ne soit pas mis de côté… J’ai même connu des profs qui ne voulaient même pas essayer de nous enseigner !
Antoine (Saint Nicolas) : On n’a plus envie d’être pris pour des bébés ou des incapables… alors qu'on peut y arriver. Souvent, c’est juste qu’on a besoin d’un peu plus de temps.
Ludivine (L’initiative) : Plus facile qu’un témoignage direct, je pense à des jeux de rôle mettant en scène une personnes qui se moque d’une personnes handicapée et sa victime… Mieux qu’un discours, cela aiderait à faire comprendre combien les mots peuvent blesser et combien ça peut marquer toute une vie…
Nassim (Saint-Jean-de-Montmartre) : Les patrons doivent adapter environnement de travail. Parfois, on a juste besoin d’adaptations toutes simples… Nous on fait déjà beaucoup d’efforts mais on peut pas changer, on peut pas faire semblant…
Fatima (Saint-Nicolas) : On sait qu’il ne faut pas rester en retrait… On essaie de prendre l’initiative d’aller vers les autres. Mais comme on se demande toujours si la personne aura la patience de nous écouter… Ça nous stresse, ça nous rend timides, au point que parfois, on s’emmêle dans nos pensées, on raconte n’importe quoi !
Diégo (Saint-Nicolas) : C’est pour ça qu’il ne faut pas nous juger trop vite… Et qui, si les gens voient qu’on est trop fragile, il faut qu’ils soient plus doux.
Cléo (L’initiative) : En fait, c’est comme pour les différences de couleur de peau ou d’orientation sexuelle… apprendre à les accepter et à les respecter, cela ferait une société plus tolérante.
... pour sauver la planète
Ludivine : Pour la planète, on sait très bien que plus on attend… plus ça empire… Il faut changer maintenant !
Thomas : Il y a la sécheresse, les glaciers fondent à cause de notre pétrole et les abeilles meurent… et sans elles comment fera-t-on pour avoir des fruits et des légumes à manger ?
Cléo : Il y a des espèces protégées… il faut interdire le braconnage, et même la chasse.
Bénédicte (Sainte Thérèse) : On peut commencer à faire la guerre aux papiers par terre et à rendre obligatoire le tri des déchets dans nos établissements parce que le plastique dans la mer, c’est une vraie catastrophe.
Diégo (saint Nicolas) : Pour faciliter le tri, il faudrait avoir les mêmes règles dans toute la France et sur le gaspillage, pourquoi certaines vitrines restent-elles allumées toute la nuit ?
Étienne (St Jean de Montmartre) : Et puis il y a les mégots de cigarette…
Calista (sainte Thérèse) : Il faudrait prévoir des amendes ou des travaux d’intérêt général pour les pollueurs… Et, à notre échelle, on peut aussi promouvoir la marche à pied et les transports en commun, ne plus boire dans des bouteilles en plastique…
Xavier (Saint Jean de Montmartre) : Au lieu de jeter, on devrait prendre le réflexe de donner.
Paul (Saint-Vincent-de-Paul) : … et le réflexe d’acheter moins… et local.